Fanzine’s not dead !

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Consultant le petit prospectus-programme fourni à l’entrée de la convention, nous constatons que parmi la liste des 120 stands présents, 75 sont des stands amateurs. Et parmi les jeux vidéo expérimentaux, les associations d’arts japonais et les films amateurs, le fanzine(1) se taille la part du lion, avec 52 stands. Pour une activité dite à l’agonie, le fanzine est à première vue très présent. C’est ainsi, entraînés dans un raz-de-marée de visiteurs avides de coffrets DVD, de manga dédicacés et de toys en tous genres, que nous débarquons dans Japan Expo 6 à la recherche des fanzines.

Le niveau monte !

Finis les mauvais fanzines tout crasseux, photocopiés à l’arrache et agrafés au marteau. Le niveau général est en nette progression. On peut apercevoir des fanzines en couleur à la finition impeccable, et au dos carré thermocollé, « c’est un magnifique camaïeu de styles et de couleurs vives et chatoyantes qui nous ravissent les sens… » (cf. Facheuntivi). Beaucoup de nouveaux talents tapent fort, avec un haut niveau graphique et un fanzine de très bonne facture.
C’est le cas de Téquila!, qui nous a ravi avec son style graphique très personnel et ses BD à l’esprit fêtard, “Funky et Sympa”. Ou encore, Noodle, cette talentueuse équipe d’anciens écumeurs de conventions qui sont enfin passés à l’acte, avec un fanzine de BD et d’illustrations de très bon niveau. Le fanzine Furyo propose également depuis ses débuts un fanzine réellement intéressant et de qualité, tant au niveau de la forme (dos carré collé, plus de 150 pages, maquette soignée), que du fond, définitivement shônen. On s’attache aussi très rapidement à l’esprit sympathique du fanzine Chibimag, à son ton et son style. D’une manière générale, on remarque donc que les fanzines présents rivalisent d’originalité. Les fanzines pompant laborieusement les planches de Clamp sont, quant à eux, en voie de disparition.

Une “Carte de Visite”

Cette nouvelle tendance du fanzine identitaire et de bonne qualité vient en partie du fait que le fanzine n’est plus un simple médium pour fans passionnés, mais qu’il devient une véritable carte de visite pour jeunes dessinateurs, graphistes ou scénaristes. En effet, il permet d’être présent sur les conventions, de rencontrer les professionnels du milieu, et laisse ainsi aux auteurs amateurs une chance de se faire connaître. Certains fanzines affichent clairement cette démarche. Les auteurs de Nekomix par exemple, n’hésitent pas à dépenser près de 2 200 euros par an (ça fait paquet de p’tites vieilles à dépouiller !) pour réaliser leur fanzine en Offset, et à participer à quasiment toutes les conventions de BD françaises (et suisses). Le but ? Créer un réel lien entre jeunes auteurs et gens du métier. Ils utilisent ainsi leur fanzine comme un tremplin vers le professionnalisme(2).

Les auteurs de Red Earth Chronology cherchent également à se faire un nom dans la BD en auto-produisant un véritable manga imprimé à 1 500 exemplaires en Espagne. Bien qu’ambitieuse, cette démarche se révèle parfois très positive. D’autres, comme Noux Anime Art, cherchent à se faire des contacts via l’illustration, pour pouvoir vivre en freelance du graphisme. En effet, à l’image de Nauriel, membre de l’association Green Elven, qui dans le but de passer pro, présente ses travaux dans le fanzine HeavenX (anciennement MagicNews), et vient de signer chez Dargaud. Ou comme les deux dessinateurs de Krom!! – fanzine de BD plutôt franco-belge -, qui sont maintenant encreurs chez Dargaud et Delcourt. Ils se sont d’ailleurs, pour la petite histoire, rencontrés sur le forum d’AnimeLand.com, comme quoi tout arrive sur la banquise !

Quand le Web s’en mêle

On remarque que l’utilisation d’Internet a beaucoup apporté au fanzine. D’une part, il a permis une meilleure communication entre les membres d’une équipe, qui se retrouvent souvent disséminée aux quatre coins de la France – voire du monde. Mais c’est aussi un bon moyen de rencontrer d’autres passionnés sur les chats, newsgroups et forums. Par exemple, le fanzine Yaoi est à l’origine une mailing-list de plus de 450 personnes passionnées de “Boy’s Love”, qui se sont ainsi réunies pour donner vie à un fanzine où… des hommes aiment d’autres hommes. Dans un tout autre genre, le fanzine Circle(3) est à l’origine un forum de dessins et d’illustrations de très haut niveau ; l’équipe se retrouve aujourd’hui en chair et en os en conventions, autour d’un fanzine rassemblant les plus belles illustrations de sa communauté. Le fanzine présente également des tutoriaux pour apprendre à utiliser les logiciels de création graphique.

On retrouve aussi les webzines et les webcomics (fanzines et BD uniquement publiés sur Internet), qui proposent pour l’occasion une version imprimée. C’est le cas de France Desu, qui vend un fanzine-recueil de sa BD pré-publiée sur le Net depuis 2 ans, accompagné d’un tas de goodies. Ceci leur permet d’avoir le plaisir du contact direct avec le public et de mieux le connaître. À l’inverse, le studio Imagin’Nation vient sur Japan Expo 6 pour tâter le terrain, présenter leurs travaux et se faire connaître avant même de mettre son futur webcomic en ligne.

En parallèle, le Web nous apporte aussi de nouvelles formes d’expression, notamment l’Oekaki, dessin réalisé en direct et en ligne à l’aide d’une interface assez sommaire. Vous pourrez retrouver de superbes galeries d’Oekaki sur les sites des fanzines Circle, Noodle et Onigiri. D’ailleurs, actuellement, quasiment tous les fanzines possèdent un site ou un forum sur le Web, afin de garder contact avec son public et de proposer un complément régulier au fanzine (dessins inédits, croquis et sketchs, discussions, VPC…).

Entrez dans mon Univers

L’une des grandes évolutions de cette génération de fanzines est la volonté de fournir non seulement une BD de qualité, mais aussi un scénario qui tienne la route (chose qui, on doit l’admettre, faisait souvent défaut aux fanzines jusqu’ici). Bong!, par exemple, porte une grande importance à la qualité de l’écriture du scénario : la série de BD narre les aventures vécues par les agents spatiaux Spice & Vadess, mêlant tantôt humour, tantôt SF plus sérieuse. De son côté, Jump, de l’asso lyonnaise ACMA (ex MangaWorld), souhaite axer son fanzine sur des créations personnelles et un univers qui lui est propre.

De plus, le fanzine est aussi un bon moyen de faire découvrir au public un concept d’univers bâti dans le cadre d’un jeu de rôles (RPG), de le développer et de le décliner sur tous les supports. À l’instar du fanzine Raxxon, qui nous entraîne dans le monde médiéval fantastique éponyme au travers de BD, illustrations, nouvelles, roman, fiches techniques, RPG, forum et site Web (ouf…on a tout dit). Ou dans un style nettement plus shôjo, l’univers de Scythe (auparavant Kyûshû) – fanzine de manga “fleuve” de très bonne qualité, développant un univers heroïc fantasy manipulant, entre autre, le cours du temps.

Just for Fun !

La nette progression du niveau général des « amateurs » pourrait effrayer les petits nouveaux qui veulent se lancer dans le fanzinat. Il est vrai que les fanzines actuels ont atteint un tel niveau de qualité, que les personnes ne maîtrisant pas le brosser croiser au pantone humide ou les projections vectorielles 3D inversées n’osent plus se lancer dans le fanzine avec leur pauvre petit crayon à papier et leur stylo bille 4 couleurs pour nous faire partager leur délires du moment. Dommage. Cependant, il existe des petits jeunes sans complexe, qui débarquent avec leur petit zine rigolo dessiné juste pour le fun. C’est le cas de Bol de Riz, qui est à l’origine un délire entre potes durant d’interminables cours de maths. Les vieux de la vieille aussi n’en finissent pas de délirer, à l’image de Ikki, qui depuis 5 ans nous dissout les neurones à coup de parodies de Saint Seiya, avec à son actif plus de 25 fanzines.

Quant aux plus anciens du circuit, bien qu’ils soient passés pro (ou presque), ils sont toujours là, et continuent à nous faire du fanzine pour se lâcher, pour tenter de nouvelles choses, pour assouvir leurs fantasmes, bref, pour se libérer du joug de leurs méchants patrons et de leurs briefs bien carrés, laissant ainsi libre cours à leur imagination débordante. Attention, le Dôjinshi(4) à la française débarque ! (Nous utiliserons ce terme ici, par un abus de langage honteux et en référence aux dôjhinshis japonais, pour désigner un fanzine de très bonne qualité fait par des artistes passés pro (ou presque) pour retrouver une liberté d’expression et de création : oeuvres personnelles, parodies “trash”, politiquement incorrectes, coquines, voire pornographiques.)

Le Dôjinshi à la française

Galou (chara designer de DA) et Dara (chara designer de jeux vidéo) d’Onigiri, passés pro grâce à leur fanzine, continuent cette activité par passion ; après avoir bouclé leur BD Tangle (dont une version japonaise a été réalisée pour le Comitia68 en mai dernier, au Japon !), ils comptent nous concocter, pendant leur vacances, un petit dôjinshi plus coquinou. À surveiller de près !
La très productive équipe de Benbao College nous propose, quant à elle, tout un panel exceptionnel de dôjinshis : Followin’the way, Lunatic2Love, Naruto, la revanche de Sakura, Diffract… Du très haut niveau, tant du point de vue graphique que scénaristique.

Les vétérans du fanzine persistent et grandissent. La moyenne d’âge des auteurs de fanzines et du public augmente. Elle est passée de 18-20 ans à 22-24 ans en quelques années (euh…4 ans). Conséquence inévitable, les thèmes abordés se rapprochent plus du film programmé le premier samedi du mois que des sitcoms d’AB Prod. Dans cet esprit, Benbao propose à présent des dôjinfesses (©BenBao) aux noms évocateurs tels que : Harry Pelotteur et la croupe de feu, Capcom vs. SNK : les gladiateuses, réservés aux plus de 18 ans. Ou encore, le nouveau Studio Rough (un graphiste pub et un illustrateur), qui débute fort avec son fanzine Photostated très mature, mêlant bastons bien shônen et hentaï bien sexy. Sans oublier Ikki et ses hors-séries Spécial Esprit (comprendre Sous la ceinture).

Mais un beau fanzine couleur de 150 pages de qualité, ça coûte cher, et comme les clients n’ont pas une thune (c’est bien connu), la mode est à la multiplication et à la diversification des publications. Il y en a de tous les formats, de tous les genres, de tous les prix. Ainsi, à côté de son fanzine, Téquila! propose Chupito, des mini-zines plus perso à 1 euro. Nekomix réalise Soubock (et bientôt Soumo), un petit carnet de voyage en N&B. On retrouve aussi de nombreux groupes qui se séparent en 2 ou 3 fanzines, ou – comme BenBao College – qui proposent une multitude de fanzines one shot (en un seul volume), dans lesquels chacun crée seul sa propre BD. On retrouve dans cette catégorie PopCube qui en plus d’un graphisme soigné apporte aussi une attention particulière au support de ses travaux, à savoir le matériau papier.

En interrogant les fanzineux (ou fanzineurs, c’est au choix), on constate que le public est loin de bouder les stands amateurs. D’un point de vue plus terre-à-terre, les fanzines se vendent très bien. Peut être à la recherche d’un contact plus humain et en réaction à l’accueil très “commercial” des stands professionnels, le public aime passer de bons moments au contact des stands amateurs : conversations animées, dédicaces, déconnades, accessibilité. Et c’est ici, entre autres, que la magie des conventions prend forme. Nous pouvons donc affirmer que le fanzine n’est non seulement pas mort, mais qu’il se porte bien !

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