Chez nous, il a donné son nom à toute une génération marquée à vie par la découverte des dessins animés japonais : la « génération Albator ». L’année dernière, il a inspiré le groupe Daft Punk, qui a été jusqu’à demander à son créateur, MATSUMOTO Leiji, de réaliser les clips de leur album Discovery. Et voici que l’on peut enfin apprécier en français le manga qui a donné naissance aux aventures de ce héros de légende. Au Japon, on voit de nouveau fleurir OAVs, films, séries TV mettant en scène les personnages créés par MATSUMOTO, parmi lesquels Captain Harlock, alias Albator, le corsaire de l’espace… Albator serait-il de nouveau « tendance » ? MATSUMOTO Leiji, de son vrai prénom Akira, est né en 1938 à Kitakûshû, dans la préfecture de Fukuoka au Japon. Il a commencé sa carrière de mangaka à la fin des années 50 et s’est engagé à partir des années 70 dans des oeuvres de SF ambitieuses. En 1974, il a créé Uchu Senkan Yamato (Le cuirassé de l’espace Yamato) et en 1977, a entamé le manga de Ginga Testudo 999 – Galaxy Express (Galaxy Express 999), son oeuvre la plus connue au Japon, qui compte plus de 4 000 pages. C’est en 1978 qu’il a lancé le manga Uchu Kaizoku Captain Harlock, mettant en scène la lutte du célèbre corsaire de l’espace balafré contre les Mazones (les Sylvidres en VF). L’éditeur Kana vient de commencer sa publication en français en mai 2002 sous le titre Capitaine Albator, le pirate de l’espace.
Dans le futur, l’opulence et la corruption ont plongé la civilisation terrienne dans la décadence, à tel point que personne ne semble s’inquiéter quand une immense sphère noire s’écrase sur la Terre. Seul le professeur Daiba et son fils Tadashi tentent en vain d’alerter les dirigeants. Un soir, le professeur reçoit la visite d’une femme qui l’abat sans autre forme de procès, sous les yeux de Tadashi. Un étrange personnage apparaît alors et fait feu sur la femme, qui s’embrase comme du papier. Il révèle à Tadashi la menace de l’invasion des Sylvidres, un peuple de femmes venu d’une autre galaxie, dont la sphère noire ne serait qu’un signe avant-coureur. Borgne et balafré, habillé de noir et cachant sous ses cicatrices de profondes blessures, cet homme est Albator, le corsaire de l’espace ! Capitaine de l’Arcadia, il arbore fièrement le drapeau noir à tête de mort, symbole de sa détermination et de son indépendance. Tadachi, séduit, embarque à bord du vaisseau et fait connaissance avec un équipage farfelu : Yattaran, le navigateur, uniquement préoccupé par ses maquettes ; le Docteur Zéro, médecin du bord et alcoolique notoire ; Masu, la cuisinière aux allures de vieille mégère ; les charmantes Kei Yuki et Miimé. Ainsi commence une aventure qui mènera le jeune homme aux confins de l’univers pour une lutte sans merci…
Quel plaisir de lire ce manga, aujourd’hui délicieusement désuet ! Personnalisant la droiture morale sous les oripeaux du hors-la-loi, Albator se bat pour une Terre qui l’a pourtant trahi et rejeté. Incorruptible et noble, il hait la guerre autant que la lâcheté des hommes et répugne à ôter la vie. Cet idéal de pureté, de liberté et de noblesse, cher à Matsumoto, est mis en images avec une ferveur touchante de naïveté. On retrouve avec plaisir tous ses personnages caractéristiques : belles femmes longilignes à la longue chevelure, petits personnages aux trognes rigolotes, et, en la personne de Tadashi, le jeune garçon intrépide, qui mûrira au contact de son aîné. Comme TEZUKA Osamu (Astro Boy, Phénix), auquel son trait s’apparente, MATSUMOTO n’est guère à l’aise pour dessiner les visages en gros plan, maladresse compensée par une maîtrise certaine de la mise page et des grandes compositions. Rythmé par les combats dramatiques contre les Sylvidres, les bouffonneries de l’équipage de l’Arcadia et les tirades grandiloquentes d’Albator, le récit progresse sans grande cohérence mais sans temps mort. Ce manga servit de modèle à la première série télévisée de 42 épisodes mettant en scène le beau capitaine, apparue sur nos écrans en 1978. Outre de légères divergences dans le déroulement de l’histoire, la principale différence entre le manga et la série TV est l’existence dans celle-ci de Stella (Mayu en VO). Cette petite fille d’un ami décédé d’Albator, à qui il rend visite régulièrement sur la terre, est victime de la cruauté de militaire Vilak (Kirita en VO, également absent du manga), qui veut à tout prix capturer le renégat. L’outrance dramatique des situations, les dessins de KOMATSUBARA Kazuo (Goldorak, Nausicaä), l’ambiance sonore (les sons du vaisseau, les cris déchirants des Sylvidres) et l’inventivité de la réalisation de RINTARO (Kamui, X, Metropolis) qui fait presque oublier l’animation extrêmement limitée, firent de ce dessin animé une oeuvre culte.
Après quelques apparitions en « guest star » dans d’autres dessins animés tirés de l’univers de MATSUMOTO (les films de Galaxy Express notamment), Albator revint en 1984 pour une seconde série TV de 22 épisodes : Mugen no SSX (Albator 84), précédée d’un film contant sa jeunesse et les raisons qui l’ont poussé à quitter la terre : Waga seishun no Arcadia (L’Atlantis de ma jeunesse). Inédite en manga et sensée se dérouler bien avant la première série, cette nouvelle histoire mettait en scène la lutte du corsaire de l’espace contre les Humanoïdes (Ilumidas en VO) et bénéficiait d’améliorations techniques considérables. Et puis… plus rien ! Dans les années 80, l’univers de MATSUMOTO est passé de mode et il faut attendre le milieu des années 90, les Japonais ayant eux aussi leur période nostalgique, pour voir refleurir les adaptations animées tirées de l’oeuvre du maître : The Cockpit, DNA sight 999.9, Queen Emeraldas, Maetel Legend, Yamato 2050… Albator n’échappe pas à ce « revival », puisque l’on a pu voir en France les séries d’OAV Harlock saga et tout récemment Cosmowarrior Zero, où notre héros joue un rôle secondaire. Mais surtout, on annonce pour septembre une nouvelle série TV mettant Albator au premier plan, dont le staff est plus que prometteur : YUKI Nobuteru (Lodoss, Escaflowne) au character design, MURAI Sadayuki (Perfect blue) au scénario et RINTARO de retour à la réalisation ! Tout porte à croire que notre vieil ami a encore de belles années devant lui.
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