Des courts métrages trop courts,

Ou trop longs

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Dix films étaient présentés au public, le vendredi 11 juin dans le théâtre du centre Bonlieu, accueillant jusqu’à 600 personnes.

Le meilleur

Premier court : Bi’Em In. Construit autour d’un morceau du musicien de Jazz Oscar BROWN Junior (70 ans), il s’agit d’un film coup de poing. Le morceau parle de la traite des Noirs de manière crue, et si Oscar BROWN Jr vient du Jazz, son morceau évoque plutôt le rap américain de la côte Ouest. Son réalisateur, l’américain Neal SOPATA, travaille à Hollywood sur des longs métrages pour gagner sa vie. Il y a 3 ans de cela, il entend le morceau et l’émotion le gagne. Lorsqu’il décide de réaliser ses premiers films en tant qu’indépendant, il contacte Oscar BROWN Jr. Ce dernier, après avoir regardé son story-board, lui donne sa bénédiction.

Le court est dessiné à la main et les décors, constitués de couleurs très sombres, sont créés avec After Effect, puis passés au filtre pour donner un aspect à mi chemin entre le charbon et le pastel. Pour Neal SOPATA, l’ordinateur devient aujourd’hui un outil de travail intéressant et il espère qu’à l’instar de la photographie, qui a poussé la peinture à se renouveler, l’ordinateur poussera l’animation à se dépasser.

Autre pépite, dans un genre bien plus léger cette fois-ci, La révolution des crabes (ayant, entre temps, remporté le prix du jury d’Annecy). Ce court de Arthur DE PINS (ça ne s’invente pas) raconte avec beaucoup d’humour la vie d’une espèce de crabe dépressif ne pouvant se déplacer que sur une ligne droite. Il aura fallu seulement 5 mois à Arthur DE PINS pour venir à bout de récit de près de 5 minutes. En effet, pendant la réalisation de son film L’eau de rose, la production se retrouve en stand-by. Canal + cherchant à acquérir 10 courts d’animations, il envoie alors son projet à la chaîne « du hard et du foot », histoire de s’occuper. La première mouture de son scénario ne plaisant pas, il décide d’aller vers plus d’épure. Il opte pour un noir et blanc doucement glauque, et reprend un peu par hasard la musique de Monsieur Cinéma, émission présentée par Pierre TCHERNIA. Il met son court en ligne sur le Net et reçoit près de 60 000 visites. Dès lors, le court est bien reçu par le Festival d’Annecy !

Dernier bijou : L’inventaire fantôme (ayant remporté le prix junior Canal J/Annecy 2004). Dans l’atmosphère sombre d’un XIXe siècle parisien, on découvre un huissier venu s’emparer des dernières possessions d’un vieil homme en fauteuil roulant. Ce dernier conduit le fonctionnaire dans une salle immense dans laquelle se trouverait « des vieux souvenirs oubliés dont personne ne veut plus. » Notre pauvre huissier va vite réaliser que les choses du passé sont parfois mortelles…

Un film ambitieux que cet Inventaire fantôme. Il aura fallu pas moins de 12 ans pour en venir à bout, mais seulement quelques mois pour le tournage lui-même ! Franck DION a tout fait ou presque sur ce film : sculpture, dessins, histoire, story-board… seule la musique lui a échappé. Filmé avec un appareil photo numérique et retravaillé pour donner à l’image une texture semblable à celle d’une bobine de 35mm, ce court n’aura pas coûté très cher, les 15 stagiaires ayant travaillé dessus n’ayant pas été payés. De plus, le film a été co-produit par les producteurs des Triplettes de Belleville.

Le pire

In. Voici le nom du court ayant été chahuté par le public du Théâtre. Certain spectateurs savaient visiblement de quoi il retournait, car une partie d’entre eux a couru jusqu’à la sortie. Et comment le leur reprocher ?

Le court commence tout d’abord par une suite de plans subjectifs (en prise de vue réelle), ponctués de halètements de douleurs féminins, mêlant jeunes filles à moitié nues, rivières et homme mystérieux. Prélude à un plan séquence interminable qui s’attache à suivre les circonvolutions de deux cellules bleues (en images de synthèses) ; on bascule ensuite dans l’intérieur d’un corps, où se trame une lutte acharnée entre cellules pour une reproduction douloureuse. Enfin, après un bref retour à la rivière initiale – avec slip rose et rat mort en prime la scène finale se déroule dans l’ambiance étrangement clinique d’une chambre d’hôpital, dans laquelle se trouve une jeune femme entre deux âges, visiblement éplorée.

Métaphore sur l’avortement ? Délire abscons ? Difficile de comprendre quelque chose à la vision de ce film tenant plus du délire psychotique que de l’animation. Visuellement, le résultat s’avère des plus réussis : mélangeant des images en prises de vues réelles et la 3D de l’ordinateur, le rendu visuel est mystérieux et angoissant.

Par contre, impossible de comprendre à quoi on a affaire. On a parfois l’impression d’assister à un snuff movie – voire à un film pédophile -, avant de retomber dans une SF cryptique, louchant vers le fantastique Lynchien. On aurait donc bien voulu interroger le réalisateur allemand Philipp HIRSCH, mais ce dernier n’a pas cru bon de venir au Bistro Romain dans lequel Serge BROMBERG, le directeur artistique du Festival, interrogeait tous les matins les réalisateurs des courts diffusés la veille. La rencontre aurait sans doute été des plus… éclairantes !

C’était vraiment très intéressant

Ceux doutant de la pertinence et de la puissance de l’animation en auront été pour leurs frais lors de ce Festival. La petite sélection de cet article vous prouve la richesse thématique et visuelle abordée dans les courts. Bien sûr, un film comme In dérange et fait peur, mais sortir choqué d’une projection – en colère, ou bouleversé – n’arrive pas souvent, et fait partie de la rencontre avec un film. L’animation prouve donc sa grande diversité dans ce Festival d’Annecy, et les possibilités créatrices qu’elle induit. La plupart de ces courts étant en effet auto produits, et réalisés avec peu de moyens, ils permettent à de jeunes artistes de s’exprimer. Que l’on soit en phase avec leur vision du monde étant, bien entendu, un autre débat !

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