Nous ne ferons pas ici l’inventaire des nombreuses erreurs de noms, de dates ou de jugements qui émaillent le livre, qui n’est pour autant pas dénué de qualités : plutôt que de paraphraser les ouvrages de référence publiés jusqu’ici en Occident que sont Manga ! Manga ! de Frederik SCHODT et L’univers des mangas de Thierry GROENSTEEN, l’auteur livre certaines analyses pertinentes. Le problème se situe à un autre niveau. Dès la couverture, la confusion est de mise : contrairement à ce que laissait croire le titre, l’ouvrage est sous-titré « Petit guide du manga et de l’animation japonaise » et aborde en réalité de front ces deux domaines. Ce ne serait pas tant problématique, si cette confusion n’imprégnait pas la structure même du livre. Ainsi les 3 chapitres qui en forment le gros se penchent-ils successivement sur l’histoire, les thèmes et l’implantation française du manga et de l’animation japonaise de manière conjointe, faisant fi du développement distinct de ces deux registres au Japon et des caractéristiques spécifiques de ces deux moyens d’expression. Ainsi Génération Manga accrédite-t-il de fait et ce, malgré certaines précautions lexicologiques déployées par SCHMIDT l’amalgame trompeur entre bande dessinée et dessin animé au Japon, domaines qui ne sont certes pas sans lien, mais avant tout le produit de deux industries et d’acteurs à quelques exceptions près, ici érigées en modèles résolument distincts.
Une vision réductrice
Cette « confusion des genres » se double d’une approche biaisée, surtout concernant le manga. Ainsi le panorama historique de la BD japonaise comporte-t-il des trous béants, et la bande dessinée pour adultes qui représente aujourd’hui la bagatelle de 45% de la production japonaise est à peine évoquée, l’auteur se fondant essentiellement sur une production de type shônen et shôjô pour étayer ses analyses thématiques, avec pour résultat de légitimer là encore les préjugés les plus obscurantistes concernant le manga. Voilà qui dénote certes une mauvaise connaissance de la bande dessinée japonaise, mais plus grave, de l’édition de manga en France. Dans le dernier chapitre pompeusement intitulé « 12 séries clés pour découvrir toutes les facettes de la japanime et du manga », pas un titre choisi n’a été entamé il y a moins de 5 ans chez nous (à part GTO), et les manga cités se limitent à du City Hunter ou du Dragon Ball, bien loin de la diversité des titres proposés aujourd’hui en français, sans même parler du Japon. La « Mangathèque » en fin d’ouvrage est tout aussi partielle, de même que les « Portraits de créateurs », où MIZUNO Junko côtoie de manière abusive TEZUKA et MIYAZAKI. Les références incessantes à cette artiste, douée mais mineure, faisant plus que frôler la putasserie, lorsque l’on sait que Jérôme SCHMIDT a assuré de la traduction (de l’anglais) de son Cinderalla, à paraître en mars en français.
Pas de quoi fouetter un chat, sans doute. Voire… Tiré à 25 000 exemplaires et vendu au prix défiant tout concurrence de 2 euros, Génération Manga risque bien de rencontrer un certain succès et de devenir, pour certains leaders d’opinions désireux de se pencher sur le « phénomène manga », une lecture incontournable. Un ouvrage pourtant contre-productif au possible, et dont la démarche confine à l’irresponsabilité. Dommage. Très dommage.
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