Frère des ours

0

Brother bear (titre original) est un projet qui daterait du début des années 90, au moment de la production du futur grand succès de Disney, Le Roi lion. La trame scénaristique se voulait, à l’époque, un écho à la tragédie shakespearienne Le Roi Lear. En 1997, le réalisateur Aaron BLAISE et le producteur Chuck WILLIAM récupèrent et remanient le projet (à l’aide de cinq scénaristes), auquel se joint par la suite le co-réalisateur Bob WALKER. Le film est alors conçu au sein du studio d’animation Walt Disney de Floride, qui nous a donné, ces dernières années, Mulan et Lilo & Stitch. La musique est confiée à Mark MANCINA, qui avait notamment travaillé sur LE Roi Lion et Tarzan. Pour les chansons, Phil COLLINS est rappelé, quatre ans après nous avoir livré les superbes chansons de Tarzan. Il reïtère d’ailleurs la performance de chanter en cinq langues (anglais, français, italien, allemand et espagnol). Dans la version originale, on retrouve des vedettes telles que Joaquin PHOENIX (Gladiator), Rick MORANIS (Chérie, j’ai rétréci les gosses) ou Michael Clarke DUNCAN (La ligne verte). La version française n’est pas en reste, accueillant des comiques de renom comme KAD et OLIVIER, OMAR et FRED, ou encore Annie CORDY.

L’histoire

L’action se déroule peu après l’ère glaciaire. Le film débute par une très belle séquence, qui nous plonge dans la magie shamanique et ses totems. Trois frères Inuits, reviennent joyeusement de la pêche afin de participer à la cérémonie sacrée au cours de laquelle le plus jeune des frères, Kenaï, doit rececvoir son animal totem. Malheureusement, cette journée est marquée par une tragédie : Sitka, l’aîné des trois frères, trouve la mort à cause d’un ours. Cette perte douloureuse a un fort impact sur Kenaï ; il décide de poursuivre l’animal et de le tuer. Suite à cet acte de vengean, il est frappé d’un puissant sortilège et se voit transformé en ours. Ignorant tout de cette métamorphose, son frère Denahi le poursuit à son tour,croyant Kenaï mort, et l’ours responsable de la perte de ses deux frères.

Kenaï doit maintenant faire face à deux problèmes : assumer sa condition d’ours, et échapper à son frère avec qui il ne peut dialoguer, vu que son nouvel aspect le prive de parole. Sur les conseils de Nanaka, la vieille chamane seule personne ayant compris la situation Kenaï va devoir se rendre sur la montagne où « les lumières touchent la terre », lieu où il pourra demander aux grands anciens de lui rendre son apparence normale. Au cours de son voyage, il croisera la route de Truc et Muche, deux élans chamailleurs, d’une colonie d’ours en pleine pêche, et surtout de Koda, un petit ours qui cherche à rejoindre sa mère. Kenaï aura du mal à supporter l’ourson, qui le considère très vite comme un grand frère. Mais Koda est le seul à pouvoir le mener à la fameuse montagne sacrée. Tous deux devront aussi faire face aux assauts de Denahi, dont la haine envers l’ours qu’est devenue Kenaï ne fait que croître. Une curieuse amitié va alors naître entre l’homme qui déteste les ours, et l’ourson qui fuit les hommes…

Du bon et du moins bon

Côté histoire, la trame scénaristique n’apporte pas de réelle surprise, recyclant le sempiternel parcours initiatique. La véritable bonne nouvelle se situe dans le traitement apporté au film. En effet, il est particulièrement agréable de retrouver enfin l’ambiance des vieux classiques de Disney, dont Le Roi Lion était le dernier à véhiculer la magie. Après deux insipides histoires de science-fiction (Atlantide en 2001, et La planète au trésor en 2002), le film animalier revient pour renouer avec son public habituel, les enfants. Les tentatives de Disney de toucher un public plus large, visant principalement les adolescents, n’ont jamais été des réussites. Tout le monde a en mémoire Taram et le chaudron magique (1985), périlleux effort pour profiter de l’engouement du moment pour l’heroïc-fantasy et sortir des sentiers battus, qui faillit être fatal à Disney. Plus près de nous, Atlantide (lire notre article) et La planète au trésor n’ont guère convaincu le public.

