Bientôt quadragénaire, le manga de Masamune Shirow a donné naissance à un film résolument innovant, il y a vingt ans. Deux raisons de revenir sur Appleseed, titre séminal s’il en est.
La troisième guerre mondiale a duré presque trente ans, de 2099 à 2126, faisant de la Terre un carnage. Dans une ville dévastée, deux anciens militaires d’élite, l’humaine Dunan Knut et le cyborg Briareos Hecatonchires, survivent tant bien que mal. Déboule alors Hitomi, envoyée spéciale du bureau de l’administration générale Aegis, en charge de retrouver les guerriers isolés comme notre duo. Sa mission : les rapatrier vers Olympus, ville utopique fondée par les scientifiques en 2080 afin d’y développer le projet Appleseed. Destiné à apporter la paix dans le monde, il voit la création d’humains génétiquement modifiés, les bioroïdes. Mais la cohabitation entre humains et bioroïdes ne se passe pas au mieux. L’ordinateur Gaïa gère la cité d’une main de fer, estimant que les bioroïdes sont une menace à éradiquer, alors que les humains se rebellent contre son autorité en multipliant les attentats. Dans ce contexte tendu, Dunan et Bri intègrent l’ESWAT, brigade au pied et à la botte d’Olympus…
En 1983, Masamune Shirow publie dans le dôjinshi Atlas un titre pétri de ses marottes : cyberpunk, fusion homme-machine, armes et mecha détaillés, jolies pépées au caractère bien forgé. Black Magic tape dans l’œil d’un éditeur, qui propose au dessinateur un pari fou : éditer un manga directement en librairie, sans passer par la prépublication. L’audace est payante, et Appleseed remporte un franc succès auprès des fans de science-fiction à sa sortie en 1985. À tel point que, trois ans plus tard, une adaptation en OAV (support de prédilection des otakus) voit le jour, qui fera plus tard le bonheur des Occidentaux via la collection Manga Video. Pendant ce temps, Masamune Shirow crée Ghost in the Shell, qui devient sa licence la plus lucrative. Appleseed aurait pu rester noyée dans l’ombre de cette nouvelle licence… jusqu’à ce qu’un long métrage la remette en avant.
Puisqu’Appleseed était un titre novateur (tout du moins pour le grand public), Shinji Aramaki choisit d’en faire de même pour cette adaptation cinéma. Le mecha-designer reconnu depuis les années 1980 choisit d’exploiter une technique jusqu’ici inédite, mêlant motion-capture et cel-shading. Le résultat offre un écrin parfait à la cité utopique d’Olympus, et permet surtout à Appleseed de franchir le cercle des otakus pour toucher le grand public à sa sortie au Japon le 17 avril 2004 – une démocratisation facilitée par la bande-son techno qui fait appel à des artistes renommés tels que Basement Jaxx, Paul Oakenfold ou Boom Boom Satellites, sous la tutelle de Ryûichi Sakamoto. Mieux encore, grâce à l’aura acquise par le manga et l’OAV, c’est une carrière internationale qui s’ouvre à Appleseed, en Europe comme aux États-Unis. Le succès est tel qu’une suite, Appleseed Ex Machina, est mise en production en 2007, avant qu’Appleseed Alpha ne vienne compléter la trilogie en 2014, dix ans après le premier volet. Depuis, Aramaki a réexploité cette technologie dans diverses séries telles que Starship Troopers : Traitor of Mars, Ultraman ou encore Ghost in the shell : SAC 2045. Un joli retour à l’envoyeur !
Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire.