Le cadre géographique
Le Japon est formé d’un archipel tout en longueur, d’une superficie de 378 000 km2. Quatre îles composent, du nord au sud, la majeure partie de son territoire : Hokkaido, Honshu, Shikoku et Kyushu. Au large de cette dernière, les Ryukyu (Okinawa) n’entrent, comme Hokkaido, que tardivement dans le giron japonais, à partir du XVIIe siècle.
Les quatre îles principales s’étendent d’une latitude correspondant à la région lyonnaise, jusqu’à une autre, voisine du sud du Maroc. Elles appartiennent à la zone tempérée de l’hémisphère nord, mais connaissent de grandes variations climatiques, d’Hokkaido, affectée par la froidure sibérienne, aux Ryukyu subtropicales. Les eaux du Japon sont rendues poissonneuses par la rencontre du courant froid Oyashio et du courant chaud Kuroshio. Depuis les temps anciens, la mer Intérieure, située entre Honshu, Shikoku et Kyushu, n’a pas constitué un obstacle pour les communications. En revanche, depuis l’archipel nippon, il faut compter au minimum180 km pour rejoindre la Corée, et 800 km pour rallier la Chine. Aussi, suivant les époques, celui-ci s’est ouvert sur le continent asiatique ou replié sur lui-même.
Géologiquement, le Japon est une terre récente et volcanique. Située dans la zone de contact de deux plaques tectoniques, elle est secouée par de fréquents tremblements de terre. Extrêmement montagneuse, ses plus grandes plaines, rares, se trouvent dans les régions du Kansai (Osaka, Kobe, Kyoto) et du Kanto (région de Tokyo). L’archipel nippon se révèle également pauvre en matières premières.
Les hommes
La population du Japon s’élève à environ 126 millions d’habitants. Elle présente des caractéristiques homogènes et des traits physiques mongoloïdes proches de ceux des Coréens ou des Chinois. Il est cependant difficile de dater à quel moment advint ce processus d’homogénéisation.
Car, si la présence humaine est attestée dans l’archipel 30 000 ans av. J.-C., notamment par l’existence d’une civilisation précéramique, le peuple japonais est issu, à la base, du mélange de plusieurs apports de populations successifs. Ceux-ci vinrent, depuis la Préhistoire, de différentes parties du continent asiatique ; voire étaient, en partie, d’origine malayo-polynésienne.
Un tel creuset a abouti à l’émergence des ancêtres des Japonais actuels qui, à défaut d’unité anthropologique, se sont différenciés de leurs voisins continentaux par leur insularité, leur langue et leur culture. Ils ont colonisé l’ensemble de l’archipel, aux dépens des Ainu (lien article id=129), peuple peut-être d’origine sibérienne ou de Protocaucasiens, plus proches des Blancs que des Mongoloïdes et caractérisés par une pilosité abondante. Les Ainu furent progressivement repoussés vers le nord (Hokkaido), assimilés par la force et le métissage, jusqu’à pratiquement disparaître aujourd’hui.
Le Japon actuel compte également deux minorités importantes : le peuple des îles Ryukyu, et les Coréens, descendants des travailleurs forcés venus durant la première partie du XXe siècle.
Jomon
De 10 000 av. J.-C. à 300 av. J.-C., une civilisation de chasseurs-pêcheurs-cueilleurs, venant peut-être de Sibérie et centrée sur le Nord-Est du Honshu, s’étend à tout l’archipel nippon, d’Hokkaido aux îles Ryukyu. Elle va même se prolonger encore durant de nombreux siècles dans les villages de montagne ou chez les Ainu du nord du Japon.
Les hommes d’alors se confectionnent des ustensiles divers et des pointes de flèches à l’aide de pierres taillées ou polies et à partir d’os. À l’aide d’arcs, ils chassent le sanglier, les cervidés et le petit gibier, en compagnie de chiens, les seuls animaux domestiqués. De nombreux amas de restes de coquillages (kaizuka), souvent devenus des dépotoirs ou des lieux de sépulture, ont été retrouvés près de campements de pêcheurs, sur les zones littorales. On y consommait aussi des mammifères marins et divers poissons.
Le nom de civilisation Jomon provient des “motifs cordés” qui caractérisent les céramiques de cette époque, décorées à cru au moyen de bâtonnets enveloppés de cordelettes roulés sur leurs flancs. Ces poteries permettent de cuire et de mieux conserver les aliments. Mieux nourrie, la population augmente en nombre et se sédentarise.
Celle-ci se concentre dans des hameaux comprenant une douzaine d’habitations semi-enterrées (tateana), recouvertes d’un toit de branches et de feuillages, percé d’un trou afin de laisser s’échapper la fumée du foyer. Ultérieurement, ces villages adoptent une disposition en arrondi, autour de places ou de monuments mégalithiques (cromlechs) pouvant servir à la célébration de rites, ou utilisés comme tombeaux.
