Sorti il y a vingt-cinq ans, le manga de Tsukasa Hojo est on ne peut plus d’actualité puisque F. Compo aborde avec humour et tolérance le thème de la transidentité.
Le destin semble s’acharner sur Masahiko Yanagiba. Après le décès de sa mère survenu alors qu’il n’était âgé que de six ans, le jeune homme, surnommé Giba, vient de perdre son père dans un accident de voiture. Néanmoins, une lueur d’espoir vient briller à travers ces tragédies quand une ravissante femme, ressemblant étrangement à sa mère, se présente comme Yukari Wakanae, épouse de son oncle, et lui propose de venir emménager dans sa famille. Grâce à ce nouveau foyer, Giba pourra finalement entrer à l’université ! Mais rapidement, il découvre l’insoupçonnable vérité : Yukari est en fait née Takehiko Wakanae mais, ne supportant pas d’être assignée homme, a choisi de vivre en tant que femme. De même son mari, le mangaka Sora Harukaze, est né femme mais préfère vivre comme un homme. Mais alors, qu’en est-il de leur enfant, Shion, la jolie cousine qui ne laisse pas Giba indifférent ?
Après deux succès phénoménaux, Cat’s Eye puis City Hunter, Tsukasa Hojo connaît sa première désillusion éditoriale avec Rash, série arrêtée au bout de deux volumes. Par conséquent, en 1996, le mangaka décide de s’émanciper du genre policier qui baignait ses titres précédents pour son nouveau projet, qui se focalisera sur les relations humaines, à l’image de ses histoires courtes publiées peu auparavant (Sous un rayon de soleil, La mélodie de Jenny). Conscient de la portée humoristique que peut avoir le thème du travestissement, à l’origine de nombreux gags dans Cat’s Eye et City Hunter, il en fait l’axe central de Family Compo, renommé F. Compo en France, mais l’aborde sous un angle plus sérieux… et surtout plus respectueux. En effet, le manga présente une famille aux mœurs marginales, en décalage avec les critères habituels de la société, mais qui s’épanouit ainsi en parfaite harmonie. Au contraire, quand Yukari et Sora s’efforcent d’apparaître publiquement en respectant les codes correspondant au genre qui leur a été assigné à la naissance, ils dépareillent dans le décor et s’attirent les moqueries !
À travers le personnage de Giba, le spectateur découvre donc avec surprise cette famille travestie, et voit peu à peu ses clichés sur la transidentité s’effriter pour finalement ne plus considérer qu’une seule question : ces personnes, qui l’accueillent sans a priori, sont-elles heureuses ? Et pourquoi les juger, alors qu’elles ne le jugent pas ? Disponible aux éditions Panini, le manga pousse la question plus loin à travers le personnage de Shion qui, selon les périodes de sa vie (maternelle, primaire, collège…), a choisi de vivre comme un garçon ou comme une fille, en fonction de son ressenti. Cette démarche d’ouverture envers les personnes trans est exceptionnelle dans un pays aussi conservateur que le Japon, encore quasi-homophobe quand sort le premier volume de F. Compo le 18 avril 1997 ! Précurseur, il est aujourd’hui d’une modernité inattendue tant il résonne avec les revendications des associations LGBT. Pour fêter son quart de siècle, une adaptation animée serait donc une idée judicieuse qui, à n’en pas douter, ravirait aussi bien la génération des quadras ayant découvert Tsukasa Hojo avec Cat’s Eye ou City Hunter que les vingtenaires gender-fluid.
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