La revue Cités, éditée par les PUF, dans son tout dernier numéro 27, se penche sur le Japon d’aujourd’hui.
Ce qui nous intéresse ( enfin moi en tout cas ^^° ) en particulier, ce sont la dizaine de pages rédigées par Jean-Marie Bouissou qui s’interroge sur les raisons du succès des mangas dans l’hexagone. Il s’agit des conclusions tirées d’une enquête réalisée auprès de 161 internautes âgés de 16 à 31 ans ( 60p100 d’étudiants environ, 24p100 d’actifs, le reste étant composés de lycéens et de collégiens ; rapport filles/garçons 50-50 ). Cette enquête prend le contre-pied exact de celle réalisée par M6 et mérite le coup d’oeil, car beaucoup de choses relevées me semblent justes.
Pour résumer, malgré les limites de l’échantillonage ( surtout parce que l’enquête s’est réalisée par le biais d’Internet ), il y a vraiment des enseignements à tirer :
– l’article commence avec les raisons économiques, marketeuses et éditoriales qui expliquent le succès du manga chez nous. Là dessus, pas grand chose à dire ( mais tout de même, quelques chiffres impressionnants ! Le manga représente un marché 15 fois plus important au Japon par rapport au marché des comics aux USA ! ).
– Ensuite, l’auteur nous donne les sempiternelles explications psychanalytiques qui seraient la clef de compréhension d’un tel engouement auprès des jeunes. Toujours les mêmes concepts passe-partout : identification du lecteur, besoin d’évasion, volonté de puissance, bla-bla-bla… Là où je ne le suis plus du tout, c’est qu’en tant que chercheur il a un peu trop tendance à surinterprêter les intentions des auteurs : NON, Mr. Bouissou, la fin d’Akira n’est pas volontairement ouverte pour caresser dans le sens du poil le lecteur. Le problème qui se présente pour TOUT auteur quand il ne peut gérer comme il l’entend le développement de son propre récit, c’est que plus les pages s’alignent, plus il sera difficile de conclure l’histoire de façon satisfaisante. A la base, les auteurs ont un scénario qui dans leur tête ne dépasse pas les 1000 pages, mais le succès fait qu’ils doivent concéder à leur éditeurs et fans souvent des sagas de plus de 15 tomes et improviser ainsi de nouvelles pistes dans un scénario qui était déjà tout tracé. Résultat ? des fins bâclées les 3/4 du temps ( surtout au niveau des shonen ), qui arrivent un peu comme un cheveu sur la soupe. Parvenir à poser un point final à une longue histoire sans être totalement maître du scénario relève du génie. M’enfin je ne vous en veux pas pour si peu, Mr.B. ^^
– JM Bouissou note qu’à la grande différence du milieu des fans de BD, le “milieu” du manga est plus socialisant, plus facteur de sociabilité. Merci Mr.Bouissou ! Puisse votre article être lu par tous les journalistes du pays.
– Autre point remarquable de cette enquête : le manga a acquis sa respectabilité auprès d'”institutions” telles que Télérama, Technic’art ou encore le Figaro Madame ( si, si, il le dit. ^^ ). Mais en revanche, les auteurs reconnus par ceux-ci, ne sont pas ceux plébiscités par les sondés : petit classement des enquêtés : 1/ Nana, 2/ 20th century boys, 3/ GTO et viennent ensuite Dragon Ball, One piece, Naruto, Fruit basket, Monster, et je ne sais plus quoi. Comme le précise JM Bouissou, il ne s’agit pas du tout d’une différence d’appréciation de la qualité des oeuvres due à une différence de niveau culturel ( pour rappel, ces titres sont majoritairement salués par des étudiants au bagage plus que correct ), mais tout simplement que ces oeuvres ont la préférence des lecteurs de manga. D’où un décalage entre amateurs de manga et critiques plus généralistes.
– Les amateurs de mangas qui travaillent reconnaissent qu’ils ne révèlent pas spontanément leur passion pour ce médium à leur “collègues” : ceux-ci déclarent avoir déjà fait les frais de mépris, de moquerie, d’incompréhension, parfois d’hostilité.
Voilà, en gros, résumé cet article très intéressant. Je vous invite à le lire car j’ai oublié des passages. Le reste de la revue se penche sur des sujets plus en rapport avec l’actualité de l’archipel : Le jeu dangereux du nationalisme : les Japonais à l’épreuve de leur rivalité avec la Chine (K. Takashi) ; Le pacifisme de la Constitution japonaise est-il un simple optimisme ou une lumière au XXIe siècle ? (H. Nakamura) ; Comment la société japonaise se relève après la crise (G. Campagnolo)…
Saluons cette initiative et espérons qu’elle donnera lieu à d’autres études du même acabit.
Trouvez-vous cette enquête juste ?
Avez-vous d’autres explications à apporter pour expliquer votre attrait aux mangas ?
Edit : y en a-t-il parmi vous qui ont participé à cette enquête ?
Edité par bub le 14-10-2006 à 20:30