Interview de Shigeto Koyama

Un big mecha designer au USA !

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Parmi ses « soldats de l’ombre », Shigeto Koyama à fait ses armes au studio Gainax (Neon Genesis Evangelion) et sur d’autres séries atypiques comme Gurren Lagaan, Kill la Kill ou Inferno Cop, durant de longues années avant de travailler pour… Disney ! Un parcours original que l’ont doit aux heureux hasards de la vie… et à un pote qui vous invite à diner !

(Note – Cette interview à été réalisée à l’occasion de Paris Manga en février 2015, lors d’une table ronde où plusieurs médias, dont AnimeLand, ont été invités. Les questions propres à AnimeLand seront nommées dans le texte qui suit)

Journaliste : Comment vous-êtes vous retrouvé dans l’animation japonaise ? Etait-ce votre premier choix de carrière ?
Shigeto Koyama : Ma passion première est le design en soi. J’ai commencé comme graphiste et c’est un ami travaillant à Gainax qui m’a demandé de lui donner un coup de main à la production des films Rebuild of Evangelion. L’assistant réalisateur ayant été très content de mon travail, je suis finalement resté dans la société à plein temps.

Journaliste : Comment en êtes-vous venue à travailler sur le projet Big Hero Six (NDR : titre original de Les Nouveaux Héros) ?
SK : L’un des réalisateurs du film, Don Hall, est venu au Japon pour se documenter et a acheté nombre de goodies à Akihabara. Il était accompagné par un interprète qui était un de mes amis. Il m’a invité à diner avec ce réalisateur et en discutant, Don Hall à sorti de son sac une figurine qui lui a particulièrement plu. Et c’était Heroman, que j’avais designé. Je fus engagé sur le champ ! Les hasards de la vie…

Journaliste : Est-ce que travailler sur un film Disney a été différent de travailler sur une production nippone ?
SK : Pas franchement. La différence principale étant que nous utilisions Skype pour parler avec le réalisateur des modifications à apporter à tel où tel design. Quel que soit le producteur, le réalisateur, que cela soit aux USA ou au Japon, peu importe, je me donne toujours à fond !

AnimeLand : Shinji Aramaki est un célèbre mecha designer qui est passé à la réalisation (Appleseed 3D, Starship Troopers Invasion). Et-ce aussi votre envie ?
SK : Bien sûr ! Vous savez, je suis quelqu’un de dévoué et je me mets entièrement au service d’une œuvre, et pour elle, je suis capable d’occuper tous les postes qu’on jugera bon de m’assigner : animation, character et mecha design, etc… Et si l’on me demande de réaliser, je répondrai présent sans hésiter.

Journaliste : Quels ont étés vos influences sur la création des design sur Inferno Cop, une série très atypique ?
SK : En fait j’ai participé à la création même d’Inferno Cop ! J’ai planifié la production, et bien entendu les concepts graphiques de base de la série. Après selon votre culture geek, vous verrez de suite les influences qui sont très évidentes. Par contre, on nous demande souvent si ce sont les comics américains qui nous ont inspirés. Eh bien oui… mais, non ! En fait ce sont les jouets tirés des comics américains qui nous ont inspirés ! Vous voyez la différence ? Et c’est pareil pour Kill la Kill ! Et tant pis si nous avons dépassé la quarantaine dans l’équipe de production : nous restons des grands fans de jouets !

Journaliste : Quelle est la différence entre le travail d’un designer classique et celui d’un designer pour spécifiquement l’animation ?
SK : Par exemple, récemment, j’ai travaillé sur le design de voitures de rallye pour la compagnie Good Smile avec comme mascotte la célèbre Hatsune Miku ! Même si j’ai une longue expérience dans l’animation, on me propose de plus en plus des travaux en dehors même de ce média, et donc très différents. Je suis designer avant tout, et c’est mon métier de m’adapter !

Journaliste : Pouvez-vous nous parler des mangas sur lesquels vous avez travaillé ?
SK : Pour l’un d’eux, Saraba Seichin Yukari, je me suis inspiré d’un film où l’on voyait le chanteur Sting rouler en Vespa : Quadrophenia (1979 – Angleterre). J’étais totalement inexpérimenté en tant qu’auteur de manga et maintenant que j’ai une certaine expérience dans l’animation, je pense que je pourrais faire beaucoup mieux aujourd’hui. Ce manga ne fait donc pas partie de mes fiertés, hélas…

Journaliste : Vous avez travaillé sur les films Rebuild of Evangelion et il semble pourtant que la production du 4ème film devant conclure la saga, n’a toujours pas commencée. Hors celui-ci est toujours annoncé pour une sortie en hiver 2015 ! Qu’en est-il ?
SK : Je n’en sais rien. Non en fait, faisant partie de l’équipe de production de ce film, je suis tenu au secret…

Journaliste : Et pour votre participation au 3ème film ?
SK : Là je peux en parler. J’ai travaillé essentiellement avec le character designer Yoshiaki Sadamoto (Nadia, le secret de l’eau bleue, Summers Wars) sur les création des plug suits et les tenues spatiales, plus les univers/décors autour des personnages principaux.

Journaliste : Quel est votre processus de création ?
SK : Prenons l’exemple de Star Driver, quand le héro monte dans son robot, il se transforme en chevalier, et le robot doit suivre cette transformation. Donc je prends comme concept de départ une esthétique « chevaleresque ». C’est pour ça que par exemple, l’un des robots du dessin animé a une allure de « lion », car c’est l’image que je me fais de la chevalerie, la royauté, l’esprit même de la chevalerie, etc… Donc je fais des mecha en fonction aussi des personnages, ce qu’ils représentent, ce qu’ils sont, etc…

AnimeLand : Au final, avez-vous aimé Big Hero 6 ? Et quelle est votre scène préférée ?
SK : (Attention, SPOILERS !) Oui, je l’ai aimé car je connaissais également le comics original ! Et une des scènes qui m’à le plus frappé est quand le héro demande sciemment à son robot de tuer le méchant ! Pas le capturer, ou le frapper, non ! Il veut le TUER ! C’est une première très audacieuse dans un film Disney ! Ils ont brisé un tabou à ce moment-là. Et il y a la scène post générique, qui démontre le profond respect qu’a Disney pour l’un des piliers de Marvel, malgré que le premier a racheté le second. Moi qui suis un grand fan de comics, j’ai beaucoup apprécié cette marque de respect !

Journaliste : Quelles sont les différences de conditions de travail entre différents studios comme Gainax ou Bones par exemple ? Qu’est-ce qui vous motive à travailler pour l’un plutôt qu’un autre ?
SK : L’humain ! Ce n’est pas un question de choisir tel ou tel studio, je ne travaille pas pour une entreprise, mais avec des gens. Par exemple, j’ai travaillé pour Gainax parce que c’est un ami qui m’a demandé de l’aider, je vous le rappelle. Et si le travail est intéressant, c’est encore mieux ! Et j’irais même plus loin : vous êtes là autour de moi, il y a mon interprète, etc… que va t’on pouvoir faire par la suite ? C’est ça aussi qui peut être intéressant. Je suis capable de refuser de travailler pour un prestigieux projet, avec un super réalisateur, une équipe incroyable, etc…. tout simplement parce que je ne connais personne parmi eux ! En fait je me considère comme un soldat au service d’un roi (un réalisateur par exemple), et si je ne crois pas à la cause de mon roi, comment puis-je donner le meilleur de moi-même ?

Journaliste : D’où vous sont venues les idées de design sur Gurren Lagaan, comme celle d’imbriquer les robots les uns dans les autres ? Quel est votre meilleur souvenir de cette production ?
SK : Je n’étais pas à l’origine du mecha design, c’était monsieur Yoshinari qui en était le créateur à la base, je n’étais que son assistant. Pour l’idée de l’assemblage, c’est venu du réalisateur même qui je pense s’est inspiré des jouets de robots des années 80. Vous savez ces robots qu’on assemblait pour en faire des robots de plus en plus gros et puissants.

Journaliste : Quelle est la différence entre un character designer et un mecha designer ?
SK : Pour moi c’est le même métier ! Pour un animateur, tout est vivant, tout peut « bouger », même un décor ! Si on dessine une forêt et que des oiseaux s’envolent des arbres, toutes les branches, feuillages, etc… vont bouger, se mettre à vivre. Un mecha c’est aussi un personnage, il transmet la personnalité de son personnage. Quand Hamuro rentre dans son Gundam, on « voit Hamuro». Quand Lupin dans Le Château de Cagliostro entre dans sa Fiat, on « voit Lupin». Le mecha est un prolongement, une extension du personnage. Et même quand je regarde ce micro pour l’interview, je « vois » un personnage.

Journaliste : Vous et monsieur Suchio (Kill la Kill) êtes reconnus parmi les meilleurs de la profession. Que pensez-vous du travail de votre collègue justement ?
SK : C’est mon opposé ! Je suis très logique, cartésien, dans mes designs. Lui a plutôt cette folie presque animale, cette étincelle qui va jaillir de tous les côtés dans ses créations ! Quand on a commencé à travailler ensemble, je me suis demandé comment j’allais m’en sortir ! Et il est direct parti dans ses délires, on ne pouvait plus l’arrêter ! Mais bon, il est comme ça et c’est ça qui est génial avec lui !

AnimeLand : Au USA, dans les films surtout, le mecha design est très logique, très fonctionnel, limite froid. Alors qu’au Japon, on pense plus au design, a la ligne esthétique. Que pensez-vous de cette différence ?
SK : Le truc c’est qu’aux USA, ils veulent rendre leur robot le plus réaliste possible. Donc ils les complexifient énormément jusqu’à ce qu’on comprenne plus à quoi ils servent quand on les regarde ! Au Japon, on pense à rendre fluide et compréhensible du premier coup d’œil la fonction d’un robot ! On doit deviner du premier coup d’œil la fonction première d’une machine. C’est primordial pour nous.

Propos recueillis par KARA
Traduction : Bochew Emmanuel

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Kara