Ah effectivement, vu ces horaires cela ne m'étonne pas que je sois passée à côté à l'époque.
Citation (feanor curufinwe @ 07/04/2013 01:44)
Sinon, pour la série en elle-même, elle était plus fantastique que X-Files, moins scientifique, avec beaucoup d'allusions bibliques, surtout dans sa deuxième saison, qui nous livre un final apocalyptique, tandis que la première était très “Serial-Killer de la semaine” !
En fait, la science dans X-Files est un leurre. Chris Carter dit, dans l'une de ses interview, avoir été un grand fan de Kolchak : The Night Stalker (en Français, Dossiers brûlants), une série purement fantastique où chaque épisode était l'occasion de se pencher sur un nouveau monstre. Le problème pour Carter était que, s'il voulait faire une série du même genre, l'aspect “monstre de la semaine” allait vite faire tourner sa propre histoire en rond. Pour donner une crédibilité aux enquêtes il a donc choisi des personnages parfaitement légitimes dans cette fonction avec le FBI, et pour atténuer l'aspect fantastique a proposé un point de vue contraire et scientifique par le biais de Scully.
Cependant, quand on y regarde, on voit vite que la science de Scully lève certains mystères et fait avancer le schmilblick, mais elle trouve toujours sa limite et s'avère insuffisante. Elle est un garde-fou aux théories de Mulder pour l'empêcher de partir dans tous les sens, mais elle est aussi et surtout, tout comme la couverture FBI, un prétexte pour rendre l'histoire fantastique plus crédible et mieux constater finalement que “la vérité est ailleurs”. Je comparerais ça au “pacte du narrateur” dans les nouvelles fantastiques, où le narrateur certifie sa bonne foi et vouloir raconter les événements incroyables qu'il a vécu avec précision, sincérité et totale authenticité. Devant toutes ces garanties, l'inexplicable n'est que plus saisissant, déroutant et inquiétant.
Je trouve amusant d'ailleurs de comparer la démarche scientifique de Scully à celle de Walter dans Fringe. Scully rejette en bloc l'inexplicable et part de tout ce qu'elle connaît déjà pour trouver une explication rationnelle et possible. Walter, lui, est enthousiasmé par l'inexplicable car il veut le comprendre avec des expériences nouvelles. Au final, quand Scully se heurte au fantastique et doit avouer qu'il existe des choses qui la dépassent, Walter lui fait la démarche inverse et trouve explication ultra scientifique et complexe, il arrive même à gérer ou enrayer les phénomènes. Qu'est-ce qu'il en résulte ? Ma foi deux séries fantastique/SF au ton complètement différent : d'un côté le climat incertain, troublé, nerveux et obscur de X-Files ; de l'autre un monde au contraire très blanc, aseptisé et froid façon “blouse blanche”, où les menaces sont grandes mais où rien n'est incompréhensible.
J'adore ces deux séries donc je ne jugerai pas de la valeur de telle ou telle démarche. Cependant je regrette un peu que l'approche fantastique basée sur l'étrange ait été délaissée par beaucoup de productions récentes. Aujourd'hui, quelle équipe d'enquête n'a pas ses scientifiques ou spécialistes en tous genres, qui expliquent tout et n'importe quoi par de la science ou de la pseudo-science ? Expliquer est sécurisant, mais du côté spectateur on perd pas mal dans les champs possibles d'imagination.
A côté de ça, ce que je trouve génial dans X-Files c'est que même si le fantastique est indéniable, la construction des personnages est telle qu'on peut aussi voir dans la série entière la simple projection d'un délire psychologique. Ainsi, la personnalité de Mulder correspond parfaitement à l'archétype même du paranoïaque. Tout y est depuis le traumatisme d'enfant, le sentiment permanent d'insécurité, les sautes d'humeur, la difficulté à se plier à une hiérarchie, etc etc… Finalement, et si toute cette histoire n'était que le fruit de l'imagination d'un type enfoncé dans son propre monde délirant, dans ses propres démons et blessures non-soignées ?
De son côté, la proprette Scully semble, en le suivant, se désintégrer au fur et à mesure des saisons. Elle perd des proches, elle perd sa vie sociale, elle plonge aussi dans le côté obscur et se retrouve à nager au cœur du complot, une croisade qui à la base n'était pas la sienne. Est-ce qu'elle est en train d'apprendre la vérité, d'être sur un chemin certes difficile mais permettant de sortir de la caverne où nous sommes tous enfermés, ou est-ce qu'elle ne fait que s'enfoncer davantage ?
La façon dont elle devient “a believer” dans la saison 8 est assez remarquable. L'intrigue toute entière se recentre sur la recherche de Mulder, et sur sa grossesse. En fait, ces épisodes cristallisent vraiment toutes les angoisses que peut éprouver une femme enceinte : peur d'être seule, peur de perdre le bébé, qu'on le lui prenne, qu'il ne soit pas normal, peur de ne pouvoir l'assumer… Son passage de sceptique à croyante s'effectue dans ce climat qui la met à mal. On peut alors se demander : est-elle devenue définitivement “croyante” parce que, comme Mulder avant elle, toutes ces épreuves l'ont faite sombrer dans la plus parfaite paranoïa ? Ou a-t-elle au contraire un courage hors du commun à se débattre ainsi à contre-courant, contre une vérité obscure et des manipulations qui la dépassent ?
En fait, d'un point de vue prosaïque et non-croyant, on pourrait résumer les deux personnages très simplement : “c'est un fou souffrant de la perte de sa sœur qui croit que le monde entier et même intergalactique lui en veut” et “c'est une femme qui suit un fou et fout sa vie en l'air”.
En bref, on peut toujours choisir, au sein même des épisodes et sur la série entière, son propre point de vue sur les différentes questions soulevées, que ce soit sur les enquêtes ou sur les personnages. Je trouve qu'intégrer aussi naturellement tous ces aspects psychologiques est vraiment brillant, de même que la possibilité constante de faire travailler sa propre imagination. Vraiment, Chris Carter a réussit pour moi une parfaite synthèse des genres, un équilibre superbe et diablement efficace !
