Sept ans après son décès, Keiji Nakazawa est nominé pour le prestigieux Eisner Hall of Fame. Une consécration naturelle pour son manga témoignage, Gen d’Hiroshima.
Keiji Nakazawa a six ans quand la bombe atomique est larguée sur sa ville natale de Hiroshima, le 6 août 1945. Une moitié de sa famille (son père, sa sœur aînée et son petit frère) perd la vie dans l’explosion, laissant le garçonnet avec ses deux frères et leur mère enceinte. Si le nourrisson décède de malnutrition, elle parvient néanmoins à faire grandir ses enfants dans la période trouble de l’après-guerre. Parmi les rares divertissements proposés à cette époque, Keiji Nakazawa s’évade dans la lecture. En 1947, la découverte de La nouvelle île au trésor d’Osamu Tezuka est une révélation : il sera mangaka ! Après des années à créer des lettrages publicitaires, il part tenter sa chance à Tokyo en 1961, à 22 ans.
Si l’essor de l’industrie du manga dans les années 60 lui permet de vivoter grâce à des séries commerciales, Keiji Nakazawa ne parvient pas à percer dans le milieu du shônen. En 1966, aux obsèques de sa mère, c’est le choc : après la crémation, il ne reste rien de ses os irradiés ! Le mangaka entame alors, en parallèle de sa carrière mainstream, un second chemin en phase avec le gekiga où il témoigne de l’horreur atomique dans des intrigues hard boiled. Il persévère dans cette voie au début des années 70, bien qu’il atteigne enfin le succès en étant publié dans le Shônen Jump à partir de 1969. Quand, pour un numéro spécial de 1972, chaque auteur reçoit la commande d’une œuvre autobiographie, Nakazawa relie enfin les deux voies en publiant Ore wo mita (Je l’ai vu), témoignage sur le bombardement.
Suite aux retours enthousiastes, le rédacteur en chef commande alors une série mais change de postes quelques mois plus tard. Shueisha prie alors le mangaka de chercher un autre éditeur pour traiter des conséquences de la bombe atomique. C’est finalement Gôbunsha qui éditera Gen d’Hiroshima en 1974, témoignage à hauteur d’enfant sur le jour de l’explosion, mais surtout ceux qui ont suivi. Le chef d’œuvre à échelle mondiale convainc Keiji Nakazawa d’abandonner définitivement le shônen pour se consacrer à des œuvres antimilitaristes et anti-nucléaires. Il sera d’ailleurs l’un des premiers à s’exprimer sur la catastrophe de Fukushima en mars 2011. Le dernier coup de gueule d’un artiste sans concession, avant son décès le 19 décembre 2012 d’un cancer du poumon.
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