Le personnage de Thor a été imaginé par Stan LEE et Jack KIRBY dans les pages de Journey into Mystery 83 en 1962. Pourtant, il ne s’agit pas d’un personnage original, puisque Thor n’est autre que le dieu nordique de la foudre et du tonnerre. Rien de surprenant dans le choix de faire d’une ancienne déité un héros de BD : si les Américains ne peuvent mettre Dieu en scène, ils ne s’interdisent pas de se jeter sur les dieux grecs, nordiques ou encore aztèques… Thor a plus ou moins toujours été présent dans les linéaires des comics, tout d’abord dans Journey of Mystery, puis dans son propre titre Thor.
Depuis quelques années, la Marvel essaye de reconquérir un public jeune en lui présentant des titres n’étant pas handicapés par 40 ans de continuités et donc, faciles d’accès pour un nouveau lecteur. Thor Son of Asgard fait partie de ces titres comme Punisher Born ou Marvel Age Spider-Man, situés dans le passé des personnages célèbres de la compagnie. La stratégie de Marvel s’avère bien pensée : le nouveau lecteur découvre, par l’intermédiaire de ces titres, les origines revues et corrigées à la sauce XXIe siècle des grands héros de la Marvel, et peut ensuite acheter le comics régulier sur le personnage.
Le comics de Thor Son of Asgard se révèle d’autant plus intéressant que, dans les épisodes actuellement écrits aux USA, Thor est devenu une sorte de dictateur, propageant son propre culte sur la terre. Savoir comment ce héros a vu le jour, et suivre son cheminement actuelle, se révèle d’autant plus nécessaire. De plus, son statut de héros se retrouvant sérieusement entamé, il s’agit de redorer son blason auprès des nouvelles têtes ou des plus nostalgiques.
L’auteur
Si vous avez forcément entendu parler des anime de La Guerre de Lodoss, Nadesico ou Steam Detectives, le nom de YOSHIDA Akira ne vous dit par contre sans doute pas grand-chose. De son propre aveu, YOSHIDA fait partie de ces hommes de l’ombre, dont le nom reste inconnu des fans. Pourtant, cet auteur discret a travaillé dans l’animation, le manga, le jeu vidéo et le comics.
YOSHIDA commence sa carrière comme éditeur au sein d’une petite maison faisant du manga du nom de Fujimi Shobo. Peu de temps après son arrivée, la Kôdansha (éditrice de titres comme GTO) rachète Fujimi Shobo. YOSHIDA Akira fait alors la connaissance de MIZUNO Ryo – auteur du manga de Lodoss – et d’ASAMIYA Kia, qui se lance à peine sur Silent Möbius. À l’époque, les deux mangaka ne sont pas encore devenus les stars d’aujourd’hui. YOSHIDA supervise le lancement de leurs manga respectifs, puis quitte la Kôdansha et réalise plusieurs travail d’écriture sur des dessins animés. Néanmoins, sa rencontre, fort brève, avec MIZUNO Ryo et ASAMIYA Kia, va se révéler déterminante.
La Guerre de Lodoss intéresse la Kadokawa Shoten au point que cette dernière en lance une adaptation animée. MIZUNO contacte alors YOSHIDA et lui demande de travailler sur la série et d’autres versions du manga. Avec ASAMIYA, des relations d’amitiés se sont même tissées : le célèbre mangaka le place comme co-scénariste sur les adaptations en anime de Silent Möbius, Nadesico et Steam Detectives. Il introduit aussi YOSHIDA à l’univers du jeu vidéo et, lors d’une convention en 2002, ASAMIYA présente YOSHIDA à différents éditeurs de comics.
En 2003, Pat LEE, rédacteur en chef de Dreamwave (voir notre article sur Duel Masters), l’engage pour écrire le comics de Darkstalkers, inspiré du célèbre jeu vidéo de Capcom . Avec ASAMIYA, YOSHIDA Akira travaille aussi sur une histoire d’Hellboy(1), avant que la Marvel ne lui demande de scénariser le comics de Thor Son of Asgard.
Un titre sous influences
Interrogé sur ses goûts littéraires, YOSHIDA Akira ne cache pas son affection pour les grands auteurs d’héroïc-fantasy, tels J.R.R. TOLKIEN (Le Seigneur des Anneaux), Thimothy ZAN (auteur de plusieurs des romans de Star-Wars), Anne Mc CAFFERY (Le cycle de La Ballade de Pern), Terry BROOKS (Shannara) ou J.K. ROWLING (Harry Potter) : des auteurs ayant influencé l’univers du jeu vidéo et du jeu de rôle. À cela, il faut ajouter la présence de Greg TOCCHINI aux dessins, connu pour son adaptation des romans de Demon Wars de R.A. SALVATORE pour Crossgen. R.A. SALVATORE, écrivain d’héroïc-fantasy, a écrit de nombreux romans inspirés de l’univers de Donjons et Dragons, un… jeu de rôle.
Ne soyez donc pas surpris de découvrir un comics présentant l’univers d’Asgard comme le ferait un jeu vidéo RPG. Ne vous étonnez pas davantage de faire la connaissance de trois jeunes héros (Thor et ses amis Balder et Sif) combattants des araignées géantes dans une séquence évoquant, là encore, le jeu vidéo (les combats suivent une scénographie typique de Zelda ou Final Fantasy). Rien de surprenant non plus si ces trois personnages sont envoyés dans une quête pour retrouver quatre éléments mystiques destinés à forger une épée magique, principe largement usité dans les jeu de rôle papiers et vidéos. Si vous ajoutez à cela une couverture de Adi GRANOV évoquant le travail de grands illustrateurs d’héroïc-fantasy, vous comprendrez aisément que ce comics a été pensé, conçu et réalisé pour attirer le public des gamers.
Le vide, le grand vide
De belles références, mais rien à tirer de ce comics. Si encore ce premier numéro présentait une histoire substantielle, les clins d’oeils faits aux grands classiques ne choqueraient pas. Mais pendant 24 pages, il ne se passe rien ! Bien sûr, YOSHIDA utilise ces pages pour nous présenter les protagonistes : un Thor tête brûlée, un Balder courageux, une Sif forte et un Loki fourbe. Mais l’ennui pointe : le récit s’avère d’une pauvreté affligeante, et on se demande pourquoi l’auteur a été si léger pour un premier épisode. Il faut y voir une mauvaise habitude de Marvel dont les récits se déclinent généralement sur 6 comics, pour être ensuite exploités dans un album relié (appelé trade paperback). Cette nouvelle manière de penser leurs histoires a un principal avantage pour Marvel : celui de pouvoir étirer l’action(2) et ensuite, d’avoir suffisamment d’épisodes pour constituer la version reliée. Le défaut : les auteurs sont obligés de faire du remplissage pour respecter leur quota d’épisodes. Dans Thor Son of Asgard, on sent bien que YOSHIDA Akira a été obligé de délayer l’action et, finalement, l’histoire ne démarre réellement qu’à la 21e page…
Pas pour nous
Nous ne pouvons présager de la qualité des futurs épisodes de cette mini-série, mais ce premier numéro ne donne vraiment pas envie de lire la suite. On espérait fortement que YOSHIDA Akira nous livrerait une sorte de rencontre entre La Guerre de Lodoss et Thor. Malheureusement, le style manga s’avère très mal exploité, donnant au lecteur la sensation d’avoir lu le premier épisode d’un magazine de prépublication. Une critique déjà formulée à l’égard du comics de Duel Masters ! À quoi bon employer des auteurs japonais s’il s’agit de réaliser de mauvais comics ? Espérons qu’un jour on laisse à un mangaka la possibilité de donner sa vision d’un héros de comics. Des titres comme Batman L’enfant des rêves ou Sandman Les chasseurs de rêves, réalisés par DC, prouvent qu’avec un peu de bonne volonté, la fusion peut se faire (le charme peut opérer ?).
Thor Son of Asgard est disponible dans les bonnes boutiques d’imports de comics au prix de 2,99 $. Si la BD a du succès, une édition reliée verra le jour peut de temps après la sortie du 6e épisode.
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