Dans un contexte des plus incertains concernant l’animation traditionnelle, Frère des ours apparaît comme un film prudent, reprenant les valeurs et les thèmes chers à Disney : les animaux, la quête, l’amitié, le pardon et, bien sûr, l’humour. Certains considèreront cette démarche comme un pas en arrière, mais est-ce pour autant une erreur ? Le contenu dramatique est très bien balancé par l’humour distillé par le couple d’élans moqueurs et les bavardages incessants de Koda. Ce personnage, que tous les spectateurs pourront identifier à un jeune frère joueur et parlant sans cesse dans un souci de plaire et de se faire accepter , permet justement de mêler adroitement l’humour et le dramatique. Si la surprise n’est pas forcément au rendez-vous, on ne s’ennuie en tous cas pas en suivant les aventures de Kenaï et Koda.

Le soin apporté aux décors est particulièrement remarquable. Les paysages sont splendides, saisissants par leurs couleurs
évoquant les contrastes caractéristiques des forêts nord-américaines, à l’approche de l’automne. Les artistes ont visiblement porté une attention particulière au rendu d’une nature à la fois profonde, sauvage et colorée. L’équipe se serait parait-il rendue, par souci d’authenticité, dans les forêts de Californie et du Wyoming, ainsi qu’en Alaska. Les animaux sont quant à eux animés avec l’habituelle maîtrise des studios Disney. Personnages centraux du film, les ours, et malgré un design très cartoon, se meuvent de façon réaliste, avec cet effet “pataud” caractéristique de leur espèce. Pour ne négliger aucun détail, l’équipe d’animateurs aurait bénéficié des conseils de Timothy TREADWELL, chercheur animalier travaillant sur les ours, ainsi que d’autres spécialistes en locomotion animale (mouflons, élans, mammouths). On notera aussi, pour une fois, l’utilisation parcimonieuse de la 3D, ce qui n’était pas toujours le cas dans les films précédents.

Toutefois, Frère des ours comporte quelques défauts, qui, sans être aussi grossiers que ceux d’Atlantide, pourraient tout de même irriter certains spectateurs. La période historique choisie rappelle celle de L’âge de glace, film encore trop frais dans les mémoires (création 2001 de la Fox, lire notre article). La coloration, magnifique pour les paysages, est particulièrement ratée dans la scène de pêche du clan ours (les poissons sont vraiment trop rouges). Les chansons de Phil COLLINS sont beaucoup moins inspirées que celles écrites pour Tarzan. Enfin, la scène finale est mièvre et totalement inutile, gâchant l’intensité et l’émotion des minutes précédentes, particulièrement réussies dans le genre « sortez vos kleenex ». On pourrait aussi ajouter que, par sa facture classique, Frère des ours se rapproche beaucoup (trop?) du Roi lion. Que ce soit dans la scène d’ouverture, la fuite, les rencontres ou la scène finale, les similitudes sont nombreuses, laissant ainsi clairement entrevoir le but des réalisateurs : retrouver le succès en utilisant des recettes qui ont fait leurs preuves.

Malgré ces quelques réserves, Frère des ours se laisse donc voir avec un réel plaisir, que la bande-annonce ne laissait en rien présager. Sans être une réussite au même titre que Le Roi Lion ou Tarzan, le parti-pris de revenir à une facture plus classique, et le peu de prétention du produit, font de cet ultime film des studios Disney de Floride un agréable divertissement, destiné principalement aux enfants.

Frère des ours, sortie dans les salles françaises le 28 janvier 2004.

Parlez-en à vos amis !

A propos de l'auteur