Hirotaka Watanabe

Interview du Ministre japonais des affaires culturelles de l’Ambassade du Japon en France

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Pour commencer, parlons un peu de votre rapport au manga.
Grâce à mon père, j’ai découvert le charme du manga : je m’y suis mis vers l’âge de huit, neuf ans. Je lisais le magazine de prépublication du Shônen Sunday, entre autres, et j’étais un grand fan de Golgo 13 ou d’Ashita no Joe, célèbre titre de boxe…. J’aime aussi beaucoup Jirô TANIGUCHI, d’ailleurs plus connu en France qu’au Japon. Lorsque j’étais petit, les manga visaient surtout un public de garçon et j’ai vu se développer la BD pour fille et adultes. Le manga a vraiment évolué depuis mon enfance et s’est beaucoup diversifié.

Monsieur Taro ASO, le nouveau premier ministre japonais, est un grand amateur de manga : cela aura-t-il des conséquences sur les actions du gouvernement à l’égard de la BD ?
Comme moi, il aime beaucoup le manga et gekiga… En fait, la volonté du gouvernement japonais de valoriser le manga d’une manière officielle date déjà de quelques années. Il faut bien comprendre que, depuis la fin de la guerre froide, le rôle militaire et idéologique a décru sur le plan de la politique internationale. Même si les débats sont souvent houleux sur la question, nous restons un pays sans armée. Ainsi, il ne nous est pas évident d’avoir une influence sur la géopolitique internationale… Nous préférons donc utiliser ce que nous appelons le « soft power », c’est-à-dire la pop-culture japonaise, de façon à faire rayonner notre pays.

Plus concrètement, le ministère des affaires étrangères japonais entend-t-il favoriser par de nouvelles actions le développement du manga et de l’animation en France ?
Certainement. Le ministère des affaires étrangères a récemment créé le Prix international du manga et nous souhaitons organiser des manifestations culturelles plus efficaces. Ainsi en est-il du dernier Japan Expo. Il s’agit d’une manifestation indépendante de notre ambassade mais l’année dernière, nous avons organisé une réception pour fêter cet événement, géré leur conférence de presse et tout cela en fêtant le 150e anniversaire des relations franco-japonaises… Nous avons aussi à cœur de favoriser la venue d’auteurs prestigieux en France comme Tow UBUKATA (le Chevalier d’Eon), Michihiko SUWA (producteur de Détective Conan) ou bien de Takamasa SAKURAI (producteur multimédia, enseignant à la Graduate School of Digital Content à Tôkyô) : des artistes plus « intellectuels » avec les qualités pour diffuser la culture populaire japonaise. Nous avons aussi apporté notre soutien à Japan Expo pour accueillir Kazuo KOIKE (Crying Freeman) et Gô NAGAI (Goldorak).

Aviez-vous fait le déplacement ?
J’y étais l’année dernière et j’ai de l’estime pour la façon dont ce grand projet évolue.

Qu’en avez-vous pensé ?
J’étais étonné de voir autant de jeunes cosplayés, surtout les jeunes françaises qui sont très bien déguisées, selon moi ! Après tout, nos modèles de personnages sont plutôt occidentaux et leurs physiques leur correspondent bien… Je suis aussi satisfait des nombreux déplacements de personnalités. Pour l’heure, je cherche des idées pour intégrer plus d’activités de cette qualité à l’avenir. En fait, j’ai un peu peur de l’orientation future prise par ces conventions car il sera difficile de garder un tel niveau de qualité !

Pensez-vous que les manga et l’animation soient un bon moyen pour le public français de découvrir et de comprendre le Japon ?
Oui, certainement. Je suis content de voir de jeunes français lecteurs de manga car, une fois adultes, ils continueront sans doute à se distraire ainsi… De plus, la base de la compréhension d’une autre civilisation reste l’étude de la langue et, actuellement, l’étude du Japonais connaît un bon essor. En 1978, on comptait 127 167 personnes étudiant le Japonais à l’étranger. Aujourd’hui, ils sont 2 979 820 ! Voilà pourquoi le gouvernement favorise le manga et l’animation…
Ensuite, si le manga ne respecte pas forcément la réalité historique de ce qu’il met en scène, il peut constituer un bon marche pied. Prenons l’exemple de Naruto : le traitement des ninja n’est pas réaliste. L’univers des guerriers de l’ombre était sombre, alors que Naruto se révèle plus romantique. Mais, même si les ninja ne sont pas fidèles à la réalité historique, je pense qu’un pourcentage de lecteur se cultivera pour en savoir plus et se renseigner sur notre histoire.

Plus concrètement, l’ambassade du Japon en France entend-il favoriser par de nouvelles actions le développement du manga et de l’animation en France ? Et si oui, lesquelles ?
Nous réfléchissons actuellement à de futurs projets. Pour l’heure, nous sommes en train de faire des enquêtes d’opinion auprès des collèges et lycées pour voir quelles personnalités les jeunes Français connaissant dans le domaine du manga, du sport ou de la politique… Je me réjouis et je m’étonne surtout, pour l’heure, de voir autant de jeunes Françaises dessiner des manga. Jamais je n’aurais imaginé, enfant, retrouver notre style de BD employé par des Français. Par exemple, certaines dessinatrices reprennent les jupes plissées à la japonaise qui n’existent pourtant pas chez vous ! Je constate qu’il y a une étape de fusion : les Français copient les Japonais mais avec leur propre sensibilité, donnant naissance à un nouveau style. Voilà quelque chose de très intéressant.

Justement, comment comprenez-vous l’intérêt du public français pour le manga et l’animation ?
Le manga a une façon bien à lui de représenter la réalité. Ce qu’il met en scène n’est pas la réalité, mais paraît réel… C’est comme le mouvement de bras d’un joueur de tennis (il mime, NDR) : le dessin ne sera pas anatomiquement réaliste mais par contre, le mouvement sera très bien rendu et donnera une impression de véracité au lecteur … Voilà, selon moi, une explication.

Comptez-vous aussi développer d’autres pans culturels japonais (cinéma, littérature…) et de quelle manière ?
Dans le cadre du 150ème anniversaire des relations entre la France et le Japon, nous avons eu beaucoup d’occasions de promouvoir la compréhension mutuelle et la culture japonaise, qu’elle soit traditionnelle ou contemporaine. Durant l’année 2008, nous avons recensé 758 événements commémoratifs à travers la France. Sinon, c’est à la Maison de la Culture et du Japon que se déroulent les principales activités : une récente exposition consacré aux budo, les arts-martiaux japonais a réuni des champions olympiques et l’ancien Ministre français de la Culture, Jack LANG. On y valorise aussi le cinéma qui a certes moins de rayonnement car il n’y a plus de maîtres comme Akira KUROSAWA, mais néanmoins, nos films continuent d’intéresser le public français. Depuis plusieures années, nous apportons notre soutien à un festival du film japonais contemporain nommé Kinotayo, dont la troisième édition s’est déroulée l’année dernière. Nous œuvrons aussi pour favoriser la venue en France de groupes de j-pop comme L’ARC-EN-CIEL, HALKALI et JAM PROJECT par exemple. En fait, nous cherchons au maximum à développer les contacts avec les artistes japonais.

Pour terminer, quels sont vos souhaits pour le développement des relations culturelles entre la France et le Japon ?
Nous avons beaucoup de choses à partager. En effet, le Japon a appris beaucoup de choses à l’Europe depuis la fin de l’ère d’Edo : la France a compté comme pôle culturel et social pour nous. De votre côté, vous avez introduit ce que vous appeliez le « Japonisme » par le biais des estampes : vous avez su estimer nos valeurs culturelles et nous avons diffusé de nombreuses d’estampes, afin de faire rayonner notre culture. Donc, tous ces échanges sont riches… Je pense qu’à partir de maintenant, ils vont continuer à s’intensifier dans les deux sens. Toutefois, il y aura des difficultés à surmonter : quand on commence à découvrir la culture d’un autre pays, on tombe forcément dans les stéréotypes. Ainsi, les Français ont une image traditionnelle et stéréotypée du Japon, un pays serein avec des arts-martiaux et la cérémonie du thé. De la même façon, au Japon, nous connaissons la France pour l’impressionnisme, le Rococo ou le Baroque mais nous avons idéalisé la réalité de la société française… Nous avons donc mis cinq propositions en place pour le renforcement de notre message diplomatique :
-création d’un « système de volontaires culturels japonais » auquel je faisais référence au sujet des auteurs venus à Japan Expo
-Développement de plus d’une centaine de centres d’apprentissage du Japonais et création « d’espaces de rencontre avec la culture japonaise »
-Développer la diffusion d’informations officielles en langues étrangères au moyen de l’internet et des médias
-Diffuser la voix des spécialistes japonais sur la scène internationale par les échanges intellectuels et la formation de japonologues
-Adoption d’un programme pour promouvoir la compréhension du Japon auprès des dirigeants politiques.
J’espère en tout cas que le manga sera un créneau porteur d’une nouvelle voie. La diversité du manga est importante et peut aider à mieux nous comprendre. Les lecteurs devraient se pencher sur Jirô TANIGUCHI car ils découvriront un auteur qui a su retranscrire la mentalité typiquement japonaise.

Petit lexique franco-japonais
Bonjour (matin): ????????? (ohayô gozaimasu)
Bonjour : ????? (konnichiwa)
Bonsoir : ????? (konbanwa)
Comment allez-vous ? ?????? (ogenki desu ka)
Au revoir : ????? (sayônara)
A bientôt : ??? (mata ne)
Merci : ????? (arigatô)
Je vous en prie : ???????? (dô itashimashite)
Excusez-moi : ?????? (gomen nasai)
Bon appétit : ?????? (itadakimasu)
Je suis français(e) : ????????(furansujin desu)

Le Japon en France
Découvrir la culture
www.mcjp.asso.fr
maisondujapon.cool.ne.jp
Savourer la cuisine
www.cecj.fr
Apprendre la langue
www.fr.emb-japan.go.jp/jp_fr/etudier-japonais.html
www.sfej.asso.fr/site/etudes.html
La passion du Japon
www.forumjapon.com
www.jipango.com
Ambassade du Japon en France
www.fr.emb-japan.go.jp

Partir au Japon
Pour étudier
www.fr.emb-japan.go.jp/jp_fr/bourse_menu.html
Pour les vacances
www.tourisme-japon.fr
Pour travailler (visa vacances-travail)
www.fr.emb-japan.go.jp/visa/v_t.html
Le Programme JET
www.programmetjet.fr
Web Japan
web-japan.org

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A propos de l'auteur

Nicolas-Penedo