Ferdinand au cinéma – entretien avec le réalisateur, Carlos Saldanha

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Entretien avec Carlos Saldanha

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Fidèle à l’intrigue du célèbre livre, votre adaptation de Ferdinand est différente du court métrage de Disney de 1938, lauréat d’un Oscar. Était-ce intentionnel de votre part de s’en éloigner, et dans quelles circonstances avez-vous découvert le livre ?

Le film est principalement basé sur le livre. J’ai grandi avec le court, au Brésil. Le livre n’était pas très connu là-bas mais le court passait beaucoup à la TV. C’était toujours fun de le regarder. Ce qui m’avait marqué, c’était le taureau qui voulait sentir les fleurs. Quand j’ai lu le livre, j’ai trouvé qu’il y avait des messages plus forts et plus puissants que ça. Je voulais vraiment que le film transmette ce message de « ne pas juger le livre par sa couverture », ce qui importe est ce qu’il y a à l’intérieur. Juste parce que c’est un taureau imposant ne veut pas dire qu’il veut se battre, c’est réellement quelqu’un de doux.
Je suis tombé sur le livre quand j’ai déménagé aux États-Unis parce que le livre est très célèbre là-bas, même s’il a été écrit en 1936. Les gens le lisent encore aujourd’hui. Vous le lisez à vos enfants, alors que vos parents vous l’ont lu et qu’eux même ont écouté l’histoire par vos grands-parents. Le livre franchit toutes les générations, et je pense que c’est ce qui fait la puissance du livre : même s’il est court, le message est fort.

Comme dans Rio, on trouve un message sur la condition animale, notamment lors de la scène de l’abattoir et de la corrida finale. En quoi ce sujet vous tient-il à cœur, et craignez-vous la réaction du public espagnol attaché à cette culture de la corrida ?

Je savais que l’histoire serait controversée à cause de la situation de la tauromachie et cette idée de « l’animal contre les hommes ». Mon objectif principal a été d’essayer de relater le parcours de ce taureau comme il l’était dans le livre, d’essayer de prêter particulièrement attention à ce que le personnage ressent, et ce qu’est le véritable message : la non-violence, la tolérance, et rester fidèle à qui vous êtes. Mais bien sûr, je devais mettre les personnages dans un environnement qui est connu pour beaucoup de gens et qui est controversé à plusieurs niveaux. C’est la raison pour laquelle je l’ai fait avec le point de vue de Ferdinand. Je pense que si les gens regardent le film, ils verront qu’il y a une noblesse, une tradition et un respect à la fin – un respect mutuel entre les protagonistes – même s’il n’y a pas de méchant. Le torero est la force antagoniste poussée contre Ferdinand. C’est comme ça que j’ai décidé de voir les choses. Je ne fais pas de déclaration contre ou en faveur de quoi que ce soit.

Le film promeut également le refus du déterminisme, un autre thème qui vous tient à cœur afin d’encourager les plus jeunes à ne pas se laisser dicter leur destin ?

Je pense que l’une des choses les plus puissantes du livre (et l’une des interprétations possibles) est le fait que vous pouvez défendre ce que vous pensez être, mais nous n’avez pas besoin de le faire par la violence. Au lieu d’essayer de se battre contre tout le monde, Ferdinand écoute et comprend les autres, il embrasse leurs différences. C’est peut-être le seul combat qui vaut la peine d’être poursuivi – celui pour être fidèle à soi-même –mais sans violence. C’est très important car nous vivons dans un monde qui donne l’impression que combattre est le but à atteindre, au lieu de s’asseoir, de parler et d’accepter les autres. Le harcèlement et la brutalité forcent aussi les gens à être ce qu’ils ne veulent pas être.

L’Âge de Glace et Rio ont connu plusieurs suites. Peut-on imaginer une suite à Ferdinand qui développerait un scénario original ?

Certains films, après les avoir faits, on peut déjà les voir continuer. C’est ce qui s’est passé avec L’Âge de Glace. Quand on a eu terminé le premier film, on s’est dit « Aller, on doit continuer à raconter plus d’histoire comme celle-ci », « On veut savoir ce qui est arrivé à cet écureuil » etc. Avec Rio, c’était la même chose. Une fois Blu et Perla ensemble, c’était marrant d’imaginer ce qu’il se passerait ensuite. Mais pour Ferdinand, c’est l’histoire d’un seul livre. Le livre n’a jamais eu de suite, donc je n’ai jamais pensé que l’histoire nécessitait une suite. En elle-même, l’histoire est puissante et le résultat est satisfaisant ; savoir que le personnage a trouvé son chemin. C’est le voyage de sa vie et je ne sais pas si je peux faire plus que ça. Pour l’instant, je ne vois pas une suite se profiler.

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En 2013, vous avez créé BottleCap Productions pour la Fox, afin de mener des projets en live action. Cela signifie-t-il que vous vous éloignez de l’animation ?

L’animation fera toujours partie de moi : c’est là que j’ai commencé, c’est ce que j’ai toujours aimé, je la porte dans mon cœur. J’ai tellement appris avec l’animation… mais je suis toujours à la recherche de défis. La raison pour laquelle j’ai décidé de m’aventurer dans des productions différentes vient justement de cette envie de défis, et je veux pouvoir utiliser mes connaissances en animation pour les appliquer à d’autres projets en live action, travailler avec des acteurs, peut-être même tourner un film ou réaliser un film hybride comme Le Livre de la jungle dans lequel il y a un acteur principal mais les autres personnages sont animés.

J’ai cru comprendre que votre film préféré était Dumbo. Est-ce grâce à Dumbo que vous en êtes venus à l’animation ? On retrouve dans Ferdinand ce côté animal martyrisé. Un hommage déguisé peut-être ?

J’aime beaucoup les classiques comme Bambi, Dumbo... Ces films ont des personnages très puissants et beaucoup d’émotions. Ils n’ont pas peur de raconter des situations difficiles, et font que les gens vivent vraiment l’expérience avec amusement, tristesse, etc. Je voulais que mes films portent un peu de cette émotion, et ça m’inspire depuis toujours. Dans Ferdinand je voulais revenir à ces classiques, sentir que ce film pourrait vivre à travers de nombreuses générations, et comme dans le livre, être porteur d’un message que les gens veulent voir encore et encore.

Interview réalisée par Gersende Bollut à l’occasion de la venue du réalisateur à Paris pour la promotion du film Ferdinand, en salles le 20 décembre.

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A propos de l'auteur

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Lectrice de mangas, sérivore et amateure de romans fantasy/S.F.