Première constatation, le thème central de la série, celui d’un magasin étrange, sis dans un quartier étrange (ici le Chinatown d’une ville de la côte ouest des États-Unis) et tenu par un commerçant plus étrange encore, est l’un des motifs classique du fantastique littéraire et cinématographique. Jusqu’au titre lui-même, Pet Shop of Horrors, qui n’est autre bien entendu qu’un clin d’oeil appuyé à La Petite Boutique des Horreurs – Little Shop of Horrors en version originale -, l’un des longs métrages les plus célèbres de Roger CORMAN. Tourné en à peine quelques jours en 1960 et remaké par Frank OZ en 1986, le film – qui soit dit en passant offrit à Jack NICHOLSON l’un de ses premiers rôles au cinéma – se déroule presque intégralement dans la boutique d’un fleuriste, dans laquelle pousse une plante géante, intelligente et meurtrière.
Mais dans Little Shop of Horrors il n’est nullement question de clients achetant des produits bizarres, le seul élément fantastique étant Audrey Jr. elle-même, cette fameuse plante carnivore qui, rivée à son pot, ne quitte jamais la boutique. Le fleuriste lui-même, Monsieur Mushnik, est un humain parfaitement ordinaire et banal, très loin de la surnaturelle étrangeté du Comte D, le gérant de l’animalerie de Pet Shop of Horrors. Ce dernier évoquerait plutôt Leland Gaunt, le personnage principal de Bazaar, l’un des romans de Stephen KING. Ce pseudo-démon débarque un jour à Castle Rock, une petite ville du Maine qui sert de toile de fond à plusieurs romans de KING (dont Cujo et Dead Zone), et y ouvre une boutique pour le moins insolite. Chacun pouvant y trouver l’objet qu’il désire le plus au monde, c’est fort logiquement que l’endroit s’appelle “Le bazar des Rêves”. Impossible dans ces conditions de ne pas faire le rapprochement avec la devise de l’animalerie de Pet Shop of Horrors telle qu’énoncée par D lui-même : “Nous vendons de l’espoir, de l’amour et des rêves”. En effet, dans le livre de KING autant que dans le manga d’AKINO et l’anime qu’en a tiré le Studio Madhouse, c’est moins le produit en lui-même – objet dans un cas, animal dans l’autre – qui importe, que ce que l’acheteur projette sur lui. Ainsi, D affirme-t-il à plusieurs reprises qu’en dépit de ce que perçoivent ses clients, qui tous croient acheter des humains, il ne leur vend en réalité que des animaux.
Dans Bazaar, KING, soucieux de maintenir aussi longtemps que possible suspense et mystère, ne révèle que très progressivement la véritable nature de Gaunt, celle-ci s’avérant en définitive purement maléfique. Dans Pet Shop of Horrors, il en va tout autrement. Dans la série d’O.A.V., on apprend en effet très peu de choses sur le Comte D, bien que l’on devine – sans que rien ne vienne toutefois clairement le démontrer – qu’il est sans doute un être surnaturel puissant. Son trait psychologique le plus remarquable est cette neutralité polie qu’il affecte à l’égard de ses clients. Neutralité qui ne l’empêche pas de faire montre d’une certaine émotivité – une sorte de compassion mélancolique, dirons-nous – dès lors qu’il est averti de leur destinée, généralement tragique.
Et c’est bien parce qu’ils lui ont acheté un animal que ces gens ont connu un sort funeste. Sans doute D devrait-il, à l’instar de Gaunt, accrocher un panonceau au mur de sa boutique, sur lequel on pourrait lire ce fameux ” Caveat emptor ” qui enjoint l’acheteur à la méfiance. Mais en vérité, il serait bien injuste de faire porter l’entière responsabilité de ces drames sur les seules épaules de D car c’est toujours parce que ses clients ont omis de respecter tout ou partie des clauses du contrat qu’ils ont signé avec lui que les choses se gâtent. Au final, si D s’affirme bien comme une figure méphistophélique au sens faustien du terme, il déroute, surprend et fascine par son traitement tout en demie-teinte. AKINO récupère volontiers les archétypes pluriséculaires des histoires de diable – tentation irrésistible, pacte bientôt transgressé puis nécessaire punition -, mais démarque le genre de plaisante manière en campant une figure pseudo démoniaque qui accomplit sa tâche sans plaisir excessif ni intérêt évident. Le Comte D en effet n’a que faire de l’âme de ses clients : il se contente seulement de leur vendre des animaux qui, il le sait pertinemment, ont toutes les chances de causer leur ruine, puis s’en va tranquillement constater les dégâts. La finalité de l’ensemble échappant au spectateur, le procédé, employé ici de manière quasi systématique, renforce le mystère qui entoure le Comte.
Le manga, beaucoup plus dense que l’anime (il comporte dix volumes de quatre chapitres chacun, soit une quarantaine d’histoires pour autant d’animaux fantastiques), nous en apprend un petit peu plus sur le Comte et sa famille, à laquelle il n’est fait aucune allusion dans l’anime. Pour faire vite, disons qu’AKINO, sans lever tout à fait le voile sur D et ses origines, révèle néanmoins qu’il est un kami, c’est-à-dire une divinité shintoïste, ce qui, avouons-le, donne une toute autre perspective à l’affaire. Cet appel à la mythologie, qui est, nous le verrons, l’une des constantes fortes de l’oeuvre, évoque irrésistiblement le travail de Neil GAIMAN sur son célèbre et magistral comic book, The Sandman. La référence paraît d’autant plus évidente que l’une et l’autre série multiplient les occurrences de la lettre “D”. Dans Sandman, il s’agit des Endless, cette famille de sept pseudo divinités dont chacune personnifie un aspect de l’univers : Destiny, Death, Destruction, Delirium, Desire, Despair et Dream, qui bien sûr n’est autre que Morpheus, le fameux Marchand de sable de la légende (” Sandman ” en anglais). Dans Pet Shop of Horrors, outre D lui-même, on notera que, dans l’anime aussi bien que le manga, le titre de chacun des épisodes (en anglais dans le texte) commence par un “D”. Pour les O.A.V., il s’agit de “Daugther”, “Delicious”, “Despair” et “Dual”, titres d’ailleurs empruntés directement à la bande dessinée.
Si par son patronyme énigmatique, le Comte D évoque au premier abord un certain maître vampire d’Europe Centrale (le quatrième volume du manga contient d’ailleurs un chapitre intitulé “Dracula “), son orientation sexuelle et ses manières renvoient beaucoup plus à Lestat ou à Louis, héros néoromantiques dont Anne RICE se plait à peupler ses Chroniques des vampires. Mais pour en revenir un instant à Sandman, s’il est bien un personnage auquel on peut comparer D, c’est bien Desire, qui cultive son androgynie comme d’autres leur potager. D lui-même, affecte une élégance toute féminine : garde robe très fournie mais essentiellement constituée de luxueux cheongsams semble-t-il, ongles longs et peints, cheveux coupés en un carré au dégradé soigneusement étudié, yeux fardés, etc. Un character-design très soigné, duquel participent encore des yeux vairon et bridés, un langage corporel tout en délicatesse et une voix caressante. Elle est à ce propos très bien rendue en français par Eric MISSOFE, qui adoucit pour l’occasion le timbre, déjà très suave, qu’il utilise pour doubler Noah Wyle, le docteur John Carter d’Urgences. En définitive, tous ces détails marquent les efforts qu’a fait AKINO, et à sa suite d’ABE Hisashi, le chara-designer de l’anime, pour crédibiliser la relation doucement homoérotique qu’entretient D avec Leon Orcot, le jeune et fougueux inspecteur de police qui met sans cesse son nez dans les affaires de l’animalerie.
