Histoire du Japon, 9e partie

L'Ere Taisho et la 1ère partie de l'Ere Showa

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L’ère Taisho (1912-1926)

Après le décès de son père, l’empereur MEIJI, YOSHIHITO règne sur le Japon de 1912 à 1926, période dite de l’ère Taisho (de “Grande Justice”), appelée ainsi d’après le nom posthume de ce dernier souverain.

Lié à la Grande-Bretagne par un traité depuis 1902, le Japon combat durant la Première Guerre Mondiale aux côtés des Alliés contre L’Allemagne et ses colonies d’Extrême-Orient, et contre le Pacifique. Sa participation au conflit lui permet d’établir son hégémonie temporaire sur les Îles Mariannes, Carolines, Marshall et, en Chine, sur les territoires allemands du Shandong.

En outre, le pays du Soleil levant profite du fait que les puissances occidentales s’entredéchirent au loin pour présenter “21 demandes” à la Chine, qui visent à faire d’elle un protectorat nippon (1915). L’ancien Empire du Milieu, devenu en 1911 une république, doit partiellement accepter ses conditions.

En 1918, suite à la révolution bolchevique en Russie, les Japonais participent en force à l’intervention alliée en Sibérie (Vladivostok) et dans le nord de la Mandchourie, où ils veulent s’implanter durablement.

Le Japon, dans le camp des vainqueurs, participe en 1919-1920 à la Conférence de la Paix à Versailles, et adhère à la SDN (Société des Nations), instance préfigurant l’ONU (Organisation des Nations Unies), créée à l’issue de la Première Guerre Mondiale. Il en reçoit un mandat confirmant sa domination sur divers archipels du Pacifique pris aux Allemands et son contrôle provisoire du Shandong.

Cependant, la Chine s’emploie à contrecarrer les appétits de conquête nippons, soutenue par les États-Unis. Ces derniers encouragent aussi de graves émeutes indépendantistes en Corée, colonisée par les Japonais, où l’usage du coréen a même été interdit…

En 1921-1922, est organisée la Conférence de Washington, qui doit régler ces questions de contentieux territoriaux. Le Japon est contraint d’abandonner le Shandong et d’évacuer ses troupes de Sibérie et de Mandchourie du Nord. Il voit aussi le tonnage de sa flotte de guerre limité par rapport à celui des États-Unis et de la Grande-Bretagne, une mesure ressentie comme vexatoire. Ce grave échec diplomatique renforce parmi les militaires et dans le pays un vif sentiment anti-occidental.

En outre, cette conviction des Japonais d’être victimes d’un racisme anti-Jaunes de la part des leurs propres alliés, en premier lieu anglo-saxons, est entretenue par la question de la forte immigration de leurs compatriotes aux États-Unis, au Canada ou en Australie. Dans le courant des années 1920, ces pays mettent en place des quotas d’entrée plus restrictifs, notamment à l’encontre des Asiatiques…

À l’intérieur du Japon, la période est marquée par le tremblement de terre du 1er septembre 1923, qui ravage Tokyo et la plaine du Kanto, faisant entre 120 000 et 170 000 morts. La fureur populaire, à la recherche de responsables, prend pour cible la minorité coréenne (Zainichi). On dénombre ainsi 6 000 victimes de lynchages. Des militants de gauche périssent également d’exactions policières. La capitale est ensuite reconstruite, dotée d’infrastructures plus modernes.

Une démocratisation relative de la vie politique se poursuit néanmoins, caractérisée par un régime de partis, dominé par les libéraux. En 1925, le suffrage universel est adopté pour tout électeur masculin âgé d’au moins 25 ans. Pourtant, la liberté d’opinion reste soumise à la surveillance policière. Un Parti socialiste modéré voit le jour en 1906, et un Parti communiste est fondé en 1921. Ils sont cependant vite interdits. La démocratisation va être de plus en plus entravée par une montée du nationalisme extrémiste, qui trouve notamment un écho favorable dans l’Armée. Ainsi, dès 1921, le Premier ministre HARA Kei est assassiné, annonçant une escalade du recours à la violence.

