Ce métrage est une perle.
U est un film d’animation français, issu du même studio (& réalisateur je crois) que Loulou & Autres Loups, compilation de courts sorti il y a quelques temps déjà. Je conseille ce film à tous. Sous son air enfantin & bon enfant se cache une histoire traitée avec une sensibilité, une pudeur & une simplicité inoubliables.
Le contexte en deux mots : U, la Licorne, débarque du jour au lendemain (d’une seconde à l’autre serait plus proche de la vérité) dans la vie de Manon (jeune rate traitée comme une quiche par son reste de famille), ce dans le but d’être « toujours a ses cotés ». OK. Normal. On accepte ce fait, sans se poser plus de questions. Quelques années plus tard, débarque une joyeuse & hétéroclite troupe de « musikiens », Les Oué Oué : deux lapins, un loup (Rouge, comme par hasard), une souris, un chat & un lézard. Ceux-ci vont bien entendu changer leur vie, tout en révélant finalement au passage la vraie nature de U…
Au début, je l’avoue, j’y suis allé un peu pour « soutenir » le truc, d’autant plus qu’une personne que je respecte beaucoup a travaillé dessus (quelle étrange sensation que de voir son nom au générique !!) : je n’ose dire son nom sans autorisation, mais sachez juste qu’elle traîne parmi nous régulièrement (salutations à toi, et félicitations sincères d’avoir bossé sur ce sacré projet, si tu me lis !). Le design guère attirant (je l’avoue) et une intrigue totalement inconnue ne m’encourageaient donc pas, mais au bout de cinq minutes, on est déjà dans l’enchantement, sans se forcer une seconde.
Les dessins & décors simples (simplistes ?) sont très (très) largement compensés par une mise en scène maîtrisée dans les moindre détails, à commencer par ce qui saute immédiatement aux… oreilles : le doublage. Franchement, c’est réellement un film à entendre plus qu’à voir, et c’est assez rare pour être souligné : les acteurs sont tout simplement énormes de crédibilité, les manières de parler sont extrêmement… J’hésite entre « bien travaillées » ou au contraire « super naturelles », mais en tout cas on est (très) rapidement charmé, ce quelque soient les personnages. Deuxième chose à écouter : la qualité des dialogues qui parsèment le film. “Spontanéité” & “répondant” semblent être les maîtres mots : les répliques s’enchaînent à une vitesse folle, et font toujours mouche, c’est assez impressionnant. Sélection :
« C’est quoi ton nom ?
– U…
– Ah…
– Non, U.
– Ah ! U ! »
« Je m’appelle U. U, comme Unique !
– U ? U comme Umour ? Ou comme dans amUUUUr ? Ya plein de U dans amUUUr !!
– Exactement !
– Tu veux dire que tu es dans tous les mots où il y a U ?
– Tout à fait !
– Dans les gros mots aussi, alors ?
– Ah non ! Ça, sûrement pas ! »
« Dites, si il reste au fond [de l’eau], il faudrait aller le chercher…
– …
– …
– Dites, il reste au fond, il faut aller le chercher… »
« Dis, j’ai un secret a te dire…
– Ah ? Ben vas y…
– Dis, j’ai une dernière chose à te demander, avant…
– Quoi donc ?
– Tu pourras me faire rire, après… ? »
« Suis moi, et surtout attention à ne pas tomber, avec ton ventre !
– Non mais oh ! Qu’est ce qu’elle a, la maigrichonne ? »
« Les jeunes filles DOIVENT connaître le bonheur…
– Les lézards aussi. »
Bref. Ça a l’air nul, dit comme ça, mais… Un grand respect pour le dialoguiste, qui donne toute sa saveur au film. Il y a aussi tout un tas de magnifiques jeux de mots autour de « U », que j’évincerai ici pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte… (mais j’en sourie encore)
Pour rester dans l’auditif, n’oublions pas la musique, riche & entraînante, signée Sanseverino. Je ne suis pas fan de ce charmant monsieur, mais il avait déjà pondu un bon travail sur Loulou, et remet ici le couvert de manière convaincante, à base de guitare sèche & de violon essentiellement, dans des rythmes toujours entraînants, entre deux passages plus mélancoliques… J’ai cru reconnaître un thème connu (qui réapparaît dans le générique) mais je ne m’avancerai pas plus, ne connaissant pas réellement la discographie du bonhomme. Bref, une OST tout a fait achetable.
Coté mirettes, c’est assez simple, donc, tout en étant compliqué. On a affaire à de la 2D pure pour les persos, mais pour les décors c’est autre chose a mon avis. Ça ressemble à de vulgaire cellulos découpés grossièrement (je pense particulièrement aux plans de forets, ou de nuages), mais on sent quand même l’usage de l’informatique, notamment dans quelques effets (très) discrets d’eau, d’herbes ondulant au vent ou de colorisation (effet aquarelle, mais en mouvement). Pas de surenchère, ceci dit, ce n’est pas la philosophie ici.
Coté animation, j’avais un peu peur, mais non, c’est très fluide & agréable à l’œil.
L’histoire, en apparence banale, trouve en définitive une identité propre, et intéressante. Les personnages développent tous leur propre personnalité, allant de la directe U à la (très) égoïste Mona, en passant par le chat blasé, le lézard optimiste & le père frustré. Une belle galerie, quoi. Le rôle de U & son évolution sont pleins de symbolique au final, et le récit se termine en tout cas de manière inattendue et donne une touche unique à ce bijou. U est pleine de vie & ses coups de blues voire les moments où elle craque, sont très (très) bien rendus : fussoirs garantis, j’ai frissonné plus d’une fois. Je n’en dis pas plus, pour éviter l’apparition du démon spoil. Le jeu d’acteur est encore une fois monumental. J’assume chaque mot utilisé : c’est du jamais entendu (pour moi) dans un DA (à part Loulou peut être, justement, et encore).
Coté (mini) regrets, à part que c’est toujours trop court (95 minutes), quelques designs eurent quand même pu être améliorables. Déjà l’aspect général de cartoon ne plaira pas a tous, c’est sur, mais moi je pense plus à ces nez géants dont je ne suis pas très fan. M’enfin, je pinaille, quoi… Surtout que malgré tout, j’ai adoré le dessin de U (très charmante : un nez en patate mais des yeux de toute beauté, et quand ses cheveux volent, oulala !), du chat & de Mona enfant.
Chose sympathique, si vous allez voir ce film, vous pouvez vous amuser à essayer de trouver dans le film le plan ou apparaît… un (sacré) clin d’œil à Loulou & Autres Loups : c’est discret bien sur, mais toujours rigolo ce genre d’initiative (un peu comme dans Pompoko, en fait)
Conclusion : ça a l’air d’un film pour enfant, ça a la musique d’un film pour enfant, ça a le dessin d’un film pour enfant, mais l’efficacité redoutable de l’humour, du jeu d’acteur & le traitement intelligent des sentiments de chacun en font définitivement un film pour adulte (ou ado, si on n’est pas trop wesh wesh), que je conseille au plus grand nombre ! La preuve, le gars de 50 ans qui était à coté de moi était mort de rire tout le long (il était sans gamin, NDLR)… Un conte pour grand, en quelque sorte.
De la part d’un film français, moi je dis…
… Bravo.