De fait, leur relation, qui teinte ce shôjo fantastique d’une bonne dose de YAOI, constitue ce que les anglo-saxons appellent une “meta-plot”, ce que l’on peut traduire par “méta-intrigue” ou “intrigue à lent déroulement”. C’est que, du point de vue narratif, Pet Shop of Horrors repose entièrement sur le principe de la structure modulaire. Ce procédé, qui a fait le succès de nombreuses séries télévisées (X-Files, Buffy, Urgences, etc), emprunte autant au feuilleton, la meta-plot s’étendant généralement sur toute une saison, qu’à la série proprement dite, chaque épisode se présentant comme une histoire auto-contenue. Les scénaristes gagnent ainsi sur les deux tableaux : chaque segment (un chapitre du manga ou un épisode de l’O.A.V.) demeure compréhensible séparément, ce qui contente le lecteur/spectateur occasionnel, tandis que l’interconnexion plus ou moins forte de l’ensemble, permet également à l’otaku de base d’y trouver plus que son compte. En ce qui concerne Pet Shop of Horrors, l’effet est beaucoup plus sensible dans le manga que dans l’anime, où la relation entre D et Léon a à peine le temps de s’amorcer. Outre les inévitables ajustements de scénario entraînés par l’adaptation d’une histoire d’un média à un autre, ce phénomène est bien entendu surtout imputable à la grande différence du nombre segments entre le manga (quarante chapitres) et l’anime (quatre épisodes). Ceci dit, bien qu’essentiellement allusive, la tension sexuelle qui lie les deux personnages demeure sensible dans les O.A.V., ce qui constitue incontestablement l’une des réussites majeures de cette adaptation animée.
Pour en revenir à la technique narrative, la manière très simple, simpliste même, dont s’organisent les O.A.V. Pet Shop of Horrors, avec leur équation ultra-linéaire un animal égal un épisode, rappelle fortement Friday the 13th – The series, une série télévisée des années quatre-vingt produite par la Paramount et tournée à Toronto. Elle fut autrefois diffusée sur nos écrans sous le titre, assez peu évocateur il faut bien le reconnaître, de Vendredi maudit. Sans le moindre rapport avec la saga de slasher-movies centrée autour de Jason Voorhees, le psycho-killer au célèbre masque de hockey, la série proposait au spectateur de suivre les aventures de trois détectives amateurs tentant péniblement de rassembler une collection de dangereux objets maudits, provenant tous de la même boutique d’antiquités. Le parallèle avec les O.A.V. s’avère évident, chaque objet/animal fournissant le scénario d’un épisode, tandis qu’une méta-intrigue, centrée sur le magasin, lie l’ensemble. Précisons tout de même qu’en ce qui concerne Pet Shop of Horrors, les choses sont sensiblement plus complexes dans le manga, car la famille de D, son père et son grand-père, constitue une seconde intrigue à lent déroulement, interférant sans cesse avec celle qui explore les sentiments du Comte et de Leon.
Penchons nous à présent un peu plus en détail sur ces quatre O.A.V., leurs emprunts et leurs clins d’oeil. Passons rapidement sur “Delicious”, qui compile d’assez plate manière la gentillette filmographie fantastique de Ron HOWARD, pillant allégrement Splash (la sirène qui se métamorphose en femme) et Cocoon (la piscine qui sert de bassin à la créature). Plus riche en revanche, “Daughter” qui ose une superposition assez improbable de genres et de références. Au premier rang d’entre elles, Alice au Pays des Merveilles de Lewis CARROLL. En effet, l’animal de l’épisode n’est autre qu’un lapin, qu’un couple achète en remplacement de leur fille Alice, récemment décédée. Le rongeur leur apparaît sous les traits d’une jeune personne dont le character-design évoque fortement, si ce n’est la lettre du moins l’esprit des gravures de John TENNIEL. Principal caricaturiste du magazine humoristique Punch, TENNIEL illustra de façon magistrale les deux aventures d’Alice et fixa pour la postérité son design et celui des habitants de son monde imaginaire, de sorte que l’on retrouve sa patte dans toutes les adaptations ultérieures des textes de CARROLL, depuis le dessin animé de DISNEY jusqu’à cet épisode de Pet Shop of Horrors. Le lapin Alice y est effectivement représenté sous les traits d’une fillette aux longs cheveux blonds et aux vêtements rappelant ceux des jeunes filles de bonne famille de l’Angleterre victorienne.