Dans le domaine social, malgré certains relents d’hostilité à son endroit, l’habitude de prendre pour modèle l’Occident, initiée sous l’ère précédente Meiji, se perpétue ; surtout dans les villes, grossies par un fort exode rural. Ainsi, par exemple, la presse et les habitudes de la culture de masse occidentale s’y développent : cinéma, dancings, engouement pour le base-ball, sport “national”…

En revanche, les campagnes restent réfractaires à ces transformations. Elles vont aussi être durement touchées par les difficultés économiques que va bientôt connaître l’archipel nippon, qui vont renforcer ses réflexes passéistes.

L’empereur YOSHIHITO (ou TAISHO) décède en 1926. Diminué par une forme de méningite, il est remplacé dans les faits depuis 1921 par son fils HIROHITO, devenu régent. Ce dernier règne alors officiellement, de 1926 à 1989, durant l’ère SHOWA (nom posthume du nouveau monarque). Cette période de “Paix rayonnante” porte un nom paradoxal puisqu’elle débute par des années de guerre.

La montée du militarisme (1926-1941)

Dès 1927, et avant même la crise de 1929, dont les effets ne l’affectent réellement qu’en 1930 (Crise de Showa), le Japon est confronté à des problèmes économiques qui touchent d’abord les paysans et les petites entreprises.

La grogne populaire profite à l’ultranationalisme, qui voudrait rejeter le parlementarisme et établir un régime autoritaire. Celui-ci serait alors susceptible d’appuyer une politique d’expansion territoriale en Asie, réclamée par les militaires. Selon les tenants d’une telle option, l’établissement d’un grand empire colonial, protégé par des mesures douanières protectionnistes, rétablirait la santé de l’économie nippone. Il lui offrirait des débouchés importants et réduirait sa trop grande dépendance par rapport à ses marchés extérieurs.

Ce nationalisme extrémiste et expansionniste trouve ses racines dans la fondation en 1881-1901 – à Kyushu, partie de l’archipel nippon -, au contact de la Corée et de la Chine, de sociétés patriotiques d’extrême-droite comme la “Société de l’océan noir” (Genyosha) ou la “Société du Dragon noir” (kokuryukai). Les membres de ces mouvements veulent créer une “Grande Asie” japonaise s’étendant jusqu’au fleuve Amour, séparant la Sibérie de la Chine.

Un tel impérialisme nippon, à la fois imitation et réaction contre le colonialisme occidental, séduit les milieux conservateurs de l’Armée. Il reçoit également le soutien des grandes entreprises, interessées par les profits économiques à tirer de futures conquêtes, bien que ces zaibatsu concentrent sur elles, à égalité avec les hommes politiques, le mécontentement populaire engendré par la récession. Le caractère péjoratif de leur nom, signifiant “cliques financières”, date d’ailleurs de cette époque.

Ainsi, les conditions sont réunies pour que la population accepte la mise en place d’un régime de plus en plus autoritaire, dont les militaires vont progressivement contrôler la politique extérieure, pour finir par le dominer complètement.

L’expansion japonaise trouve même son origine dans des initiatives venant de la base de l’Armée, sur le terrain, plutôt que de ses dirigeants, cependant prêts à assumer les actions de leurs subordonnés. Devant l’escalade orchestrée par les militaires, les gouvernements successifs et l’empereur du Japon vont laisser faire.

En juin 1928, des membres de l’armée nippone du Guandong (Mandchourie) éliminent le général TCHANG Tso-lin, faisant sauter son train blindé. Celui-ci, l’un de ces “seigneurs de la guerre” qui se partagent alors la Chine, gouvernait la Mandchourie. Allié des Japonais, il montrait des velléités d’indépendance…

En septembre 1931, les mêmes cadres de l’armée du Guandong provoquent l'”incident de Mandchourie” qui permet aux militaires nippons de conquérir cette dernière contre les Chinois. En février 1932 est ainsi créé un État vassal, le Mandchoukouo, avec à sa tête l’ancien empereur chinois déchu POU YI.

Les militaires ne se contentent pas d’actions terroristes sur les théâtres d’opérations extérieurs. Ils durcissent également le ton à l’intérieur du pays. En mai 1932, l’assassinat du Premier ministre INUKAI Tsuyoshi annonce une perte rapide du pouvoir par les civils. Dorénavant, ses successeurs sont majoritairement des militaires jusqu’à la défaite de 1945.

De plus, l’Armée est divisée en différentes factions et de jeunes officiers extrémistes, issus des campagnes appauvries par la crise économique, tentent un coup d’État en février 1936. Ils manquent de peu d’abattre le gouvernement et font plusieurs victimes parmi les parlementaires et de hauts gradés. Les mutins sont condamnés par l’empereur HIROHITO qui nomme cependant après cet incident un nouveau Premier ministre ultranationaliste : HIROTA Koki (1878-1948).

Il s’ensuit un basculement des alliances du Japon qui a quitté la SDN dès 1933, suite à la création du Mandchoukouo. Le pays du Soleil levant se rapproche de l’Allemagne nazie (Pacte anti-Komintern contre l’URSS en 1936), puis de l’Italie fasciste, glissant vers le totalitarisme. Outre le nationalisme, le culte de l’empereur, remis en vigueur depuis l’ère Meiji, connaît alors son paroxysme.

En juillet 1937 intervient l'”incident du pont Marco Polo”, près de Pékin, prétexte à une tentative d’invasion nippone de la Chine qui débouche sur une nouvelle guerre sino-japonaise. Empereur et gouvernement laissent encore l’initiative à l’Armée sur le terrain qui progresse vers Shanghaï, Nankin et les zones côtières chinoises. Cette dernière se livre à des atrocités et à des massacres mais ne parvient pas à conquérir l’ensemble de la Chine.

Dès lors, deux options opposent les militaires japonais à propos de la poursuite de l’expansion territoriale. La Marine lorgne sur l’Asie du Sud-Est et, entre autres, sur le pétrole – qui fait cruellement défaut au Japon – des Indes néerlandaises (actuelle Indonésie). En revanche, l’Armée de terre voudrait en découdre avec l’URSS au Nord. En 1938 et 1939, au cours de deux brèves périodes d’affrontement sans déclaration de guerre, les Japonais sont défaits à plate couture par les Soviétiques sur la frontière mandchoue. Ce qui détermine la direction future de l’impérialisme nippon…

Le Japon dans la Deuxième Guerre mondiale (1941-1945)

Quand débute le Second Conflit mondial, en 1939, le Japon combat donc déjà depuis plusieurs années, même s’il ne fait son entrée officielle dans cette guerre qu’en décembre 1941.

En septembre 1940, il signe le “Pacte tripartite” avec l’Allemagne et l’Italie. L’armée japonaise profite de la défaite de la France contre les nazis pour occuper alors partiellement sa colonie d’Indochine, puis entièrement en Juillet 1941. L’expansion nippone en Asie se heurte cependant à l’opposition des États-Unis qui décrètent un embargo économique et pétrolier contre le Japon, dont ils sont le principal fournisseur, misant sur sa dépendance énergétique, son talon d’Achille.

Mais un affrontement entre les deux nations se profile, même si les Américains se recroquevillent un temps sur leur vieux réflexe isolationniste, hésitant à entrer en guerre contre l’Allemagne en Europe et, encore plus, à ouvrir un deuxième front contre le Japon dans le Pacifique.

Le Premier ministre japonais, le prince KONOE Fumimaro (1891-1945) échoue dans une négociation de la dernière chance. Il est remplacé par le général TOJO Hideki (1884-1948), militaire favorable à l’entrée en conflit avec les Américains.

