LEE Sung-gang

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La manifestation « la Révélation coréenne » organisée par le Forum des Images a permis de découvrir les premières oeuvres de LEE Sung-gang. Outre son long métrage Mari Iyagi, grand prix du festival d’Annecy 2002, 8 courts métrages du réalisateur étaient proposés : Two Rooms, Soul (1995), Lover (1996), Umbrella, Thief (1997), Ocean, Ashes in the ticket (1998) et le sublime O-Nu-Ri (2003). Autant d’oeuvres singulières, expérimentations graphiques et techniques, sur lesquelles le réalisateur s’est exprimé.

AnimeLand : Après avoir assisté hier soir à la séance de projection de vos premiers courts métrages, qu’en avez-vous pensé, avec le recul que vous avez aujourd’hui ?
LEE Sung-gang :
J’étais très ému. Je ne les avais pas revus, présentés dans leur ensemble, depuis 4 ans. Je me rends compte que j’avais, il y a quelques années, une obsession pour le « remplissage » d’une oeuvre, comme s’il fallait y mettre tout ce que j’avais à exprimer. A voir ensuite O-Nu-Ri, réalisé récemment, il y a une énorme différence.

AL : Les courts métrages conçus avant Mari Iyagi sont très sombres ; on y trouve les thèmes du suicide, de la solitude, de la guerre. Etait-ce lié à des préoccupations personnelles ?
LSG :
J’avais alors tendance à être mélancolique, parfois désespéré, sans pour autant songer à me suicider ! Il se trouve que dès que je me mettais devant une toile pour peindre, ou devant l’ordinateur, je devenais très tendu, peut-être trop sérieux.

AL : Avez-vous, dès votre premier court métrage, eu recours à l’ordinateur ?
LSG :
Oui, tous les courts projetés hier ont été conçus sur ordinateur. Le fait de pouvoir tout faire de A à Z (dessin, animation, montage…), et ce, tout seul, m’a séduit. A cela s’ajoutent les possibilités graphiques qu’offre l’informatique, qui permet de manier facilement diverses techniques picturales. Etant peintre, je voulais faire de l’art par ordinateur. J’ai ensuite choisi l’animation car c’est une utilisation amusante de cet outil. Il y a quelques temps, j’ai monté une exposition, Le théâtre sur la lune – Cyber Act, pour montrer ce que peut apporter l’informatique à la peinture ou la bande dessinée. Elle a suscité un engouement important en Corée.

AL : Autre expérience à part, Thief, inclus dans le long métrage Timeless, Bottomless, Bad Movie de JANG Sung-Woo, adopte les codes du jeu vidéo.
LSG :
Je n’aime pas beaucoup les jeux vidéo. C’est de JANG Sung-woo qu’est venue cette idée. Thief lui a plu, si bien qu’il a gardé la durée initiale, pourtant un peu longue, de 3 minutes. Au final, je l’aime bien aussi.

AL : Entre vos premiers courts et Mari Iyagi et O-Nu-Ri, vos oeuvres récentes, il y a comme une rupture.
LSG :
Mari Iyagi est le fruit d’un travail d’équipe ; auparavant, je travaillais seul. Ce film, qui en plus était un long métrage, ne devait pas seulement être une occasion de ne parler que de moi. J’ai donc choisi quelques passages particuliers pour exprimer des choses personnelles, en calmant aussi mon côté pessimiste. Il fallait penser à apporter du plaisir au public.

AL : Comment s’est fait ce passage d’une création individuelle à un travail d’équipe ?
LSG :
Plutôt bien. J’ai dû persuader tout le monde, des producteurs à l’équipe, de vouloir participer au projet. Finalement, sans être doué pour les rapports humains, je me suis découvert un certain aplomb ! Et le travail d’équipe, par l’apport d’autres avis, contribue forcément à enrichir une oeuvre.

AL : Vous avez mentionné, hier soir, parmi les réalisateurs d’animation que vous admirez, MIYAZAKI Hayao et TAKAHATA Isao.
LSG :
J’aime tous leurs films. Récemment, j’ai beaucoup apprécié Nos voisins les Yamada de M. TAKAHATA. Ils sont très différents l’un de l’autre, M. TAKAHATA est plus orienté vers le réalisme, M. MIYAZAKI vers l’aventure et le fantastique. Leur travail transcende les films d’animation commerciaux, car ils ont su créer leur propre univers. C’est ce que j’aimerais faire ! Récemment, j’ai rencontré M. TAKAHATA, et nous avons discuté de ses créations et de celles de M. MIYAZAKI. Il s’interrogeait sur leurs capacités respectives à se renouveler à l’avenir, craignant que, après avoir énormément créé, ils ne se répètent. A mon avis, M. TAKAHATA a justement fait preuve d’une inventivité toujours vivace avec Nos voisins les Yamada, qui tient beaucoup du film art et essai. Personnellement, je me positionnerais entre leurs deux approches.

AL : Comment a été conçu O-Nu-Ri, votre court le plus récent ?
LSG :
On m’a sollicité pour faire un court métrage autour d’une légende coréenne. J’ai étudié divers mythes, dont celui d’O-Nu-Ri (littéralement « Aujourd’hui »), qui traite, à travers les aventures de la déesse des saisons, du temps, donc du destin humain. Graphiquement, j’ai cherché une technique picturale liée au sujet, et opté pour une forme de peinture traditionnelle où cohabitent plusieurs perspectives, contrairement à la perspective unique à l’occidentale. Le contraste est important entre le paysage, plat, et la dynamique des personnages, au premier plan. Le message de la légende est qu’en parvenant à s’affranchir de son obsession, on peut devenir libre, car maître de son destin. Ainsi, la jeune fille érudite qui cherche le bonheur dans les livres devient heureuse au moment où elle les abandonne. L’apprenti dragon qui ramasse toutes les perles qu’il trouve sur son passage, devient un dragon accompli quand il les perd. C’est une philosophie très simple du bouddhisme, que j’ai voulu exprimer avec humour. Le mythe en lui-même est très différent, mais j’en ai respecté l’esprit.

AL : Sur quels projets travaillez-vous ?
LSG :
Je termine le court Room of Sori, commencé en 2000, soit avant Mari Iyagi. Une jeune fille solitaire rencontre un homme, ils tombent amoureux ; la jeune femme pense que des poissons volants peuplent sa ville. Elle tente de les trouver, tandis que son amant ne comprend pas ce qu’elle fait. Room of Sori est achevé à 80%, mais il va être difficile de le terminer, puisque j’ai entamé un second long métrage. Ce dernier relate les aventures d’une femme renarde à 5 queues, qui, pour devenir une femme à part entière, mange des êtres humains. Je finalise actuellement le premier scénario et définis les personnages.

Remerciements à Diana-Odile LESTAGE, Chantal GABRIEL et Claudia KIM.

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