Il aura fallu une pandémie sans précédent pour interrompre ce monstre de travail. Après une brève pause, Takao Saitô vient de reprendre la publication de Golgo 13, série lancée… il y a 52 ans !
Dans l’Osaka d’après-guerre, le petit Takao Saitô est une vraie terreur des rues. Quand il n’est pas occupé à se castagner avec les autres gamins de son âge (il est né en 1936), le préado squatte les cinémas de quartier, loisir en pleine expansion, allant jusqu’à y passer des journées entières où il enchaîne sept séances d’affilée ! Quand il ne fait pas parler ses poings, Saitô se sert de ses mains pour dessiner, possédant déjà un don qui le distingue de ses camarades. Plutôt qu’une carrière de boxeur, il se tourne donc à 18 ans vers son autre passion, en réalisant des affiches pour les cinémas locaux. En parallèle, il publie son premier manga, Kuki Danshaku, et adhère à un nouveau mouvement artistique initié par Yoshihiro Tatsumi, le gekiga.
Durant les années 50, le marché du manga était essentiellement soutenu par les librairies de location. Pour mieux l’inonder, Saitô fonde avec son grand frère Saitô Prod, qui réunit rapidement une vingtaine d’employés. Sur le modèle d’une production cinématographique, chacun a un rôle bien à part (trames, décors…) crédité à la manière d’un générique de fin dans la revue Gorilla (le surnom de Takao depuis qu’il a vu King Kong) qu’ils lancent en 1962. Le studio a beau inonder le marché grâce à cette méthode tayloriste, les librairies de location vivent leurs derniers jours durant les années 60, et Takao Saitô s’adapte aux nouvelles mœurs économiques en signant à la fin de l’année 1968 pour le Big Comic de Shogakukan les aventures d’un tueur à gage, Golgo 13.
Le mercenaire mutique devient rapidement une icône populaire… toujours d’actualité. Approchant les 200 tomes (deux compilations sont disponibles chez Glénat), la série n’aura jamais connu de pause durant plus d’un demi-siècle, jusqu’à ce mois de juin 2020 : les contraintes sanitaires dues au coronavirus n’ont pas permis au dessinateur de se réunir avec ses assistants ! Mythe du gekiga adapté en dessin animé (OAV en 1998, série TV en 2008) et en films live, Golgo 13 occulte pour beaucoup le reste de la production de Takao Saitô. Citons ainsi Barom-1, titre de science-fiction rappelant les œuvres de son ami Shotaro Ishinomori, ou Survivant, qui voit un jeune Tokyoïte s’efforcer de ne pas mourir dans une nature hostile suite au séisme qui a ravagé l’archipel (une version modernisée est publiée chez Vega Editions). Récompensé et décoré à de nombreuses reprises pour ces œuvres fondatrices du manga, Takao Saitô continue, vaille que vaille, de développer le gekiga contemporain, à 83 ans !
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