S’ensuit l’attaque par surprise, sans déclaration de guerre, d’une grande partie de la flotte américaine du Pacifique dans sa base de Pearl Harbor (Hawaï), le 7 décembre 1941. Les Japonais comptent sur ce coup terrible pour faire fléchir la détermination des États-Unis à s’engager dans une guerre longue, qu’ils sous-estiment. C’est pourtant le contraire qui advient.

Cependant, dans les six premiers mois de la guerre du Pacifique, les militaires nippons conservent l’initiative. Ils font la conquête de la Malaisie, des colonies britanniques de Hong Kong et Singapour, des Philippines américaines. Ils s’étendent jusqu’aux Indes néerlandaises et son précieux pétrole, à la Nouvelle-Guinée, aux îles du nord de l’Australie et de divers archipels du Pacifique à la Birmanie.

Néanmoins, le bombardement de Pearl Harbor a épargné des porte-avions américains dont l’emploi va se révéler crucial dans les batailles aéronavales de la Mer de Corail (nord de l’Australie) et de Midway (nord-ouest des îles Hawaï), au printemps 1942. Avec la victoire de Guadalcanal (îles Salomon) s’amorce déjà, début 1943, la reconquête du Pacifique dirigée par le général Douglas MAC ARTHUR (1880-1964).

Pendant ce temps, le Japon organise ses nouvelles possessions en une éphémère “Sphère de Coprospérité de la Grande Asie de l’Est” qu’il dit avoir arrachée au joug occidental. Mais les populations autochtones, travaillées par le nationalisme, se rendent bien compte qu’elles sont incorporées dans un empire colonial auxquel elles résistent. D’où un enlisement des Japonais dans des combats stériles en Chine et en Asie du Sud-Est.

Bientôt massivement bombardé par les B-29 américains, le Japon, qui n’a jamais connu d’invasion au cours de son histoire, s’engage dans une défense acharnée pour forcer les États-Unis à négocier. En avril-juin 1945, ceux-ci prennent Okinawa (Îles Ryukyu), malgré une âpre résistance des militaires japonais et des suicides collectifs de civils fanatisés par la propagande, annonciateurs de ce qui pourrait se passer dans l’archipel nippon. Mais, tandis que l’Allemagne capitule le 8 mai 1945, les Américains sont déterminés à ne pas transiger (déclaration de Postdam, juillet 1945).

Une majorité d’historiens occidentaux insistent avec raison sur le fait que le recours à deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki (6 et 9 août 1945) (1), deux villes japonaises de moyenne importance choisies pour faire une démonstration de force, a épargné la vie de nombreux soldats américains en leur évitant de devoir conquérir le Japon. Dans un deuxième temps, cette manifestation de puissance des États-Unis sert accessoirement d’avertissement à distance pour son “allié” soviétique. Car, alors que le conflit n’est pas encore achevé, se profile déjà la guerre froide et l’URSS ne possède pas encore (1949) la maîtrise de l’arme absolue…

D’autant plus que celle-ci s’engage dans une opportuniste guerre contre le Japon une semaine avant l’armistice américano-nippon, respectant tardivement un engagement pris par STALINE à la conférence de Yalta (février 1945). De ce bref conflit va naître le contentieux sur les îles Kouriles qui complique jusqu’à nos jours les relations russo-japonaises.

Néanmoins, le 2 septembre 1945, le général MAC ARTHUR et des plénipotentiaires nippons signent la capitulation du Japon à bord du cuirassé Missouri. L’empereur HIROHITO semble avoir usé de son influence pour arrêter le conflit, demandant à son peuple de “supporter l’insupportable”. Mais, la question du rôle plus ou moins actif qu’il aurait joué durant la guerre n’en finit pas de diviser les historiens…

Lire notre dossier Hiroshima.

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