Films de commande

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C’est un véritable déluge d’avions de papier qui a salué l’ouverture de l’une des premières séances de cette édition 2004 du festival. Pour mieux meubler son attente, comme à son habitude, le public bouillonnant du festival épluche ainsi les multiples programmes qui lui sont distribués, saluant d’une salve d’applaudissements tout projectile qui touchera sa cible, à savoir : la scène tant convoitée.

L’une des premières séances de cette édition 2004 était donc consacrée aux films de commande : on entend par là tout film qui répond à une demande spécifique, à savoir publicité, clip musical, mais aussi film d’entreprise. Ainsi, de l’accouplement quasi-bestial entre une paire de skis et un snowboard (Rossignol scratch) à la dénonciation de l’inceste, en passant par les Blobs créatures rouges et pataudes de la BBC, autant dire que l’on trouve de tout dans le film de commande.

Outre des kitscheries assumées venues d’Orient (le clip Deewana mettant face à face une princesse indienne live et un courtisan pressant en 2D, digne d’Iznogoud ou encore l’improbable publicité chinoise Kangchao Motor, opposant la popstar Coco lez à une bande de robots dans un combat de… danse), certaines petites perles ont tiré leur épingle du jeu et ont été particulièrement saluées par le public.

L’animation pour étayer un propos éducatif

L’animation pour étayer un message éducatif, le propos n’est pas nouveau. Elle permet ainsi de dédramatiser un propos très lourd, de mieux faire passer le message auprès d’un jeune public ; ainsi, ce spot de prévention contre l’inceste, coproduction danoise philippine, sur lequel s’acheva la séance, pour inciter les jeunes victimes d’attouchements à en parler à leur entourage, et aux instances compétentes.

L’animation pour dramatiser un propos

Mais l’animation permet également de se projeter dans un avenir, parfois dérangeant, en donnant forme à nos pires fantasmes, donnant ainsi plus de poids à un propos alarmant à travers une anticipation des plus pessimistes.
Ainsi en est-il du dérangeant spot Greenpeace, réalisé par John WILLIAMS et David LEA : ce montage d’images réelles effectué par ordinateur met en scène des créatures hybrides nées de mutations génétiques (lapin oiseau, cheval kangourou…). Un mélange des genres et des échelles, dans l’ambiance glauque et putride d’une forêt sombre et humide… Pour se clore sur la prophétie « des millions d’espèces pourraient souffrir d’une catastrophe nucléaire. Seule l’une d’entre elles est capable de la provoquer ». Efficace.

Plus surprenant, The lightbulb thing s’attachait à décrire à effleurer plutôt, tant la narration est délicate, et la progression imperceptible le mécanisme du procédé maniaco-dépressif. Une jeune fille bûche sur son mémoire de fac, puis est envahie par un sentiment de trop plein, d’euphorie un peu maniaque, avant d’être peu à peu anéantie par un déni de la vie contre lequel personne ne peut rien… « Comme cette espèce d’ampoule qui t’éclaire et qui n’est plus là ». Troublant, même si l’on ne comprend pas bien à qui le film s’adresse, puisqu’il ne fait office ni de prévention, ni même de message d’espoir, mais se présente plutôt comme un témoignage, saisissant de réalisme, et par là même d’impuissance. Qui peut bien avoir envie de commander une telle dose de désespoir ?

Plus légers

Enfin, signalons l’utilisation, à deux reprises, pour illustrer des chansons, de dessins griffonnés sur papier servant de base à une animation légère et poétique : le clip du groupe Prudence, sur la chanson A tort ou raison, donne la parole aux mimiques griffonnées sur la nappe en papier d’un resto, entre deux verres de vin. Le plus britannique Grand avenue, quant à lui, illustre son saisissant This is not the end, par les tribulations d’un jeune amoureux éconduit poursuivant sa bien aimée dans les méandres de dessins griffonnés sur le coin d’une table. De feuilles blanches en lignes d’écolier, puis en spirales infinies, le décor se fait cauchemar… pour mieux ramener son créateur dans la réalité. Très beau.
Enfin, à signaler pour la performance et l’originalité, SFI Forest Art, une animation réalisée entièrement à partir de… feuilles d’arbres !

Un grand écart audacieux qui brouille les pistes et met en valeur les richesses de l’animation, tant au niveau des procédés que des thèmes abordés. Pour prouver que la commande ne muselle pas forcément la créativité.

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