#TBT : Texhnolyze

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En vingt ans, rares sont les séries animées à avoir atteint le degré de sordidité de Texhnolyze. Retour sur un joyau d’une noirceur inaltérable qui a marqué à jamais une génération.

Après des années de négligence, la ville de Lux a fini par s’effondrer. Perdue dans les limbes, oubliée de la surface, la cité souterraine vit désormais en autarcie, au point que ses habitants la désignent simplement comme « La ville ». Ils y vivent dans l’angoisse et la détresse, sous la coupe d’une mafia maîtrisant la technologie Texhnolyze, qui remplace des membres par des prothèses cybernétiques. Cette pègre collabore avec la société Organo, que cherche à mettre à bas un groupe d’activistes démagogues, l’Union du salut, tandis que des jeunes « texhnolyzés » font bande à part pour leur intérêt personnel sous la bannière Racan. Boxeur déchu, Ichise a perdu une jambe et un bras avant d’être recueilli par la scientifique Eriko Kamata, qui l’exploite comme cobaye pour un nouveau procédé de texhnolyzation. Grâce à sa puissance nouvellement acquise, Ichise intègre les rangs d’Organo, mais tout bascule quand il rencontre Ran. Grâce à cette mystérieuse jeune fille au masque de renard qui peut voir tous les avenirs possibles, il réalise que Lux est sur le point de s’effondrer. Le duo saura-t-il empêcher un destin apparemment inéluctable ?

Il faut avoir le cœur bien accroché pour se lancer dans le visionnage de Texhnolyze. L’hyperviolence des premiers épisodes sert presque d’examen d’entrée pour les spectateurs : loin de sombrer dans la gratuité, les scènes de démembrement ou de torture clinique donnent le ton de la série, qui explore les pires comportements humains sans laisser place à l’espoir (ou si peu) : sadomasochisme, drogue, inceste, totalitarisme… Lux semble avoir régressé au Moyen-Âge en laissant triompher la loi du plus fort, alors que le personnage d’Ichise n’est pas sans évoquer le mythe du surhomme nietzschéen. Texhnolyze se teinte également de mysticisme, rajoutant une couche au millefeuille déjà complexe de ce chef d’œuvre de science-fiction… à réserver à un public averti et adulte, capable de supporter les atrocités visuelles et d’assimiler les nombreuses pistes philosophiques de la série.

Déjà responsable des scripts d’Armitage III et de Serial Experiments Lain, Chiaki Konaka signe le scénario sans concession de Texhnolyze. Sur le fond comme sur la forme : loin de prendre le spectateur par la main, la série exige une attention constante de sa part pour en saisir tous les tenants et aboutissants. Afin de mettre son intrigue en image, il retrouve son compère de Lain, le chara-designer Yoshitoshi ABe, qui donne aux personnages un aspect déshumanisé, comme coupé de toute sensation. Produite chez Madhouse, la série permet à Hiroshi Hamasaki, entré dans l’industrie de l’animation japonaise en 1980, d’enfin accéder au poste de réalisateur, qu’il occupera ensuite sur des titres tels que Terra Formars et Orange. À l’opposé du générique signé par le groupe trance Juno Reactor, il privilégie un tempo lent et contemplatif, renforçant d’autant plus l’impact des scènes insoutenables et des révélations, bien qu’un changement de rythme à mi-parcours désarçonne les spectateurs. C’est peut-être l’un des rares défauts de la série en 13 épisodes, diffusée à partir du 16 avril 2003 sur Fuji TV et dont le jusqu’auboutisme reste toujours aussi fort, vingt ans plus tard.

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A propos de l'auteur

Matthieu Pinon