Il faut également se souvenir que lorsque, dans le conte de CARROLL, Alice se retrouve dans l’antichambre du Pays des Merveilles, elle trouve un gâteau sur lequel les mots “Mange-moi” sont écrits à l’aide de raisins secs, et dont l’ingestion a des conséquences désastreuses car elle la fait grandir de manière tout à fait incontrôlable. On retrouve cet sorte de mésaventure dans l’O.A.V., quoique sur un mode beaucoup plus sanglant, puisque c’est parce qu’Alice déroge à son régime strictement végétarien en mangeant un cookie qu’elle amorce sa métamorphose en une myriade de rongeurs sanguinaires. Cet interdit alimentaire n’est pas non plus sans rappeler le Gremlins de Joe DANTE, et ce d’autant que sa progéniture naît directement de son ventre, par un procédé qui évoque à la fois la génération spontanée des Mogwaï à partir du corps de Gizmo et la perforation stomacale du xénomorphe dans l’Alien de Ridley SCOTT. Toute cette affaire de lapins sanguinaires donne encore lieu à un dernier clin d’oeil cinématographique, qu’on imagine sans doute involontaire tant il est burlesque, certains passages renvoyant en effet très directement à la scène dite du “killer rabbit” dans l’inénarrable Sacré Graal des Monty Python.
Dans “Despair”, incontestablement la meilleure des quatre O.A.V., c’est moins aux sources de la littérature et du cinéma qu’à celle de la mythologie, qu’AKINO puise son inspiration. Elle réalise une brillante synthèse de deux mythes de l’Antiquité, y ajoutant de surcroît une touche personnelle subtile et sensible. Son génie est de fusionner la légende du basilic (le lézard qui est au centre de l’épisode) avec celle de la Méduse (la jeune femme sous la forme de laquelle il apparaît aux yeux de son acheteur, un acteur mélancolique), en traitant l’ensemble sous l’angle de l’amour passion plutôt que sous celui de l’horreur. Car à l’origine en effet, basilic et Méduse sont des êtres de terreur pure. Petit rappel : le basilic, encore surnommé cocatrix, codrille ou cocodrille, est une sorte de petit serpent fabuleux, généralement représenté avec deux ergots, une tête et une crête de coq, une queue de serpent ordinaire et, parfois, des ailes. Ayant le pouvoir de tuer quiconque le regarde en face, l’unique moyen de s’en débarrasser est de l’obliger à croiser son propre regard dans un miroir. Quant à Méduse, la seule des Gorgones à ne pas être immortelle, elle était reconnaissable à sa chevelure formée de serpents. Son regard pétrifiait ceux qui le croisaient, c’est-à-dire qu’il les changeait très littéralement en pierre. Sa mort est le sujet de bien des récits, dont le plus connu la confronte au héros Persée qui, utilisant un bouclier poli comme un miroir pour éviter de la regarder en face, lui tranche la tête. Le choc des titans de Desmond DAVIS, un péplum fantastique dont les superbes effets spéciaux sont dus à Ray HARRYHAUSEN, le maître incontesté de la stop-motion, illustre cette légende d’une scène que ” Despair ” reprend intégralement sous forme de flash-back mythologique.
L’hommage ne s’arrête d’ailleurs pas là, puisque le design de la Méduse de Pet Shop of Horrors s’inspire de celui d’HARRYHAUSEN, qui avait eu l’excellente idée d’ajouter à sa Gorgone une queue ophidienne rappelant les Nagas de des légendes indoues. Il avait même terminé l’appendice en grelot, façon crotale, mais ce détail, redoutablement efficace dès lors qu’il s’agit de camper un monstre, s’avérait totalement décalé dans le cadre de l’O.A.V. et n’a donc pas été repris. Pas plus d’ailleurs que la chevelure reptilienne, trop agressive, remplacée ici par une coiffure élaborée, dont le mouvement évoque cependant deux serpents. Au final, AKINO réussit sa propre version de la Méduse en femme fatale, s’écartant habilement de l’archétype monstrueux tel que présenté dans le film de DAVIS. Une réussite, d’autant que l’idée s’insère dans un ensemble plus vaste, une histoire d’amour tragique sur fond de rêves brisés. La figure masculine du récit est un acteur sur le retour, dont l’heure de gloire fut un premier rôle dans un ersatz science-fantasy de Star Wars. Un parcours qui n’est pas sans point commun avec la carrière de la plupart des acteurs de la trilogie de George LUCAS, qui, Harrisson FORD mis à part, n’ont pour la plupart jamais vraiment rebondi. La touche finale – lui qui se donne volontairement la mort en découvrant le reflet de son personnage dans les yeux de Méduse, et elle qui se suicide en croisant son propre regard dans son poudrier – est sans le moindre doute le climax de cette série d’O.A.V.. Une chute exquise, dont le dernier épisode “Dual” n’arrive malheureusement pas à retrouver l’élégance. Pour ce qui est du contexte, il puise dans la veine des films politiques chers aux Américains et brode à l’envi sur Le prince et le pauvre de Mark TWAIN (l’un des deux personnages principaux est d’origine très modeste, l’autre une sorte aristocrate moderne et à la fin, ils échangeront leurs places). Ce qui distingue véritablement cette O.A.V. des trois précédentes, c’est la nature même de son animal fantastique. Il s’agit en effet d’un kirin, sorte de licorne à la mode chinoise, créature de bon présage dont la légende dit qu’elle s’est manifestée à plusieurs reprises tout au long de l’histoire du pays, notamment pour annoncer la naissance du philosophe Confucius. Cette perspective historique est d’ailleurs reprise dans l’épisode, ce qui permet au passage de glaner quelques indices concernant la longévité surnaturelle de D. Quant à l’apparence humaine de la licorne, elle est, assez logiquement, celle d’une très jeune princesse chinoise, vêtue de riches habits.
Ce dernier point est d’importance car il renvoie à l’un des motifs centraux de Pet Shop of Horrors, à savoir l’orientalisme. En effet, l’une des choses les plus surprenantes en ce qui concerne cet anime, c’est l’obstination avec laquelle il joue la carte de l’exotisme oriental, et plus précisément extrême-oriental. Entendons nous bien, rien de véritablement étonnant à ce qu’une production japonaise développe une esthétique, des thèmes et/ou des personnages asiatiques. Non, ce qui déroute c’est que, tout au long de ces quatre O.A.V., l’équipe artistique fait de son mieux pour renvoyer l’image stéréotypée que les Occidentaux ont de l’Asie et en particulier de la Chine. Pour tout dire, Pet Shop of Horrors baigne en plein dans cette ambiance d’Orient mystérieux telle qu’héritée du XIXe siècle colonial et prolongée jusqu’au XXe par les pulps, les serials et l’ensemble des médias de culture populaire (voyez par exemple l’excellent et délirant Jack Burton dans les griffes du mandarin par JOHN CARPENTER). Car dans Pet Shop of Horrors, tout y est de l’Asiatique indéchiffrable, à la politesse sans faille et aux pouvoirs occultes, et de sa boutique mystérieuse, sise dans le quartier le plus étrange des villes occidentales, Chinatown. Car il est clair que rien ne ressemble moins à une animalerie que ce magasin sans vitrine. Avec son accès souterrain, ses lumières tamisées et son mobilier délicat, on se croirait plutôt dans une maison de thé, une fumerie pour opiomane fortunés, un bordel de luxe ou un temple dédié à quelque divinité chtonienne.
Vue de France, cette mini série fait tout simplement l’effet d’un miroir. Elle se déroule en Amérique, nous renvoie nos propres mythes – la Méduse, le basilic -, démarque notre culture populaire – littérature, cinéma, bande dessinée – et y ajoute ce parfum d’Extrême-Orient postcolonial qui, depuis un siècle et demi, ne cesse de nous faire fantasmer. Au final, on s’interroge. L’ensemble n’est sans doute pas uniquement l’aboutissement d’une démarche marketing, bien que ce soit souvent une donnée essentielle dès qu’il s’agit d’appréhender la production japonaise. Peut-on sérieusement envisager que ces O.A.V. aient été pensées à l’export ? Ce serait pour le moins atypique, même si le succès international des mangas et de la japanime a sans doute ouvert les horizons des producteurs japonais. Et peut-être y a-t-il aussi comme une sorte d’intériorisation des codes occidentaux, car après tout le Japon est, depuis l’ère Meiji et plus que jamais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, profondément imprégné de culture occidentale. Mais finalement, si dans Pet Shop of Horrors, il est beaucoup question des États-Unis d’aujourd’hui, de la Chine d’hier, de la littérature anglaise du XIXe siècle et des mythes de l’Antiquité grecque, c’est sans doute d’abord parce que, vus du Japon, tous ces éléments paraissent délicieusement exotiques. Le monde devient mondial certes, et de plus en plus vite, mais c’est justement parce que la mondialisation tend à uniformiser les modes de vies dans la sphère occidentale (Japon compris), que les cultures autres continuent plus que jamais de fasciner…
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