Entretien avec Federica di Meo, dessinatrice de Somnia

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Malgré l’absence de Liza E. Anzen, c’est dans une ambiance chaleureuse et intimiste, isolée de l’effervescence de Japan Expo, que nous avons pu interroger Federica di Meo, dessinatrice italienne aux mille projets, sur son manga paru mi-juillet chez Panini, Somnia – Les faiseurs de rêves !

AnimeLand : Vous évoquiez dans une précédente interview votre mentor, Maria Vannucchi…

Federica di Meo : Elle a habité plusieurs années à Paris, dans les années 2000. Je l’ai rencontrée en 2005. À ce moment, elle m’a dit qu’en France, il y avait déjà des artistes français qui étudiaient la technique graphique du manga.

AL : Quelle a été son influence sur vous et votre style actuel ?

FdM : J’ai été sa première élève mais on est finalement devenues amies très rapidement. Puis on a cherché ensemble un moyen d’enseigner le dessin aux Italiens. Nos styles sont totalement différents, bien qu’on ait étudié avec les livres How to draw manga, uniquement en anglais à l’époque. C’était difficile de les trouver, Internet n’était pas aussi développé qu’aujourd’hui… Nous avons donc commencé à nous entraider, avant de créer une sorte de petite communauté d’artistes. Je pense que toutes les personnes présentes à ce moment-là, moi y compris, sont devenues des auteurs, de manga ou quelque chose qui s’en rapproche – chacun a son propre style – !

AL : Votre manga regorge de détails, notamment sur les bijoux ou les vêtements… Quelles sont vos inspirations et comment avez-vous fait pour arriver à des éléments aussi fins ?

FdM : J’ai étudié l’Histoire de l’art. Je suis très fan de l’art, de la beauté et des détails… J’aime beaucoup l’esthétique de l’art déco et de l’art nouveau aussi. Et bien sûr, je suis très inspirée par Paris ! Je suis une fan de Atget et il a photographié le Paris de 1900 et je me suis inspirée de ces clichés pour créer mes décors. Selon moi, les lecteurs français ont un goût pour ces détails, comme au Japon. En Italie, c’est différent. L’action et le mouvement semblent un peu plus importants. Pour en apprendre davantage sur ces accessoires, j’ai acheté beaucoup de livres sur la joaillerie; je suis allée à la médiathèque pour lire les ouvrages et étudier la forme des bijoux. Chez Panini Italie, un éditeur amateur de joaillerie m’a fait un retour très positif en découvrant les premières pages !

AL : Somnia est rempli de personnages aux styles oscillant entre le lolita, le victorien… Est-ce une demande spécifique de Liza E. Anzen ou êtes-vous aux commandes du chara-design ?

FdM : Le thème de Somnia, c’est la mémoire. Alors je me suis dit qu’il n’était pas forcément utile d’avoir un lieu ou une époque particuliers ou qui existent vraiment. J’ai donc pensé à un mélange de victorien, d’art nouveau et d’art déco aussi… Par exemple, l’art nouveau se voit dans le style vestimentaire des personnages féminins. Alors que l’art déco correspond plus aux personnages masculins, avec des lignes plus propres, plus fines, plus simples… Liza a vraiment un bon goût pour le character design donc on a fait ce travail ensemble. En général, j’ai une première idée sur le chara-design et elle apporte une ou deux modifications, qui me conviennent très bien ! Tout ce que vous voyez dans Somnia a été un choix commun. 

 

AL : Comment est né ce projet Somnia avec Liza E. Anzen ?

FdM : L’idée initiale de Somnia m’est venue en 2008 après un rêve. Un homme devait sauver sa femme mais n’avait aucun moyen de le faire. Il décida alors de créer un Somnia avant de réussir à la protéger. Quand je suis allée proposer le projet à Panini, Liza était présente, en tant qu’éditrice. Elle m’a dit qu’elle avait beaucoup aimé, tout en pointant les passages qu’elle aurait modifié. C’est son travail après tout ! Quand la maison d’édition m’a donné le feu vert, j’ai fait toute la première partie du volume seule, du dessin au scénario. À partir du chapitre où commence la deuxième mission, j’ai demandé à Liza de devenir ma scénariste. Elle fait si bien son travail de traductrice et d’éditrice, j’ai beaucoup apprécié cette facette d’elle. En plus, elle écrit un roman sur les rêves. Nous avons donc fusionné nos idées dans Somnia. Ça fait 10 ans que nous travaillons ensemble, à 2 têtes et 4 mains !

