Pour le fan d’animation japonaise, cette nouvelle s’est annoncée comme une bénédiction. Mais qu’en pensera le grand public? Accrochera-t-il à l’énième variation d’une saga comptant parmi les plus longues de l’histoire de la Japanimation? De plus, il est à craindre, vu la situation politique internationale tendue, que cette série crée une polémique dont on se passerait bien
Cet article s’attardera plus sur les à côtés de la série que sur sa présentation en tant que telle. Pour tous ceux désireux de lire un dossier complet sur Gundam et Gundam W, nous vous invitons à vous reporter au numéro 63 et 64 d’Animeland.
Présentation générale de la série
La série se décompose en deux parties. Tout d’abord, les Gundam remportent succès sur succès en écrasant les forces de Oz. Mais le Colonel Treize, qui dirige l’organisation, manipule les Gundam qui détruisent l’avion dans lequel se trouvait des pacifistes favorables à la paix avec colonies. Par la suite, il s’agira pour les pilotes de retrouver un sens à leur vie et de continuer à mener une action militaire contre Oz malgré un discrédit complet auprès des colonies elles-mêmes.
Ceux qui connaissent Gundam pourront noter que le synopsis de départ s’inscrit bien dans celui du premier volet. Toute la saga tourne en effet autour de ce conflit terre/colonies et de la lutte de rebelles contre des militaires. A ce niveau là, la série respecte un style scénaristique qui a fait ses preuves.
Toutefois, s’est posé pour les producteurs la question de savoir comment intéresser un nouveau public à cette vieille saga (celui des débuts ayant bien vieilli). La méthode qu’ils ont suivi n’est pas sans rappeler ce que les auteurs de Macross ont faits avec Macross 7, soit produire une série destinée à un public assez jeune mais où les éléments de l’histoires sont susceptibles d’intéresser le vieux fan complétiste. Reste, comme nous allons le voir que Gundam W s’entend parfaitement en soi
Quel impact pour la France ?
Gundam W a tout d’une série riche et complexe qui intéressera le fan de Robotech. On y retrouve des robots de combats, des intrigues politiques et des guerres idéologiques propres à la série culte américano-japonaise. Enormément de révélations, de nouveaux personnages et des retournements de situations sont à guetter au cours des épisodes. On peut donc s’attendre à ce que l’animé cible une audience de jeunes adultes et cherche à faire vibrer leur fibre nostalgique.
Quant à la question de savoir si cette série sera compréhensible par nous autres Français ( après tout la création du premier Gundam remonte à 1979), on peut s’estimer heureux que la série ne souffre d’aucun problème à ce niveau là pour la simple et bonne raison qu’elle se déroule dans un univers parallèle à celui de la série mère. Les créateurs de Gundam ont tout simplement décidés de repartir à zéro afin de ne pas écraser le spectateur sous des références incompréhensibles. Et ça a marché! La série a cartonné, donnant même naissance à un film et une OAV.
Le spécialiste de Gundam, pourra quant à lui s’amuser à relever de nombreux clins d’oeil à la série d’origine, comme le personnage de treize qui porte un masque semblable à celui de Char Aznable, ou le caractère vindicatif et rebelle de Heero qui rappelle celui de Amuro Rei… .
Donc tout à l’air parfait dans le meilleur des mondes, non? Et bien non justement. Tout d’abord, on ne pourra que ressentir un certain agacement lorsque l’on sait que le choix de la série n’a pas été motivé par sa qualité intrinsèque, mais uniquement parce que la série cartonne au USA. Pendant combien de temps devra t’on subir un diktat américain au sujet des séries japonaises à diffuser. Après Pokémon et Digimon, voici donc Gundam… Heureusement qu’il ne s’agit pas d’une énième série de monstres. En fait, mis à part Card Captor Sakura (et encore, la série est affublée d’un générique infantilisant), les responsables de chaînes n’essayent visiblement pas de chercher une série dont ils pourraient espérer faire un succès. Ici, on sort sans bruit une série qui, puisqu’elle a cartonnée chez les Américains, devrait tout de même fonctionner. Cette façon de faire, bien différente d’un éditeur vidéo qui doit se poser de nombreuses questions d’ordre commercial et artistique lors d’une sortie, prouve que les responsables des chaînes n’ont pas évolué. Par ailleurs, tous les personnages de la série porte des noms de chiffres! Un exemple : Duo Maxwell, Trowa Barton (prononciation japonaise de trois), Quatre Raberba Winner… vous saisissez le truc? M6 ayant décidé de respecter les noms originaux, on ne peut qu’espérer que les spectateurs ne se sentirons pas pris pour des imbéciles. On peut s’en laver les mains, mais de la qualité de l’adaptation et du sérieux de l’ensemble dépendra là encore l’adhésion d’une grande part du public. Public qui, s’il est conquis et fait de l’audience, pourrait donner des idées aux dirigeants de nos chaînes hertziennes. Toutefois si on laisse les noms des personnages de côté, il faut reconnaître que le doublage est plus correct et plus travaillé que ce qu’on a pu entendre sur Canal+ (Escaflowne, pour ne citer que lui, a été littéralement massacré).