Les morts sont inhumés en position accroupie, et la coutume de l’extraction des dents est très répandue. En fin de période, les fouilles ont révélé l’enterrement des petits enfants défunts dans des jarres.
La question de savoir si l’agriculture fait son apparition pendant la civilisation Jomon reste très discutée. La basse époque voit sans doute l’émergence de la culture de céréales sur terrain sec.
Yayoi
Du IIIe siècle av. J.-C. au IIIe siècle ap. J.-C. intervient une nouvelle civilisation. Venue probablement du sud de la Chine, elle est centrée sur la partie septentrionale de l’île de Kyushu, puis s’étend graduellement vers le nord de l’archipel nippon. Elle est nommée Yayoi, d’après le quartier de l’actuelle Tokyo où ont été découverts les premiers exemples de céramiques caractéristiques de cette période.
Outre les poteries, fabriquées avec un tour, la civilisation Yayoi se distingue, bien que l’élevage ne se développe guère, par la généralisation d’une agriculture fondée sur la riziculture sur terrain inondé. Celle-ci va demeurer, jusqu’à la deuxième partie du XIXe siècle, la base de l’économie japonaise et ses techniques d’exploitation, nonobstant quelques améliorations, vont se perpétuer jusqu’à nos jours. Les habitations, proches de celles de la période Jomon, et des greniers sur pilotis, sont regroupées au sein d’agglomérations éventuellement fortifiées de talus en terre battue et de rondins de bois.
En dehors de la maîtrise de la riziculture, cette époque voit l’apparition des objets en bronze, dont l’usage est limité d’abord à des rituels religieux (dotaku), puis en fer, en fin de période. Pour ce qui concerne plus particulièrement le travail des métaux, les modèles pour les armes (hallebardes) et pour les outils provenant de Chine.
Cette dernière rayonne alors culturellement, suite à son unification par le premier empereur QIN SHIHUANGDI (221-210 av. J.-C.) ; puis à la poursuite de son oeuvre de centralisme politique par la dynastie HAN (206 av. J.-C.-220 ap. J.-C.). C’est également sous ces monarques que le bouddhisme est introduit dans l’Empire du Milieu. Les chroniques chinoises de la dynastie WEI, leWeizhi (IIIe siècle ap. J.-C.), font référence aux Japonais d’alors, parlant d’un “Pays des Wa” (Pays des “Nains”… ).
À ce moment, l’organisation politique de l’archipel est marquée par une division en de nombreux petits États tribaux. Une reine-prêtresse, HIMIKO (“Fille du Soleil”) (1), serait à la tête d’une confédération regroupant une partie d’entre eux. Ce mystérieux “Pays de la Reine” ou royaume du Yamatai, vraisemblablement situé dans le nord de Kyushu, aurait envoyé un tribut aux Chinois en 238 ap. J.-C.
Ces sociétés agraires, plus ou moins structurées, où les guerriers doivent jouer un rôle important, obéissent à des monarques-chamanes, guides spirituels plus encore que politiques. Ainsi, HIMIKO, qui n’apparaissait jamais au commun de ses sujets, aurait gouverné en tandem avec son frère cadet, par l’intermédiaire duquel elle aurait commandé à son peuple.
Kofun et État du Yamato
À partir de la fin du IIIe siècle ap. J.-C., des cavaliers lourdement armés d’arcs et d’épées de fer, protégés de cuirasses de métal et de cuir, imposent progressivement, partis du nord de Kyushu, un pouvoir centralisé dans la plaine du Yamato (région de Nara, île principale de Honshu).
La question de leur origine est discutée. Il s’agirait peut-être de “peuples cavaliers” altaïques arrivés, depuis steppes continentales et via la Corée, par vagues successives dans l’île de Kyushu. Ils auraient formé une aristocratie qui aurait imposé sa suzeraineté aux populations rurales Yayoi, en se plaçant au sommet de leur hiérachie sociale. À moins que l’évolution économique locale n’ait abouti à la création d’une couche sociale supérieure de guerriers autochtones, nourris par le travail des paysans.
Ces cavaliers sont à l’origine d’une nouvelle civilisation dite des “Anciens Tertres” (ou kofun). En effet, ce ne sont plus des poteries, mais des monuments funéraires qui servent de critère déterminant pour cette période. Ces tombeaux monumentaux, des tumuli en forme de “trou de serrure” (2) pour les plus connus, sont bâtis pour les hauts dignitaires de leur aristocratie, dans le Kyushu et le Honshu, du IIIe jusqu’au VIIe siècle ap. J.-C. Ils sont entourés de plusieurs rangs de cylindres-figurines en terre cuite. Ces haniwa serviraient, sur le modèle des coutumes chinoises, de substituts à des victimes sacrificielles accompagnant, à l’origine, le défunt dans sa dernière demeure. À moins que leur usage ne se résume à retenir la terre du tumulus. Quoi qu’il en soit, de telles sépultures n’ont commencé à être fouillées que tardivement, après la Deuxième Guerre mondiale. Car certaines font l’objet d’une vénération particulière, vues comme les tombes des premiers empereurs japonais.
