One shot publié au Japon en 2002, Nihon keizai chinbotsu 2004 est un thriller politico financier prenant comme cadre les dessous de l’économie japonaise (lire notre article. Ce titre est donc pour nous l’occasion de se pencher sur ce monde passionnant et complexe. Attention, ces données ne sont guère exhaustives, et conseil est donné d’approfondir le sujet aux plus persévérants d’entre vous.
L’ère Meiji
Après la Restauration de Meiji, l’Etat et l’économie sont réformés car l’Empereur souhaite ne pas dépendre de l’étranger, éviter l’exploitation du Japon par ceux-ci et nourrir convenablement la population. L’intervention du gouvernement se fait donc à divers échelons (prise d’initiatives, formations de techniciens, subventions, création de groupes financiers et de grandes firmes “touche-à-tout” nommées Zaibatsu.). De même, un système financier moderne, hiérarchisé et spécialisé, est établi en 1868, dont l’architecture perdurera au cours du XXe siècle.
L’après-guerre
Après la seconde guerre mondiale, le Japon accueille les investissements étrangers, et en particulier américains. Cela facilite son développement économique, mais engendre aussi une perte des capitaux japonais. Via le vote d’une loi sur les investissements étrangers en 1950, le pays espère remettre les pendules à l’heure. Il y parvient à la fin des années 50.
De plus, la guerre de Corée qui éclate permet de booster l’économie japonaise, les Américains trouvant sur l’archipel un pied-à-terre bienvenu (réparation du matériel, achat de nourriture, etc.). Ainsi, les Etats-Unis balaient les derniers obstacles administratifs qui ralentissaient le développement industriel. De 1950 à 1965, la politique économique nippone, dont l’instrument privilégié est sa politique monétaire (conditions d’emprunts très avantageuses pour l’industrie) bénéficie de la haute conjoncture. De 1952 à 1973, la finance de l’économie repose sur les financements directs, l’endettement des entreprises, et celui plus structurel du secteur bancaire (celui-ci autorise davantage de crédits qu’il n’a de dépôts).
Le choc pétrolier de 1973
Se pliant au “programme de libéralisation du commerce et des échanges”, et sous la pression des pays industriels, Etats-Unis en tête, le gouvernement japonais donne son aval aux investissements étrangers. Depuis 1968, l’émergence d’un contentieux entre Japonais et Américains est palpable. Le déficit commercial des Etats-Unis avec le Japon s’accroît, ce qui pousse les Américains à suspendre sans concertation la convertibilité du dollar en or et à surtaxer de 10% leurs importations. Ensuite, le Japon concède encore à NIXON quelques démarches en sa faveur.
Le choc pétrolier de 1973 freine la croissance et incite les entreprises à revoir leur mode de financement, ainsi que l’équilibre entre leurs besoins et leurs capacités pécuniaires. L’épargne des ménages s’accentue, l’initiative de plans ciblant une meilleure protection sociale est lancée, ce qui amplifie les déficits publics. Les années 70 voient donc le système financier, impeccable en période de haute croissance, se lézarder. Les réformes nécessaires doivent produire une concurrence accrue entre les institutions financières, l’innovation de produits et une déréglementation. Mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg et de l’importante mutation de la sphère financière japonaise.
L’internationalisation du yen
Dans les années 80, les Etats-Unis poussent à l’internationalisation du yen qui, de par son usage limité, est sous-évalué et favorise l’excédent commercial nippon. Dans le même temps, les banques japonaises souhaitent développer leur activité internationale, car le marché financier intérieur est saturé. Deux lois fondamentales sont votées, et un accord nippo-américain est signé en 1984. Mais nos amis japonais, perfectionnistes, bons élèves et un tantinet ambitieux, vont par-delà les obligations du document en insufflant une réforme des marchés financiers (1984 à 1989), qui dope comme jamais la place de Tôkyô jusqu’à l’aube des années 90.
Les accords du Plazza ayant propulsé le yen sur le devant de la scène mondiale” (l’Endaka ), sur le sol national apparaissent simultanément crédits très bon marché, flambée des titres, terrains et constructions surévaluées. Les investissements directs outremer sont tirés vers le haut, et les sociétés empruntent à tire-larigot pour soutenir leur nouveau capital. La multiplication des crédits bancaires a donc contribué à la formation d’une bulle spéculative dans les secteurs de l’immobilier et des finances.
La crise des années 90
Pour limiter les dégâts futurs, la Banque du Japon donne un tour de vis à sa politique monétaire en 1989, la conjoncture se retourne, et la bulle spéculative éclate en 1990, provoquant la disparition de plusieurs entreprises. Dans la débâcle, certaines négocient avec leurs prêteurs, d’autres obtiennent l’abandon des créances, ou de nouveaux prêts pour rembourser ! Dès lors, les mauvaises dettes (60% des 37 trillions de yen sont irrécouvrables) rappellent aux banques leur imprudence passée. En 1995, le Japon assiste, impuissant, à des ruées bancaires. Celles-ci se caractérisent par une perte de confiance vis-à-vis des établissements et par un retrait massif des dépôts. La sanction est immédiate, de nouvelles banqueroutes sont annoncées, parmi elles de grandes enseignes, et les scandales font les choux gras de la presse. La maison brûle, la crise asiatique fait rage, la perte de crédibilité des banques de l’archipel au niveau mondial est palpable et les autorités nippones annoncent le 31 mars 1995 un vaste programme de déréglementation du système financier, davantage en accord avec le nouveau contexte économique.
Le 16 octobre 1998, un plan de sauvetage du système bancaire est adopté ; son succès n’est pas absolu. Actuellement, l’assainissement est toujours en cours, et bute sur certaines contradictions. Le pays continue de se débattre avec un taux de chômage le plus haut jamais enregistré depuis 1953…
Messieurs, bienvenus au club des pays industrialisés !
Lire notre article sur sur le manga Nihon keizai chinbotsu 2004 dans la rubrique Découvertes.
Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire.