Personnalité de la semaine : Eiichi Yamamoto

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Malgré tout ce qu’il a apporté à l’animation japonaise, Eiichi Yamamoto était un homme réservé. À tel point que c’est seulement deux semaines après ses obsèques que son décès a été rendu public.

Présente jusqu’après sa disparition, la discrétion d’Eiichi Yamamoto nous prive également de sa date de naissance, les sources divergeant entre 1932 et 1940 (au vu de sa carrière, la première option est la plus probable). En revanche, ce qui est certain, c’est que, suite à la mobilisation de son père durant la seconde guerre mondiale, l’enfant est parti vivre en compagnie de sa mère à Shodoshima, où résidaient ses grands-parents maternels. Il y développe très tôt l’envie de travailler dans l’animation et, en 1958, il intègre le studio indépendant Otogi Productions. Fondée par le mangaka Ryuichi Yokoyama, célèbre pour son manga humoristique Fuku-chan qu’il dessinera sans interruption entre 1936 et 1971, la société produira le premier dessin animé récurrent de l’histoire de la télévision japonaise, l’éphéméride Instant History, diffusé en 1961 et 1962. Mais Eiichi Yamamoto a déjà quitté Otogi Productions à cette époque.

En effet, en 1960, le jeune homme apprend qu’Osamu Tezuka envisage à son tour de se lancer dans l’animation. Yamamoto plaque tout pour rencontrer le « dieu du manga », et devient à ses côtés l’un des fondateurs de Mushi Production en 1961. Il co-réalise la première œuvre du studio avec Yusaku Sakamoto, Histoires du coin de la rue, court-métrage expérimental de 38 minutes sans le moindre dialogue. Pilier de Mushi Production, il y réalisera des épisodes d’Astro le petit robot puis du Roi Léo, dont il dirigera également l’adaptation en long métrage. Il continuera son parcours sur grand écran avec ce qui deviendra « la trilogie Animerama » : Les 1001 nuits (1969), Cléopâtre (1970) et Belladonna (1971), trois films où psychédélisme et érotisme viennent soutenir des histoires destinées à un public adulte. Mushi Production sombrant dans la faillite qui causera sa fermeture deux ans plus tard, Belladonna est tourné avec un budget minimal, contraignant Yamamoto à faire preuve d’une inventivité qui rendra le film culte plusieurs décennies plus tard.

Suite à la banqueroute de Mushi Production, Yamamoto fait équipe avec l’ancien manager de Tezuka, Yoshinobu Nishizaki : il lui rédige des scripts, supervise les scénarios et crée le design pour la série de science-fiction Space Battleship Yamato, pierre angulaire de l’animation japonaise en 1974. Sa connaissance de l’univers de la saga est tel qu’il chapeautera les intrigues de divers opus (les longs métrages de 1977 et 1983), voire en assurera la réalisation (la troisième saison en 1980). Avec le réalisateur Toshio Masuda (Tora ! Tora ! Tora !) rencontré sur Yamato, Eiichi Yamamoto se lance dans la production d’une trilogie space opera en OAV, Odin. Hélas, le premier épisode, Photon Sailer Starlight est un tel four que les deux suivants sont aussitôt abandonnés. Après avoir contribué à la production d’Urostukidôji, Yamamoto délaisse l’industrie, d’autant plus que son livre, Gloire et déclin de Mushi Production, pavé dans la mare où il critique les méthodes de production désormais bien implantées, ne plaît pas à tout le monde ! Cette retraite anticipée explique peut-être que son nom soit désormais moins connu que les œuvres majeures auxquelles il a participé… C’est à l’occasion d’une projection de Belladonna le 25 septembre que l’équipe en charge du festival a annoncé en public son décès, survenu le 7 septembre… après que la fille de Yamamoto les en eut informés via un simple email.

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A propos de l'auteur

Matthieu Pinon