Festival d’Angoulême : conférence de Katsuhiro Ôtomo

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La venue de Katsuhiro Ôtomo en tant que président du festival d’Angoulême fin janvier 2016 s’est faite remarquer par son absence d’exposition digne de ce nom. Le maître s’est néanmoins fendu d’une conférence payante de plus de deux heures. Exercice périlleux car c’était la première fois, malgré sa longue carrière, qu’il s’exprimait ainsi devant une assemblée de fans conquise d’avance.

Atelier-Epoque-Akira Atelier-Otomo

 

Avant d’évoquer la création de son manga culte Akira, Ôtomo est revenu sur ce qui l’a poussé à devenir mangaka. Amateur de mangas dans sa jeunesse, il s’est passionné pour le cinéma dès l’adolescence. Après le lycée, il a décidé de partir à Tôkyô afin de vendre ses illustrations. « Le manga est venu quand il a fallu prendre ce métier au sérieux ». Il s’est souvenu de ses lectures, notamment les manga de Osamu Tezuka et Shotaro Ishinomori. Mais il voulait « aller plus loin que les shônen de ces deux grands créateurs », c’est là que sa mémoire cinématographique l’a aidé à construire des histoires novatrices, remplies de science-fiction et de suspense. Il explique ses débuts « Au départ, je faisais des mangas un peu étranges, presque abstraits, les éditeurs n’en voulaient pas, l’époque de ce type de manga était révolue quand j’ai commencé, du coup, j’ai eu du mal a faire publier des mangas de science-fiction. Le premier que j’ai pu publier s’appelle Fireball. Une sorte de genèse du projet Akira d’une cinquantaine de pages où deux frères sont capables de détruire tout Tôkyô. » Avec le recul, il ne trouve pas son récit suffisamment abouti et il en ressort une frustration de ne pas avoir pu tout dire.

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Ensuite, il évoque Domu, « Quand j’ai commencé cette histoire, dés le départ je l’ai construite comme un long-métrage. Je voulais que mes lecteurs en sortent comme s’ils avaient réellement vu un film ». Film live qu’il est en train de préparer et dont il a projeté les premières images à la fin de la conférence. « Ensuite, on m’a proposé de créer une nouvelle série qui me permettrait de multiplier les protagonistes, Akira venait de naître. » Ôtomo continue à dévoiler les oeuvres qui l’ont inspiré pour Akira. Il y a en premier Tetsujin 28 Go dont l’histoire est très proche avec ses expériences scientifiques visant à créer une arme ultime. « Je ne voulais pas refaire la même chose, mais je voulais garder l’idée du Japon d’après-guerre. Pour Akira, je me suis souvenu de tous les événements qui se sont déroulés alors que moi-même j’étais au collège, je voulais m’en servir dans ce manga ». En parallèle, il explique que c’est à cette époque qu’il a également commencé à réaliser des courts métrages « ma vie était très chargée ». C’est à ce moment qu’il évoque les oeuvres cinématographiques qui l’ont inspiré durant cette période d’écriture pour Akira. « Je citerai Orange mécanique de Kubrick, une histoire qui se passe dans le futur mettant en scène une bande de jeunes voyous. Mais également Blade Runner, qui m’a plus influencé pour la version animation que pour le manga » et bien sûr, il évoquera le film Mad Max avec ses séquences de motards qui roulent avec beaucoup de liberté « et a cette époque, au Japon, il y avait beaucoup de jeunes voyous motards, ce qui m’a donné des idées »! Il en a profité pour faire une révélation « Aujourd’hui, je n’ai ni le permis moto ni le permis voiture » ce qu’il explique par sa vie tokyoïte bien pourvue en transport en commun.

Puis, il continue sur la description de son procédé créatif en menant en parallèle la pagination importante des mangas à celui de la bande dessinée franco-belge, nécessitant d’avoir une narration différente. « Dans les comics, les grandes cases servent pour les scènes d’action, alors que je crée plutôt des petites cases resserrées pour l’action afin de laisser plus de place pour les moments de plénitude. Pour faire le design la moto de Kaneda, j’ai été très inspiré. D’abord par la conduite chopper comme dans le film Easy Rider auquel je voulais ajouter un pare-brise afin que la personne soit un peu penchée par l’arrière contrairement à la position dans le film Tron dont je trouvais le design dynamique des motos assez impressionnantes. J’aimais également le design réalisé par Luigi Colani, je trouve que l’avant de la moto de Kaneda ressemble beaucoup à celle imaginée par ce designer allemand et pour ne pas être accusé de plagiat, j’ai ajouté un peu partout des autocollants pour éviter d’avoir des problèmes ». Ensuite Ôtomo est revenu sur la multitude des mecha présents dans son œuvre, notamment le satellite SOL « inspiré par mon propre rasoir » à trois têtes, le mot soru (prononcé « solu ») signifiant en japonais « se raser ».

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Finalement, il fut question de ses outils utilisés durant la réalisation d’Akira. « Mes assistants s’occupaient notamment des contours des bâtiments et une fois que la ligne devenait trop grosse du fait de l’usure de la plume, mes assistants me passaient cet embout pour que j’encre mes personnages. J’avais instauré un système de ratio auprès de mes assistants. Ils devaient me demander la permission de changer d’embout. » Il a même créé lui-même des trames à partir de gravures de Gustav Doré, « Tout le monde m’a félicité pour ce travail qu’il pensait que j’avais fait à la main alors que je n’ai fait que coller ces trames sur les rochers, Gustave Doré est un excellent assistant pour moi ». Durant une visite à Paris, il a rencontré Moebius, qui lui a offert un stylo unique fabriqué par lui-même « un secret aujourd’hui, révélé, ce stylo devrait valoir très cher si je le vendais, mais je ne compte pas le faire, c’est mon trésor ».

Voici les grandes lignes de l’intervention de plus de deux heures de ce géant du manga qui à bien aidé à populariser le genre en France grâce aux éditions Glénat. L’éditeur l’ayant bien évidemment remercié lors de sa propre conférence de presse en lui remettant un trophée pour saluer les nombreuses ventes de sa série.

Gwenaël Jacquet

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