Cette semaine, l’Étrange Festival nous fait découvrir le premier film américain de Sono Sion. Pour l’occasion, AnimeLand revient sur la carrière du trublion du cinéma nippon.
Ne supportant plus la sévérité de ses parents, Sono Sion fugue en 1978, à 17 ans, de sa maison dans la préfecture d’Aichi, pour être recueilli par une secte. Passée cette expérience, il commence sa carrière artistique en tant que poète, un domaine créatif qui lui colle à la peau avec son collectif Tokyo GAGAGA : chaque année, ses membres défilent dans les rues de Tokyo en clamant leurs poèmes sur le mal-être nippon. C’est en 1990 que s’effectue la bascule : après avoir réalisé un premier film en 16mm, Sono Sion s’enfuit à San Francisco. Plutôt que suivre les cours de l’université de Berkeley, où il a été admis, il passe son temps dans les cinémas de la ville pour regarder des films de série B et des pornos.
De retour au Japon, il met cette culture cinématographique au service de ses premières œuvres, oscillant entre horreur (The Room, 1992) et érotisme (Teachers of sexual play, 2000). Mais c’est avec Suicide Club qu’il perce réellement, grâce à sa séquence d’introduction devenue culte où une ribambelle de lycéennes se jette sous les rails d’un métro – il sera adapté en manga par rien moins qu’Usamara Furuya ! Il persiste et signe avec sa suite/prequel Noriko’s Table en 2005, puis par l’épique Love Exposure en 2008, fresque de quatre heures inspirée par ses mésaventures de fugueur. Tout comme Takashi Miike, son cinéma borderline dérange aussi bien par les thématiques abordées que par leur aspect visuel… et surtout, Sono Sion enchaîne les tournages à un rythme stakhanoviste, avec un minimum de deux films par an, entre projets originaux (Cold Fish, 2010 ; Guilty of Romance, 2011) et adaptations de manga – citons ainsi Himizu tiré du manga de Minoru Furuya (2011) ou Tokyo Tribe, improbable comédie musicale hip-hop adaptant la guerre de gangs du manga de Santa Inoue.
2015 cristallise au mieux la méthode Sono Sion avec cinq longs métrages passant du tokusatsu (Love & Peace) à l’horreur (Tag) ou à la science-fiction (The Whispering Stars) sans oublier les adaptations de manga (Shinjuku Swan, The Virgin Psychics). Désormais reconnu, le réalisateur explore le cinéma de genre qui l’a rendu célèbre, comme avec Antiporno (2017) qui analyse sous un angle féministe la sexualité dans les productions érotiques. Cette approche trouve son paroxysme en 2020 avec Red Post on Escher Street, déclaration d’amour au neuvième art. À 60 ans, Sono Sion entame un nouveau cycle avec son dernier projet en date, Prisoners of the Ghostland, tourné aux USA avec Nicolas Cage en tête d’affiche ! Prévu pour être diffusé en VOD, ce film à l’ambiance de western apocalyptique sera proposé en exclusivité sur grand écran à l’Étrange Festival. Pour peu que le succès soit au rendez-vous, Sono Sion pourrait insuffler son esprit provocateur dans un Hollywood policé !
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