Autre souci, il faut bien reconnaître que la série accuse son âge. Par exemple, on pourrait presque avoir l’impression de se retrouver devant un animé des années 70 sur certains plans. La série semble en fait avoir subi un problème de sous traitance et ça se voit… Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ! Oui, le character design est excellent, tout comme le mechanical design d’ailleurs, mais des erreurs techniques viennent enlaidir le résultat. Pour point de comparaison, c’est vraiment loin d’être aussi beau qu’Evangelion…
Qui plus est, il faut bien avouer que la série frôle souvent le ridicule. Un exemple? Dans une scène mémorable, Heero (dont le jeu d’acteur n’est pas sans rappeler Jean-Claude VAN DAMME) lance, sérieux comme un pape, un “Je vais te tuer” à Relena Peacecraft qui vient de l’inviter à sa soirée d’anniversaire (!). Cette dernière roule du reste dans une limousine rose (!) et où qu’elle aille, toutes les jeunes filles qui s’y trouvent s’empressent de venir lui témoigner du respect (! à nouveau). Et, on pourrait continuer comme cela longtemps. Là encore, ça s’améliore grandement une fois que la série est lancée, mais quel va être l’impact de ce genre de scènes sur le grand public?
Toutefois, malgré un style visuel et scénaristique parfois déficient, Gundam W s’impose comme un animé suffisamment bien écrit et produit pour justifier qu’on fasse l’effort de le suivre. Ce sera donc à vous, les spectateurs, de faire connaître la série aux récalcitrants.
Une série à polémique?
Chacun sait que le monde a tremblé le 11 septembre. Des attentats meurtriers ont été perpétrés contre les Twin Towers et les américains ont été traumatisés. Or, et ce qui va suivre est un paradoxe complet vu le succès de la série aux USA, Gundam W est un animé qui est à la limite de l’apologie… du terrorisme! Explication : à la base, nos pilotes de Gundam arrivent sur terre pour détruire les centres de commandes et éliminer les dirigeants militaires d’une terre qui opprime ses colonies. Là, vous devez commencer à comprendre. Nos héros sont donc de jeunes terroristes et pas des “gentils”. C’est d’ailleurs vrai au point qu’on éprouve, au début de l’animé, une sensation de rejet les concernant. Il n’y qu’à les voir lancer d’un ton sinistre “Vous m’avez vu et tous ceux qui me connaissent doivent mourir” ou détruire des robots ennemis en éclatant d’un rire de dément pour se poser des questions : ce sont eux les héros? Encore plus fort, devinez le nom du personnage le plus charismatique et sympathique de la série… c’est le lieutenant Sechs! Du coup, on aurait tendance à se mettre du côté des “méchants”. Toutefois, les choses vont changer car au fur et à mesure de l’histoire, certains pilotes vont douter et peu à peu s’humaniser.
Le fameux paradoxe, c’est qu’aux USA, la série n’a toujours pas été supprimée! Pourtant, vu la censure qui s’exerce sur les chaînes (déprogrammation des Die Hard, problème de la bande annonce du film de Spider-man dans laquelle apparaîssent les tours jumelles), il paraît inconcevable que la série puisse passer entre les mailles du filet. Et pourtant, c’est le cas. Tout d’abord, parce que la série évolue et que le contexte politique de l’univers de Gundam détourne l’histoire de son sujet de base; et ensuite parce qu’un dessin animé, c’est pour les enfants, et que les censeurs n’ont pas du s’apercevoir du caractère problématique de la série. Du coup, on pourrait se demander si de tels problèmes pourraient toucher la série en France. Cela reste toutefois peu vraisemblable au vu de la position relativement mesurée de la France dans un conflit qui nous reste malgré-tout étranger. Il serait en tout cas regrettable que la série soit supprimée pour une telle raison (n’oubliez pas qu’elle est bien antérieure aux évènements d’aujourd’hui) mais tout aussi regrettable qu’elle jette l’opprobre sur les animé (il ne manquerait plus qu’on taxe la japanimation de pro-terroriste!).
En conclusion
Avec tout ce qui a été dit, vous devez vous demander si l’arrivée de cette série en France est une aussi bonne idée que cela. Et bien, la réponse est oui. Oui, parce que chaque animé nippon qui débarque chez nous, c’est autant de chance que d’autres suivent. Oui, parce que malgré ses défauts Gundam W est une série prenante et intense. Sa complexité a de quoi susciter chez les nombreux nostalgiques de Robotech la même ferveur. Oui, parce que le public de jeunes adultes auquel il est destiné est suffisamment mature pour comprendre ses références et ne pas les prendre au premier degré. Quant aux futurs détracteurs qui voudront jeter de l’huile sur le feu, vous avez assez d’éléments dans cet article pour leur clouer le bec. Après tout, personne ne vous demande d’éteindre votre cerveau lorsque vous regardez un animé….
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