Pionnière de l’animation, Reiko Okuyama a su s’imposer dans un milieu essentiellement dominé par les hommes. Revenons sur son parcours hors du commun, au cœur du centième drama matinal de NHK débuté ce 1er avril.
Son enfance, elle l’a majoritairement passée confinée au lit, en raison d’une santé fragile. Pour tuer le temps, Reiko Okuyama griffonne alors sans relâche, et développe peu à peu un talent certain pour le dessin. Mais, dans un pays à l’agonie après sa défaite dans la deuxième guerre mondiale, dessinatrice n’est pas une voie professionnelle fiable, selon son père, qui lui impose d’entrer à l’université de Miyagi. Un an plus tard, la jeune fille se rebelle et descend à Tokyo où elle accumule les petits boulots, avant de postuler chez Toei Dôga (future Toei Animation) qu’elle pense être une société d’édition pour enfants ! A défaut d’illustrer des livres, elle se retrouve embarquée en 1957 comme intervalliste dans la production du premier long métrage en couleurs de l’histoire de l’animation japonaise, Le serpent blanc. Elle a alors tout juste 20 ans.
Durant vingt ans, Reiko Okuyama se démarque chez Toei par son talent, qui lui permet d’obtenir le poste de directrice de l’animation… malgré de nombreuses embûches ! Le sexisme prégnant chez Toei dans les années 60 contraignait la majorité des employées à se cantonner à la colorisation des cellulos, rien de plus. Les dirigeants sont d’autant plus enclins à freiner la carrière de l’animatrice versatile (elle s’adapte aussi bien au style anguleux de Wanpaku ōji no orochi taiji qu’aux rondeurs du Chat botté !) que la jeune femme est une « affreuse gauchiste » ! Tout comme Hayao Miyazaki et Isao Takahata, elle fait partie des plus féroces grévistes réunis autour de son mari depuis 1963, Yoichi Kotabe.
Elle claquera comme eux la porte du studio pour devenir freelance, et travailler sur les premières séries des World Masterpiece Theater de Nippon Animation. Mais surtout, dès 1985, elle devient enseignante en animation à la faculté de design de Tokyo, une revanche sur les études qu’elle n’avait pas pu suivre elle-même, plus jeune. Ce sera l’occasion pour elle de prévenir ses étudiantes sur les difficultés et les obstacles que doivent affronter les femmes dans ce domaine – en 2018, encore, une animatrice a témoigné anonymement comment Toei a refusé de lui confier un poste de réalisatrice en raison de son sexe. Les dramas matinaux de NHK, ou asadora, sont réputés pour s’inspirer des biographies de femmes exceptionnelles : leur centième itération, Natsuzora, revient donc sur le parcours sans pareil de l’animatrice. Décédée en 2007, Reiko Okuyama ne pourra hélas pas profiter de l’honneur posthume de se voir incarnée par la comédienne adulée par tout le pays, la jeune Suzu Hirose !
Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire.