Drunken Master 2

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Avec Drunken Master 2, Jackie CHAN veut renouveler le film de kung-fu par une combinaison qui surprend à première vue. D’une part, il recourt à un registre assez attendu de la part de ce roi de la “kung-fu comedy”, qui n’a pu s’imposer comme successeur de Bruce LEE qu’en s’inscrivant dans une tonalité plus marquée par l’humour et la distanciation, voire une bonne dose d’autodérision. Cependant, il étonne quand même par la vision qu’il donne du grand HUANG Fei-hung. Car il ose le décalage le plus total par rapport à la légende de ce médecin traditionnel, expert en arts martiaux et entraîneur patriote de la milice chinoise. Celui-ci est présenté, à rebours de sa réputation prestigieuse, comme un écervelé gaffeur, adepte de la boxe ivre “qui suppose de boire afin de bénéficer des effets de l’alcool qui anesthésient la douleur et stimulent le corps”… Passons sur le fait que, malgré le poids d’un certain nombre d’années – quinze ans ont passé depuis le premier Drunken Master – Jackie CHAN n’hésite pas à incarner un HUANG Fei-hung jeune. Son visage toujours juvénile le lui permet.
Mais, d’autre part, désireux à ce moment de recentrer sa carrière sur la seule activité de comédien, il fait appel à LIU Chia-liang pour diriger ce film. Décision encore moins évidente puisqu’il semble vouloir ainsi renouer avec un certain cinéma de la Shaw Brothers des années 1965-1975 ; celui d’un LIU Chia-liang régleur des combats des films de CHANG Cheh, puis metteur en scène de ses propres oeuvres, caractérisées par une représentation réaliste des arts martiaux à l’écran. Un purisme soucieux des traditions passé de mode depuis que Tsui HARK a choisi d’opter pour des évolutions aériennes à l’aide de câbles inspirées par l’Opéra de Pékin dans les Il était une fois en Chine. Série vers laquelle lorgne pourtant Jackie CHAN en tournant Drunken Master 2

Le jeune HUANG Fei-hung voyage en train avec son père, apothicaire-médecin traditionnel chinois, comme il le deviendra lui-même plus tard, et fondateur du Baozhilin, à la fois hôpital et école de kung-fu. Suite à un quiproquo, HUANG Fei-hung perd une boîte de ginseng, ingrédient des prescriptions paternelles, et se retrouve en échange en possession d’un sceau ayant appartenu à un empereur chinois. Les sbires d’un consul anglais et un groupe de patriotes se disputent la possession de cet objet précieux. HUANG Fei-hung devient donc, bien malgré lui, l’arbitre de leur rivalité. Dès lors, même s’il ne peut s’empêcher d’accumuler les bourdes, il va lutter pour que ce trésor national demeure en Chine…
Outre la présentation peu orthodoxe qui est faite du héros cantonais, le film recèle une autre bizarrerie, peut-être moins évidente. En effet, à y regarder de plus près (contexte historique, fin du règne impérial, uniformes des soldats), son action se situe après la révolution chinoise de 1911, alors que le vrai HUANG Fei-hung est né en 1847 et meurt en 1924…
Malgré cette invraisemblance, Jackie CHAN se montre très à son aise dans le répertoire du burlesque, en pugiliste d’autant plus redoutable qu’il est éméché ! Il est admirablement épaulé par Ti LUNG et Anita MUI, tout aussi drôles. Le mariage entre les scènes de pitreries et des séquences de combats impressionnantes se révèle probant et ne nuit en rien à l’homogénéité du film. Même s’il a subi certaines coupes et retournages suite à l’entrée en conflit des deux fortes personnalités de Jackie CHAN, qui ne pût s’empêcher d’empiéter sur les prérogatives du réalisateur, et de LIU Chia-liang, tenant d’un certain savoir-faire classique. Il est d’ailleurs à noter que ce dernier s’était, à l’origine, également impliqué comme acteur sur Drunken Master 2. Mais le pragmatisme du premier l’a finalement emporté sur la résolution du vieux maître des arts martiaux de ne pas tout sacrifier à l’occasion de voir sa carrière cinématographique relancée…

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