Sophisme: n.m. désigne un raisonnement qui n’est logique qu’en apparence.
UN EXTRAIT DE L’ARTICLE PARU DANS LE N° 78 D’ANIMELAND, AU SUJET DU COMPTE-RENDU DU FORUM DES IMAGES :
“Le festival avait comme but de s’ouvrir au grand public et de faire découvrir les richesses inconnues de la japanimation. Mais un programme aussi alléchant n’aurait su ne pas attirer les animefans (…) “le public a été très réactif et organisé, mais cela décourage les néophytes, le public familial à qui ce festival s’adresse. Nous avons eu affaire à un public prisonnier de l’actualité et de la mode, qui n’a pas d’échelle de valeurs et de priorité…”.
(…) Cependant, le festival, qui cherchait essentiellement à toucher le grand public pour lui faire découvrir l’animation japonaise, a vu son but échouer devant la masse d’animefans qui se sont rués afin de pouvoir visionner des longs-métrages avant les autres, mais sans esprit de curiosité (…) la seule chose qui pourrait améliorer ce festival serait un changement d’esprit de la part des animefans, qui devraient accepter de se “sacrifier” pour le grand public (…) Ce sont des adolescents que nous avons vu cette année, tour à tour enfantins et responsables, incontrôlables et sérieux. Espérons qu’ils auront mûri d’ici 2003″
1) Est-ce que ce genre de personnes existe vraiment ? Je parle du vautour animefan qui se jette sur tout ce qui est disponible sans même réfléchir à ce qu’il va regarder…
Est -ce que “la masse d’animefans qui se sont rués afin de pouvoir visionner des longs-métrages avant les autres, mais sans esprit de curiosité” n’est pas le fruit d’une imagination trop débordante, voire d’une exposition prolongée aux rayons gamma ?
Ou alors n’est-ce pas le cas d’une minorité ?
Car si l’on se fie à son bon sens, la lourde épreuve des sept heures de queue ne peut puiser sa source que dans une envie, si infime soit-elle, de découvrir ou de revisiter une oeuvre; d’où la curiosité est forcément présente quelque part.
C’est bien beau de théoriser, de philosopher à outrance et de psychanalyser le spectateur moyen, mais est-ce que l’auteur de cet article a vraiment une vision objective et globale de ce que recherchait ce public “enthousiaste” au point d’endurer près de 7 heures de queue ?
Je suis également étonné d’apprendre de manière presque insolite autant qu’insolente qu’ animefan rime forcément avec “incollable et ayant tout vu”. A la lecture de l’article, on croirait que tout animefan qui se respecte a littéralement spolié un néophyte en s’octroyant le droit d’assister à une projection illégitime… presque illégale pour lui.
Pour ma part, je suis animefan (au sens de fan d’animés, et non de dieu-vivant de la japanimation) mais cette passion n’est que relativement tardive (d’avril 2001 pour être précis); d’où il m’a paru raisonnable et profitable de rattraper mon retard en visionnant des merveilles, qui plus est sur grand écran, sachant que je n’aurai plus l’occasion de revoir bon nombre d’entre elles.
Ainsi, j’ai “frauduleusement” assisté aux projections de Porco Rosso (dispo en France, mais je ne l’avais jamais vu), Nausicaa, Perfect Blue (même cas), Kiki, Laputa, Totoro (même cas), Si tu tends l’oreille.
Alors jetez-moi au mitard si c’est censé en décharger certains de leur mauvaise consience et en conforter d’autres dans leurs théories simplistes, mais j’estime avoir autant le droit que le néophyte de découvrir une oeuvre qui est a fortiori un chef d’oeuvre.
Il est regrettable d’assister à une répartition rigide entre animefan et néophyte, qui ne laisse aucune place au passionné qui a un ou plusieurs trains de retard.
Alors, où est la limite entre néophyte et animefan ?
2) Deuxième point: concernant le “public prisonnier de l’actualité et de la mode, qui n’a pas d’échelle de valeurs et de priorité”.
Faut-il entendre par là que le spectateur, le consommateur de base, ne bénéficie pas du droit de tenir compte de l’avis des autres, de la tendance actuelle, et qu’il ne doit par conséquent se fier qu’à son intuition ? Désolé, je n’ai pas la chance de me trouver gratifié d’un quelconque don d’ubiquité, qui me permettrait d’être au courant de tout, d’avoir l’opportunité de choisir, sans l’intermédiaire d’aucun medium d’information.
D’autre part, il me semble que le néophyte, ainsi que le public familial susvisés, ne sauraient avoir l’idée de prendre le temps de découvrir le vaste monde de l’animation japonaise sans une quelconque intervention extérieure. Un ami, un article dans un journal, auront probablement suscitté une envie chez cet individu, mais il me semble bien utopique d’imaginer une armée de badauds totalement déconnectés de l’animation se jeter comme par magie dans le grand bain, et se dire d’un seul coup d’un seul “tiens, je vais prendre un billet”. Tout néophyte qui se respecte serait forcément venu accompagné d’un ou plusieurs animefans… ça coule de source…
Combien sommes nous chaque jour à déambuler dans les rues, ignorant généreusement les tonnes d’affiches, de tracts décorant nos jolies petites ruelles, et ayant trait à divers spectacles, expositions, et autres débats culturels dont nous nous fichons eperdumment, faute de déclic d’interêt en la matière ? Soyons réalistes: le déclic ne peut survenir sans un minimum d’interêt…
Personnellement, j’ai pas mal réfléchi aux projections auxquelles j’allais accorder de l’attention, je ne suis pas arrivé au comptoir hanté par la simple directive “donnez-moi tout ce qui vous reste, ceci est un hold-up”.
Enfin, je trouve que cette remarque sur le “public prisonnier de l’actualité et de la mode” va à contre-courant de l’autre critique (agaçante à force) selon laquelle le public a boudé des projections interessantes (telles princesse Arete, Chie la petite peste, ou la séance carte blanche d’Otsuka).
Car là, c’était bel et bien le devoir des indics (sous entendez: Animeland) de renseigner leurs lecteurs, pas forcément “aware” de tout ce qui a été réalisé au pays du soleil levant, sur les événements à ne pas manquer.
Nous avons donc ici un parfait exemple d’un public ignorant de l’actualité, non-prisonnier de l’actualité; mais là encore les journalistes trouvent matière à critiquer et ne sont jamais satisfaits.
Croyez-vous vraiment qu’il existe sur cette terre une audience qui sache faire fi de l’actualité et de la mode, tout en assistant copieusement aux événements soi-disant immanquables ?
3) Quant à l’absence du sens de la priorité manifesté par le public, en favorisant “Chihiro”, “Metropolis”, “Avalon”, dont les sorties sont “imminentes”, au détriment d’autres projections qui se sont faites plus discrétes, mais qui valaient leur pesant d’or, on peut aujourd’hui se demander si la critique est toujours d’actualité; non seulement au vu des dates de sortie inlassablement repoussées, mais surtout lorsqu’on considère que le festival a ouvert ses portes du 15 au 23 décembre, qui représente pour beaucoup de jeunes une période assez mouvementée de leur scolarité ou de leur cursus universitaire, qu’ils vont par conséquent favoriser les projections plus “médiatisées” que celles dont ils n’ont que peu entendu parler.
4) L’auteur de l’article attend “un changement d’esprit de la part des animefans, qui devraient accepter de se “sacrifier” pour le grand public”.
S’il s’agit de “déjà vu”, je dis oui. Mais s’il s’agit pour ces animefans de découvrir une oeuvre inédite, qu’ils ont raté en format grand écran, ou dont la disponibilité en France n’est apparemment pas prévue, je ne vois pas en quoi ils devraient se priver.
A ce propos, s’il s’agit de se sacrifier unanimement, pour obtenir au final des salles totalement désertées, faute de demande suffisante, je ne vois pas l’interêt.
“Ce sont des adolescents que nous avons vu cette année, tour à tour enfantins et responsables, incontrôlables et sérieux. Espérons qu’ils auront mûri d’ici 2003”.
Je me contenterai de répondre : Espérons que d’ici 2003, les auteurs de compte-rendus se montreront plus objectifs, plus réalistes, et surtout plus indulgents envers un public qui ne mérite pas d’être catalogué aussi abruptement, oui espérons que ces grands enfants de journalistes auront mûri d’ici 2003.
Cependant, je ne nie pas que les “grands consommateurs de billets pour une même séance” (ceux qui ont dévalisé les guichets aux premières minutes d’ouverture) méritent une balle d’uranium enrichi placée dans la colonne vertébrale.