Au 15e siècle, une jeune vierge nommée Jeanne d’Arc reçoit l’oracle divin de prendre les armes et sauver la France. Le peuple, effrayé par cette force inhumaine, la traite de sorcière et la condamne au bûcher.
Fin du 20e siècle. Kusakabe Maron, 16 ans, est une fille ordinaire appartenant au club de gymnastique rythmique du lycée Momokurigakuen. Elle cohabite avec Fin Fish, un ange, et est sous la responsabilité des parents de sa meilleure amie, Tôdaiji Miyako.
En réalité, Maron est la réincarnation de Jeanne d’Arc et la seule capable de collecter les démons cachés par Satan à l’intérieur des plus belles toiles de peinture, en les volant. Car depuis que le Monde est Monde, le vil gredin lorgne sur ce dernier. Et lorsque les hommes posent leur regard sur les magnifiques tableaux, leur coeur est contaminé par le mal. L’âme des mortels étant la source de vie du Très Haut, les dégâts peuvent lui être fatals.
Un beau jour, Nagoya Chiaki se présente à la fois comme le nouveau voisin et camarade de classe de Maron. Plus rapide que son ombre, il propose à Maron de sortir avec lui ! Etrangement, l’apparition du jeune homme coïncide avec celle du mystérieux Simbad, rival masculin de l’insaisissable Jeanne…
Après une rencontre idyllique, les parents de Maron se brouillent et quittent séparément le Japon pour l’étranger, en prétextant leur travail. La jeune fille a alors 10 ans. La situation qui perdure l’a fortement minée. Malgré les apparences, Maron manque cruellement de courage. La solitude attire les interrogations déstabilisantes. La nuit est synonyme de véritable calvaire. Se regarder en face ou bien vivre une relation amoureuse est au-dessus de ses forces. Chaque jour, le coeur serré, elle examine sa boîte espérant y trouver une lettre émanant de ses parents. Connaissant leurs coordonnées elle pourrait les contacter elle-même, mais refuse d’agir par crainte d’être repoussée. Maron reconnaît être devenue la voleuse Jeanne pour aider les gens et conjurer son propre sort. La présence de Chiaki brise son côté fanfaron et met enfin à nu sa faiblesse. N’était-ce pas au fond ce qu’elle désirait ? Néanmoins, Maron refuse de répondre aux avances de Chiaki car les hommes aiment aussi vite qu’ils détestent. La fuite lui apparaît comme le meilleur des remèdes. Par ailleurs, Maron suppute que les gentilles attentions de Chiaki sont des manoeuvres pour coincer Jeanne. A cette pensée, Maron éprouve un sentiment de trahison similaire à celui ressentit face à sa boîte aux lettres vide. Lors d’une dispute avec Fin fish, Maron chute du balcon et ne doit son salut qu’à l’intervention de Noin. Tombée dans le coma, elle rencontre la véritable Jeanne d’Arc dans le passé. A cette occasion elle s’éveille complètement à son mystérieux pouvoir, comprenant, via les prières de Chiaki, que le courage en est le détonateur. L’expérience vécue la poussera enfin à appeler son père (son répondeur !) et à répondre aux sentiments de Chiaki.
Chiaki est issu d’une famille de médecins et a fugué de chez lui. Il a perdu sa mère à l’âge de 5 ans et son père s’est remarié 4 fois. Chiaki ne lui pardonne pas de piétiner ainsi le souvenir de sa mère. Il a le coup de foudre pour Maron et, sous couvert d’une stratégie fantoche, se montre compréhensif et attentionné. Pris à son propre jeu, il se montre très vite protecteur. Néanmoins, il n’hésite pas à la secouer quand Maron apprend la rupture définitive de ses parents.
Que dire de l’adorable Fin Fish, qui se révèle être un suppôt de Satan ? Pour Maron, rendue vulnérable par la solitude, la présence de Fin Fish est irremplaçable. Sa trahison n’en est que plus forte. Lors du grand déballage, Fin Fish explique sa mission : anéantir la “Force de Renaissance” scellée en Maron par Dieu. Au cours de l’Humanité, Dieu a concédé à une âme féminine un tiers de sa force. A chaque apparition, ce coeur pur favorise l’indestructibilité du Très Haut. Satan a déjà envoyé moult démons annihiler cette âme, en vain. Enervé de ne pouvoir voler la force divine, il a tué d’innombrables fois ces filles qui finissent toujours par renaître. La dernière en date fut Jeanne d’Arc.
500 ans après, la parade traverse enfin l’esprit machiavélique : si le scellé ne peut être détruit de l’extérieur, alors il sera dénoué de l’intérieur. En harcelant Maron de néfastes pensées, en la faisant souffrir, en lui volant sa pureté, alors, le pouvoir s’éteindra et le cycle des renaissances sera définitivement enrayé. Dieu perdra son souffle divin et disparaîtra. Face à cette vérité, Maron comprend que la voix l’incitant à s’éveiller à la force était Satan en personne. Sans le savoir, elle engrangeait de l’énergie noire en faveur du Malin au fur et à mesure des combats, Dieu ne pouvant lever la main sur elle sans s’infliger lui-même des dommages. Fin Fish ajoute que les parents de Maron sont manipulés par un charme maléfique depuis sa venue au Monde ! L’existence entière de Maron est jalonnée de coups montés ! L’impitoyable Fin Fish dissimule une âme meurtrie et un lourd passé. Ange déchu après avoir été contrainte de tuer un grand nombre de personnes sur Terre, devenue indésirable au Paradis, Fin Fish abandonne fierté, honneur et éthique pour rejoindre les enfers. Son choix est uniquement motivé par une promesse faite à Access, consistant à avouer son amour. En définitive, elle accèdera au rang d’ange majeur, suite au pardon de Dieu.
