Le son 2 – le doublage

0

Première étape de nos reportages sur le Son : le doublage. Il s’agit de l’enregistrement des voix des personnages animés. Trois épisodes de la série Funky Cops sont doublés en deux jours : nous avons assisté à l’enregistrement des voix anglaises sur l’épisode n°8. Comme on ne peut pas réunir tous les comédiens en même temps, on enregistre aujourd’hui les voix des personnages principaux, les deux flics Dick et Ace, et de quelques personnages annexes.

Contrairement à des séquences live, où une prise de Son directe (éventuellement post synchronisée ensuite en studio) a lieu durant la prise de vue, il s’agit en animation de prêter des voix à des personnages qui en sont… dépourvues à leur création. Comment se passe la synchronisation entre le dessin et la voix ? En technique d’animation, deux pratiques s’opposent. La pratique des voix témoins : une fois que le storyboard est réalisé, on rédige les dialogues définitifs avant de démarrer l’animation : ces dialogues sont enregistrés par des comédiens. Ces voix provisoires vont servir aux animateurs, qui vont calquer leur animation dessus (dessiner des mouvements de bouches en respect avec la syllabes prononcée) ; ces voix ne servent que de “témoins”, en aucun cas elles ne seront utilisées en version définitive (parfois même un homme est doublé par une femme et vice versa). C’est en général la solution le plus souvent utilisée. A cette pratique s’oppose celle des voix définitives : le réalisateur dessine ses personnages et procède à l’animation. Ensuite, une longue phase, dite « de détection », permet de décortiquer les mouvements de lèvres sur le temps de l’image (on appelle ça le “code bouche”) : on obtient ainsi une « feuille d’expo », qui donne un relevé images par images. Cela permet ensuite de donner des indications quand à l’élocution que le comédien devra adopter. Cette pratique, longue et coûteuse, laisse davantage de liberté au réalisateur : c’est au comédien de s’adapter au jeu du personnage, et non l’inverse.

Funky Cops fait partie des dernières séries enregistrées entièrement chez Elude : dorénavant, le studio s’occupe de gérer uniquement les voix témoins. La recherche de doubleurs, qui s’apparente à un véritable casting de comédiens, est maintenant confiée à d’autres studios, comme le studio Soundfactor. Le doublage est une activité à part entière, tant du point de vue des compétences requises que du coût : à lui seul, il peut représenter autant que le montage Son entier. Les doubleurs sont en effet rétribués à la ligne de texte : si le tarif syndical avoisine les 600 F par ligne, les cachets peuvent considérablement augmenter en raison de la notoriété du comédien, comme c’est le cas pour les prestations d’acteurs live. L’enregistrement a lieu dans le grand auditorium, en présence des deux comédiens, dirigés par un chef de plateau, de l’ingénieur Son qui enregistre et aide à modifier le Son en cas de besoin, et du réalisateur qui supervise le tout. L’épisode est diffusé sur grand écran pour les comédiens. Derrière la console, l’ingénieur Son et le directeur de plateau possèdent un moniteur de contrôle.
Les comédiens visionnent une première fois les images sans aucun Son : ils procèdent à une lecture seule, pour poser les intonations et s’entraîner à synchroniser les dialogues avec les dessins avant d’enregistrer définitivement. Pour cela, ils sont aidés par la bande rythmo (voir AL n° 67) : à la manière d’un sous titre, le texte à lire apparaît sous l’image. Mais ici, le texte est manuscrit, et il n’est pas statique, mais défile sous l’image, à la vitesse à laquelle il doit être lu. Une bande située sur l’extrême gauche indique le tempo à prendre : lorsque la syllabe passe sous cette bande, cela indique que le comédien doit la lire (un peu à la manière d’un karaoké). Les changements de plan de caméra sont également signifiés sur cette bande, ce qui permet au comédien et à l’ingénieur Son d’anticiper sur la prise de Son (les voix doivent parfois apparaître plus éloignées, plus étouffées ou au contraire plus fortes…).

Les comédiens sont dirigés par un chef de plateau : il leur donne des indications sur le jeu à adopter, les reprend parfois. Le doublage est un jeu d’acteur à part entière, et même si les comédiens n’apparaissent pas physiquement à l’écran, ils se mettent dans la peau du personnage qu’ils doublent. Il est amusant d’ailleurs de les voir parfois parler avec les mains et exprimer leur texte avec tout le corps. Pour enregistrer, les comédiens grimpent sur une sorte de perchoir où sont situés les micros. Lorsqu’un comédien double plusieurs personnages dans une même scène, les voix sont enregistrées l’une après l’autre. Dans le cas contraire, si les acteurs doublent deux personnages distincts qui apparaissent dans une même scène, les voix sont enregistrées en même temps.
Pour Funky Cops, David GASMAN et Thomas POLLARD doublent respectivement Dick et Ace. Le chef de plateau Jimmy SCHUMAN double en revanche plusieurs personnages annexes. En version française, Ace est doublé par la voix française d’Eddy MURPHY.
Pour Dick, les réalisateurs voulaient la voix de Bruce WILLIS, mais la production de M6 a refusé. Dick sera alors finalement doublé par la voix française de Jim CARREY.
Chaque séquence doublée (en moyenne, des séquences de 2 min) est vérifiée sur le coup avec le réalisateur. Dans le cas de Funky Cops, les deux réalisateurs se sont répartis les tâches : c’est Frank MICHEL qui suit toute la chaîne de montage Son, sauf la version française qui est supervisée par Thierry SAPIN.

L’enregistrement des voix est la partie la plus rapide du montage Son : on peut enregistrer deux épisodes par jour, quand on met parfois deux fois plus de temps pour les autres étapes ! Il suffit de respecter la synchronisation, ce que les comédiens rompus au doublage n’ont en général aucun mal à faire, et d’employer les bonnes intonations, ce qui justifie parfois plusieurs prises. Les doubleurs sont en général comédiens avant tout : le doublage ne constitue qu’une partie annexe de leur métier. David GASMAN et Thomas POLLARD, qui découvrent les épisodes au fur et à mesure qu’ils les doublent, apprécient particulièrement la fraîcheur et le côté déjanté de Funky Cops, qui permet une large palette d’expressions au niveau des intonations.

Remerciements à Satchi Van NEYENHOFF, à Gil CARPIO et à toute l’équipe du Studio Elude.

Parlez-en à vos amis !

A propos de l'auteur