TEZUKA Osamu

Le mangaka de la perfection

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Animé par Sébastien LANGEVIN, rédacteur en chef adjoint du Virus Manga, cette conférence voyait se rencontrer Dominique VERET, fondateur des éditions Tonkam et responsable éditorial de la collection Akata chez Delcourt ; Rodolphe MASSE, auteur des post-face des manga de TEZUKA et adaptateur attitré des titres Asuka ; ainsi que Patrick GAUMER, historien de la BD et auteur du Dictionnaire de la Bande dessinée.

Plus HUGO que BAUDELAIRE

Pour comprendre clairement l’importance de TEZUKA dans le paysage du manga, Sébastien LANGEVIN a osé une comparaison avec deux grands auteurs de notre patrimoine littéraire. Ainsi, explique-t-il, « on pourrait comparer HERGE à Charles Baudelaire : l’homme a signé une grande oeuvre et une seule : Tintin pour le premier et Les Fleurs du Mal pour le deuxième. D’un autre côté, TEZUKA s’apparente plutôt à un Victor HUGO, soit un auteur protéiforme, géniteur d’une oeuvre dont la densité n’a d’égale que la richesse. »

Et Rodolphe MASSE de surenchérir : « A l’instar de HUGO, TEZUKA a eu le droit, à sa mort, à des funérailles nationales ! » Pour Dominique VERET, il était toutefois essentiel de bien préciser que « à la différence de HUGO, TEZUKA n’a jamais eu des vélleïtés de politiques. Il s’agit avant tout d’un humain, qui aime l’humain. »

Un médecin humaniste

Dans l’oeuvre de TEZUKA, on retrouve en effet des hommes et des femmes bouleversés par leurs destins, parfois cruels, mais jamais totalement mauvais. « N’oublions pas que TEZUKA est oriental ! », lance Dominique VERET comme une boutade. En effet, dans la conception asiatique de la vie, le Bien et le Mal sont relatifs. La culture japonaise n’envisage pas la morale selon une vision dualiste. Donc, pour TEZUKA, l’essentiel est de transmettre, à travers son oeuvre la vision la plus humaine possible de l’humain. Médecin et entomologiste, TEZUKA classe les Hommes selon leur caractères et leurs travers, mais ne les juge finalement jamais. Une sorte de vision pleine de tendresse, inspirée par la culture bouddhiste japonaise.

TEZUKA enfin en France

Aujourd’hui, l’édition française des manga de TEZUKA se développe au sein du catalogue de trois éditeurs (Asuka, Delcourt et Tonkam) pour lesquels la publication de cet auteur s’impose comme une nécessité, presque un devoir de mémoire. Pourtant, éditer ce génie de la BD ne se fait pas sans mal : le tirage d’un TEZUKA varie de 4 000 exemplaires chez Asuka, à 10 000 pour Delcourt. Des chiffres corrects, mais pas aussi bon que les éditeurs l’espèreraient. De plus, traduire un auteur comme TEZUKA implique de faire appel à des traducteurs/adaptateurs particulièrement compétents, afin de faire ressortir toute la richesse de son texte. Par exemple, Jacques LALLOZ, le préposé à la traduction des TEZUKA chez Asuka, travaillant aussi à l’occasion pour Akata, n’est autre qu’un ami proche de feu le mangaka, âgé de 65 ans, et plutôt employé par des éditeurs comme Picquier !

La trace du génie

On sent bien, à l’écoute de cette conférence, le fossé qui sépare TEZUKA du grand public. Le père fondateur du manga reste finalement très mal connu des lecteurs de manga. Un comble, là où on aime, en France, avoir des porte-étendards. Comment comprendre qu’un monument culturel comme l’est le père d’Astro Boy ne soit pas valorisé comme un symbole culturel ?
Reste en tout cas la profonde dévotion, et le profond respect dont font preuve les éditions Asuka, Delcourt et Tonkam. Comme l’expliquait, non sans cynisme, Dominique VERET : « On peut facilement se faire de l’argent avec le manga en éditant des auteurs pour adolescents. Publier du TEZUKA représente un autre challenge, mais indispensable. »… On n’imagine pas une librairie ou une bibliothèque sans les oeuvres d’HERGE, alors certainement plus sans celles de TEZUKA.

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A propos de l'auteur

TEZUKA Osamu

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TEZUKA est probablement plus célèbre pour trois des personnages de manga qu’il a créés au début des années 50 : Kimba le lion blanc, Astro, le petit robot (Tetsuwan Atomu) et Princesse Saphir. Ses bandes dessinées à épisodes ont connu un tel succès que leurs versions animées ont été distribuées aux Etats-Unis.

Pionnier dans l’introduction d’un style cinématographique dans ses bandes dessinées, TEZUKA Osamu a apporté les thèmes de l’espoir et de l’humanité au Japon de l’après-guerre, à une époque où le manga, cette bande dessinée semblable à un roman graphique, était extrêmement populaire. Basée sur un personnage né à l’origine dans le manga Metropolis, Astro Boy représente l’aboutissement de l’escalade d’une société qui devient victime de sa propre technologie. L’attitude ambivalente de TEZUKA envers le progrès scientifique touche profondément une nation qui se relève difficilement de sa tragique expérience sur ce thème. Au début des années 60, les mangas de TEZUKA et leurs célèbres personnages lui ont rapporté une fortune, qu’il décide d’investir dans son propre studio d’animation, Mushi Productions. Le studio lancera la carrière de plusieurs des animateurs les plus doués que l’on connaisse aujourd’hui. Le premier projet animé de TEZUKA, basé sur Tetsuwan Atomu, remporte un énorme succès au Japon. Achetée par NBC, la série hebdomadaire découpée en épisodes de 30 minutes est rebaptisée Astro Boy et obtient le même succès aux Etats-Unis qu’au Japon. Parmi les autres séries créées par TEZUKA ou ses élèves figurent aussi Kimba le lion blanc et Speed Racer. Lorsque TEZUKA est passé de la bande dessinée à l’animation, il a non seulement donné vie aux personnages de ses mangas, mais il a révolutionné ce domaine en introduisant des thèmes adultes dans l’animation. Le succès rapide de TEZUKA a ouvert la voie à la fascination actuelle pour l’animation japonaise et son style visuel, une fascination qui ne cesse de croître dans le monde entier.
Considéré comme le « Walt DISNEY japonais », TEZUKA n’a cependant jamais cessé d’aimer la bande dessinée. A la fin de sa vie, il travaillait sur l’opus le plus vaste de sa carrière, The Phoenix, un conte épique qui s’étend du Japon du IIIe siècle à un futur lointain. Douze volumes ont été créés, mais le projet est resté inachevé suite à la disparition de l’artiste. A sa mort en février 1989, TEZUKA avait créé plus de 150 000 pages d’oeuvres d’art en bandes dessinées et plus de 60 films d’animation.

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