Access Time est un ange aux ailes noires, issu du Paradis et détaché auprès de Chiaki, alias Simbad, pour contrecarrer les plans des enfers. D’aspect décontracté et grande gueule, il enquiquine souvent Fin Fish. Comme tout mâle, il est maladroit en présence de la fille aimée et aveugle quant aux réels sentiments de Fin Fish.
Le professeur stagiaire Shikaidô Hijiri s’avère la réincarnation du chevalier français Noin Claude, jadis sous les ordres de Jeanne d’Arc. Son statut actuel de démon découle de sa haine envers Dieu qui s’était accaparé la Pucelle d’Orléans. Pour Noin, le Souverain des Cieux est un couard qui a envoyé à l’abattoir sa dulcinée sous couvert d’éradiquer les démons à la tête de l’armée ennemie. Rongé par la jalousie, Noin a accepté le deal de Satan : séparer Jeanne de Simbad, en échange de quoi, il redeviendra un humain. Noin compte ainsi vivre pleinement sa relation avec la réincarnation de Jeanne, c’est-à-dire Maron ! Pour cela, il n’hésite pas à sacrifier la vie d’un enfant cardiaque. Constatant que Maron garde confiance en Chiaki, il décide de la souiller pour la libérer de Dieu. Chiaki sauvera la mise à la jeune fille.
Accablé par la solitude, Dieu façonne Adam et Eve. Il tombe amoureux de Eve qui, malgré ses recommandations, mange le fruit défendu et acquiert Connaissance et Passion. Les deuxhumains quittent le Paradis car, c’est bien connu, un ménage à trois est délicat à maîtriser. Amoureux de sa créature, Dieu implante en Eve le don de la réincarnation et octroie à Adam la force requise à la protection de la belle. De nouveau seul, le Très Haut se débarrasse de son coeur blessé. La souffrance divine ne tarde pas à engendrer effondrement, destruction puis Satan. Ayant hérité du mal-être, ce dernier oeuvre dans le but d’infliger à Dieu une éternelle solitude, et ce, en supprimant les hommes.
Bref, Maron est finalement Eve, et toute désignée à affronter Satan. Au Paradis, Maron se donne à Chiaki et réalise que noblesse et coeur pur ne sont nullement altérés par la perte de sa virginité. L’essentiel réside dans les sentiments portés à l’être aimé. L’ultime combat tourne court. Vexé, Satan riposte sans discernement obligeant Fin Fish au sacrifice. L’ange sauve ainsi Maron et Satan. La tristesse et la solitude du Malin l’ayant ébranlée.. En définitive, Maron abandonne son pouvoir de résurrection pour conserver l’âme de Fin Fish. Par ce geste, Maron accepte désormais de vivre sa propre vie et sa propre histoire. De retour sur terre, les parents de Maron se sont remis, comme par enchantement, ensemble. Le happy end sera-t-il au rendez-vous ? Le manga, quoi qu’il en soit proposera de vraies fins aux aventures des personnages.
Le manga de TANEMURA-sensei est-il un thriller psychologique ? Toute proportion gardée… Il est évident que Satan est le marionnettiste suprême. Il pourrit le mariage des parents de Maron, plombe sournoisement le coeur de la jeune fille via Fin Fish, sacrifie et élimine des innocents. Fin Fish pense trouver en lui un refuge mais est en fait le jouet du Malin, qui a ruiné son existence humaine et d’ange.
Maron se retranche derrière une fausse gaieté comme Fin Fish se cache derrière une fausse agressivité. La gaieté doit être l’expression d’un équilibre physique et mental, appuyée par une intelligence lucide. Or, Maron n’est point sereine. Elle est frustrée, privée des satisfactions vitales que sont la présence et l’amour parental. Cette frustration affective engendre chez elle peur, manque de courage et complexe. Inconsciemment, elle bannit la sincérité dans ses rapports avec son entourage. Pire, elle se ment à elle-même. Montrer sans voile les méandres de sa vie intérieure lui est impossible jusqu’à l’arrivée de Chiaki. Le courage tire son éclat d’une grande force mentale et physique, ce qu’elle n’a pas au début de l’histoire.
Solitude et courage sont les maîtres mots du manga et, avec eux, TANEMURA-sensei tisse un scénario attrayant, léger mais assez sérieux. Le lecteur se rend très vite compte que Kamikaze Kaitô Jeanne n’est nullement centré sur la vie de Jeanne d’Arc. Le périple de la vierge amorce juste la vie d’une adolescente en perte de repères familiaux et relationnels. Dès que la véritable identité de Fin Fish est dévoilée, le manga gagne encore plus en intérêt. Au fil des pages, le lecteur se penche davantage sur le cas de l’ange déchu, le destin de Maron étant trop prévisible.
Les planches de TANEMURA-sensei sont des classiques du shôjo : grands yeux expressifs, fleurs écloses, tenues kawai, bons sentiments. Les personnages ont le visage rond et adoptent des mimiques SD rigolotes (le père de Miyako est en mode SD permanent !). L’humour est le bienvenu et parsème cette fresque “biblique”. Clin d’oeil à Sailor Moon, quand Jeanne et Simbad lancent une tirade introductive à chacune de leur apparition. Les couvertures sont superbes, à dominante pastelle. Sans être particulièrement original, le titre a le mérite de ne pas s’étendre et les “combats” sont réduits à leur plus simple expression.
Kamikaze Kaitô Jeanne ravira un lectorat en quête d’un bon moment à passer, sans prise de tête. Si le vent divin (Kamikaze) représente la vie insufflée par Dieu aux hommes, alors ce manga est une bouffée d’air frais dans un Monde de brutes.
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