Selon le Kojiki et le Nihon Shoki, les plus anciennes sources historiques traditionnelles
japonaises (début du VIIIe siècle ap. J.-C.), la cour impériale japonaise aurait
été établie dans les années 660 av. J.-C. par le premier empereur JIMMU (3). Celui-ci
aurait quitté Kyushu pour, guidé par un faucon, faire la conquête du Yamato. Cependant,
comme JIMMU, les dix, sinon les trente premiers monarques japonais (660 av. J.-C.
à 538 ap. J.-C.) ont vraisemblablement été inventés pour soutenir la comparaison
avec les très anciennes dynasties chinoises.
Cependant, cette légende nationale repose certainement sur le souvenir de la soumission progressive de peuplades antagonistes par un groupe unique de cavaliers venus de Kyushu, jusqu’à la fondation du royaume de Yamato. Mais cette unification politique daterait en fait du IVe siècle ap. J.-C. Ainsi, les premiers dirigeants de cet État du Yamato donnent naissance à la famille impériale. Sa dynastie règne encore aujourd’hui sur le Japon.
Pétris de croyances chamaniques, ces monarques se réclament alors de la descendance de la déesse solaire AMATERASU. Le grand sanctuaire d’Ise, dont les bâtiments en bois sont aujourd’hui encore reconstruits tous les 20 ans, renferme les trois trésors impériaux : un miroir en bronze symbole de la divinité, un sabre de fer et un bijou magique en forme de croc (magatama). De tels mythes se greffent à ceux dus aux périodes antérieures Jomon et Yayoi pour former la religion proprement indigène du Japon. Celle-ci est appelée ultérieurement shinto (voie des dieux), pour la différencier du bouddhisme, importé au Japon au VIe siècle ap. J.-C. Outre la vénération de la déesse solaire et de multiples divinités (kami), notamment protectrices des clans guerriers, ou la célébration du culte des ancêtres, le shinto fait la part belle au panthéisme et à l’animisme. On établit des fêtes religieuses et des sanctuaires, entre autres dans des lieux naturels propices à des manifestations surnaturelles. Les pratiques rituelles sont marquées par un grand souci de pureté : importance des ablutions et des bains chez les Japonais, défiance à l’égard de tâches incompatibles qui mettent en contact avec la mort, le sang et la souillure en général.
À partir du Ve-VIe siècles ap. J.-C., le roi du Yamato, appelé Okimi, et sa cour vivent dans un palais, dont l’emplacement est changeant, dans la région de Nara. De grandes familles forment des clans (uji), chargés d’une fonction spécifique auprès du souverain, comme les NAKATOMI, prêtres shintoïstes, ou les MONONOBE et les OTOMO, employés à des fonctions militaires. Ces uji sont eux-mêmes à la tête de corporations regroupant des artisans spécialisés (be). Les chefs de ces clans tentent de s’allier le plus possible à la dynastie régnante, en lui fournissant des épouses et en occupant les plus hautes fonctions d’une hiérarchie de titres honorifiques. Les plus puissants d’entre eux se font construire des kofun comparables par leur taille à ceux de leurs monarques, portant de plus en plus ombrage à leur puissance.
Après la fondation du royaume du Yamato, son autorité ne va s’étendre que progressivement à la totalité de l’archipel nippon, du fait de la résistance contre les ancêtres des Japonais actuels de populations aborigènes. Il s’agit en particulier des Hayato (Kumaso) du sud de Kyushu, combatifs jusqu’au VIIIe siècle ; ou des Ainu (Emishi, Ezo), graduellement repoussés jusqu’au nord du Honshu et à Hokkaido, où ils ne sont définitivement soumis qu’au XIXe siècle. On trouve dans le Kojiki et le Nihon Shoki une symbolisation de ces luttes en la personne du légendaire prince YAMATO TAKERU (4), futur treizième empereur SEIMU, qui affronte ces “barbares” du Sud et du Nord.
De 369 jusqu’à 562 ap. J.-C., le Yamato aurait également disposé d’une tête de pont sur la péninsule coréenne (Mimana), suite aux conquêtes de l’impératrice-régente JINGU KOGO. De nombreux immigrés coréens affluent alors dans l’archipel nippon et y sont à l’origine d’apports culturels très importants.
Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire.