Nous avons eu l’opportunité de voir en projection spéciale et en avant-première sur Avignon les deux premiers épisodes de l’adaptation des Gouttes de Dieu en série live. Casting inspiré, superbe photographie, récit enlevé… Une très bonne surprise à découvrir au printemps sur AppleTV+ et plus tard sur France 2.
On évitera de dresser le jeu des 7 différences entre le manga devenu un classique disponible chez Glénat et son adaptation en série live de 8 x 52 minutes, et pour quelques menus détails nous vous renvoyons au reportage que nous avons effectué en 2021 sur le tournage. Insistons ici sur les deux premiers épisodes des GDD qui proposent une histoire séduisante, pétrie d’émotions, avec des personnages nuancés, attachants, souvent drôles. Le récit de départ est centré sur Camille Léger, fille d’Alexandre Léger, un œnologue expert de réputation mondiale expatrié au Japon. Au crépuscule de sa vie, Alexandre demande à sa fille de venir le voir – quand elle arrive à Tokyo elle apprend malheureusement son décès et les choses s’emballent : le testament laissé par le père indique que toute la fortune d’Alexandre (une cave unique au monde et quelques biens de valeur) sera donnée au vainqueur d’un concours d’excellence qui oppose Camille à un jeune japonais mystérieux, Tomine Issei, disciple du père. Le hic, c’est que Camille ne supporte pas d’être confrontée à des arômes, goûts, saveurs trop puissants et l’alcool la fait saigner du nez et tomber dans les pommes ! Elle va devoir surmonter ses traumatismes pour relever le défi lancé par son père…
Deux épisodes prometteurs
Les deux premiers épisodes posent très bien les enjeux à venir et les différents protagonistes sont bien campés. On passera vite sur quelques incohérences, notamment sur la différence d’âge entre Camille, sa mère, son père et le temps pour ce dernier de faire carrière, pour apprécier l’intensité incroyable de Fleur Geffrier (Camille Léger), qui compose une gamme d’émotions riche, crédible tour à tour en jeune orpheline désorientée au Japon en colère contre son père absent, et en apprentie appliquée chez un viticulteur pas commode (Gustave Kervern, bourru et tendre à la fois) en Provence. Face à elle, Tomohisa Yamashita (ex-chanteur vu récemment dans Alice in Bordeland), tout en retenue très japonaise, confère à son personnage de Tomine Issei une fragilité qui contraste avec l’arrogance de son modèle du manga – Tomine est en outre sous pression de sa famille qui ne supporte pas que leur fils soit redevable d’un européen, fusse-t-il le plus grand expert de son domaine. Ce sujet est en soi passionnant et sera sans doute un excellent ressors dans le développement de l’histoire.
Un des gros défis de cette adaptation tient dans le rendu de la complexité et de la richesse du monde du vin, et la pédagogie a donc une grande part dans le récit. Déterminer l’âge et l’origine d’un vin par sa couleur, sa robe et sa viscosité, décortiquer les parfums qu’il exhale et les recouper avec un cépage ou un terroir, maîtriser les gestes élémentaires de l’expert, tout cela est présenté avec soin… En outre, l’ingéniosité de la réalisation pour exprimer les sensations gustatives d’une cuvée rend vraiment hommage au manga qui réussissait à matérialiser des goûts et des parfums par des associations visuelles. La série invite à visiter la mémoire olfactive de Camille, d’abord territoire chaotique que le ravivement des sensations et des souvenirs va petit à petit ordonner.
Les connaisseurs reconnaitront sans peine ici les Dentelles de Montmirail, là le Mont Ventoux, et le charme lumineux de la Provence. La série a été en grande partie tournée dans le Vaucluse, terre des appellations d’origine contrôlée Châteauneuf-du-Pape et Gigondas, entre Orange et Avignon. Les profanes trouveront sans doute dans ces décors réels très bien mis en image une invitation à venir découvrir la région et goûter ses vins parmi les plus réputés au monde. Production de très haute qualité, Les gouttes de Dieu se distinguent de son modèle japonais sans en trahir l’âme et l’intention : dire les tourments humains au travers de nos rapports à la terre, à la tradition et des relations entre générations. Un discours à portée universelle qui justifie sans doute le choix d’AppleTV+ d’acquérir les droits monde de la série…
Sébastien Célimon
©productions Dynamic pour les photos
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