 

AL : Somnia – La chasse au trésor, en couleurs, a été un grand succès en Italie… Pouvez-vous nous en parler un peu ?

FdM : En fait, il y a deux arcs différents dans Somnia, l’un est Les faiseurs de rêves. La chasse au trésor est la conclusion de toute l’histoire mais chaque arc peut être lu séparément. On peut lire uniquement Les faiseurs de rêves par exemple ! C’est une autre expérience de lire tous les volumes !

AL : Les productions de mangas italiens, comme les vôtres, fonctionnent-elles en Italie ?

FdM : Je pense que c’est le meilleur moment actuellement, pour l’Europe, pour l’Italie et pour la France, de créer des mangas parce que les gens ne prêtent plus vraiment attention au fait que la personne qui écrit ou dessine soit japonaise. Mais c’est devenu possible parce que le niveau des artistes européens devient plus proche de celui des Japonais. On l’a constaté avec Somnia en Italie. Quand le premier tome est sorti, l’agent ne savait pas vraiment si le titre allait marcher. Finalement, beaucoup de gens sont venus nous voir pour nous dire qu’ils avaient changé d’avis ou pour nous féliciter pour notre travail. Je suis très heureuse de ça !

AL  : Comment s’est passé la prise de contact avant la publication avec Panini ?

FdM : La première fois, on m’a proposé de faire le premier arc en 4 tomes. Quand le troisième volume du premier arc est sorti en Italie, Panini nous a demandé de faire un nouvel arc de l’histoire mais plutôt orienté shônen. Bien sûr, Somnia n’est pas un shôjo, il a une ambiance plus mystérieuse, se rapprochant d’un Black Butler. Somnia – Les faiseurs de rêves a une intrigue plus shônen, avec davantage d’action mais aussi de noir, aussi bien dans l’histoire que dans les planches !

AL : Il y a beaucoup de références, de légendes ou d’éléments scénaristiques très pointus. On pense notamment à l’apparition d’un personnage souffrant de la maladie des os de verre… Qu’est-ce qui vous inspire lors de l’écriture du scénario ?

FdM : La maladie des os de verre, c’est une des premières choses que j’ai choisie. Ma première pensée pour cette première partie du tome, c’était d’imaginer ce qui pouvait bien se cacher dans la mer. Ensuite, je me suis demandé quelle était la chose qui pouvait empêcher une personne d’y plonger. Si cette personne a une maladie, c’est compréhensible qu’elle puisse avoir une barrière… Donc je suis allée chercher toutes les maladies possibles et j’ai choisi celle-là. J’ai voulu montrer une maladie plus rare, à l’image du concept entier de Somnia.

 

AL : Votre manga parle de la réalisation de ses rêves et du prix qu’il en coûte pour les atteindre… Mais vous, quel serait votre rêve ?

FdM : Quand on a commencé à travailler, le rêve était évidemment de proposer une œuvre bien travaillée et qui aurait de bons retours. Mais si on parle d’un rêve non réalisé, j’aimerais voir Somnia adapté en anime ! L’histoire qu’on a créé peut encore beaucoup se développer. Liza et moi avons pensé à d’autres histoires, d’autres missions. Sur 4 tomes initiaux de Somnia – Les faiseurs de rêves, nous avons choisi ce qui était le plus important dans le parcours de Mira pour en faire un double volume chez Panini. Si un anime est produit, nous aurons beaucoup de contenu à ajouter à notre histoire ! Si ça marche en France, on pourrait même faire de nombreux spin-off !

AL : Un petit mot pour votre public français ?

 FdM : Je veux remercier tous les gens qui sont venus nous voir à Japan Expo ! J’espère que les gens pourront voir l’amour que nous avons aussi pour la France, après nos visites à Paris notamment !

Remerciements à Panini Manga et à Sophie Cony, sans qui cette interview n’aurait pas été possible.

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A propos de l'auteur

Josephine Lemercier

Dans l'espoir de pouvoir parler du prochain volume de Nana dans Animeland un jour...