Jackie Niki Mumble Larson Chan

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C’est le cas concernant un des héros les plus charismatique de la bande dessinée japonaise, le City Hunter créé par HÔJÔ Tsukasa en 1985 dans les pages du magazine Shônen Jump. Depuis treize ans déjà le manga a son pendant animé à travers une série de 140 épisodes, 2 OAV, 3 TV Special et un film cinéma. Déjà, ce passage vers le mouvement a édulcoré le ton du manga : l’humour sous la ceinture est bien respecté, mais fini les coucous multiples et variés de SAEBA Ryô (sans parler des « restaurants végétariens » de la VF d’AB Productions qui n’étaient ni plus ni moins que des hôtels de passe dans la VO). A deux reprises, le cinéma hong-kongais s’est penché sur le cas du City Hunter : en 1992 avec Jackie CHAN dans le rôle titre, puis Michaël CHOW dans le Mr Mumble de 1995.

Il est désolant de constater que Jackie CHAN n’a rien à voir avec le héros de HÔJÔ, tant physiquement que dans ses attitudes. Le film n’apparaît dès lors que comme un énième prétexte aux pitreries de notre Chinois bondissant. Là où SAEBA Ryô sait faire la part des choses en sachant redevenir sérieux quand la situation l’exige, Meng Po (c’est son nom dans cette version…) ne sait visiblement pas se tenir, prenant la pose dès que l’occasion se présente sur fond d’une sorte de leitmotiv musical. Ainsi disparaît ce côté humain qui rendait le personnage si séduisant du point de vue de ses clientes. Et là aussi, ce cher Meng Po drague pour le principe, à l’image d’une secrétaire à qui il demande simplement le nom avant de s’éclipser sans aller plus loin dans la conversation. Quelques autres personnages propre à l’univers du manga sont présents mais font pâle figure face à leurs équivalents de papier, telle une Saeko qui ne sait que l’éviter plutôt que de tenter (une fois encore ?) de le manipuler, une Kaori suivie comme son ombre par un étrange cousin (n’était-elle pas une pauvre orpheline adoptée dans le manga ?) et un sombre joueur professionnel plus proche – dans l’utilisation qu’il fait des cartes – de Cat’s Eye que de City Hunter. Il est dommage que cette adaptation n’ait pas su jouer avec l’ambiguïté du personnage de SAEBA Ryô, volage et professionnel à la fois, quand on sait que Jackie CHAN est parfaitement capable d’être sérieux, à l’image de son Crime Story de 1993. On ne retiendra finalement de ce film qu’une scène – néanmoins d’anthologie – pastichant un jeu vidéo appelé à un bel avenir : Street Fighter II avec une Chun-Li plus vraie que nature (!)

De SAEBA Ryô, Michaël CHOW est plus proche physiquement, de par son statut d’ex-Monsieur Muscle chinois. En fait tout le film est assez proche du manga, certains détails étant poussés au point que les vêtement du héros se conforment précisément à ceux de la première série animée de City Hunter avec une justification assez hallucinante (une veste bleue pour garder le moral et un pantalon noir juste parce que c’est moins salissant…) expliquant que sa garde-robe ressemble à celle d’un Schwarzy dans Last Action Hero. Son holster et l’arme qu’elle contient respectent l’oeuvre originale, si ce n’est que le Colt Python du manga est un 4′ tandis que celui de Mumble est un 6′. Mais à leur décharge, on peut dire que le dessin de HÔJÔ hésite entre les deux, malgré un détail qui est toujours présent et qui vient confirmer la taille du canon (pour les spécialistes, cela concerne la bande ventilée). Mais surtout, le ton du film est sans commune mesure plus proche du manga que le Niki Larson de Jackie CHAN : par moments, on croirait vraiment être devant une case de HÔJÔ. On retrouve le côté cavaleur du héros même si en l’absence de Kaori, on peut se poser la question des interdits que s’impose Mumble face aux nombreuses avances dont il est l’objet. On retrouve également toute l’ambiguïté du personnage, qui n’hésite pas à se travestir, mais refuse de céder à un autre travesti. Sa façon de combattre, plus traditionnelle, est plus proche de celle SAEBA Ryô, retrouvant tout son sérieux à ces occasions, jouant ainsi sur des ruptures de styles qui sont une des spécificités du manga en général.

La construction narrative dévie peu, elle aussi, de celle de son modèle. Si le passé du héros est différent faute de temps (il a fallu 35 volumes à HÔJÔ pour le mettre en place…), les rapports avec la clientes conservent la même évolution avec en particulier une séquence tout en musique où se succèdent pitreries, séance de shopping et tentatives de voyeurisme à l’égard de sa cliente (regardez bien, elle chausse du 37). Dans ces deux adaptations, l’environnement du héros est différent, gardant dans chaque cas les personnages jugés intéressants, et il semble ainsi que Saeko soit la plus représentative puisqu’elle est présente à chaque fois. Cependant c’est encore dans Mr. Mumble qu’elle est la plus ressemblante, en la personne de la magnifique Françoise YIP, dans ses rapports avec Mumble, qui se résument effectivement à une dette de « siestes améliorées » que lui doit la femme flic. Autre élément qui participe au personnage de Saeko, son arme qu’elle dissimule à l’intérieur de sa cuisse (ici un Walther PPK), tout comme le bazooka et la destruction de masse qui l’accompagne permettent d’identifier un Umibozu plus vrai que nature, qui rougit quand une fille l’embrasse et arrive toujours au bon moment pour sortir notre héros du pétrin.Dernier élément rattachant clairement Mr. Mumble à l’univers de City Hunter : c’est une nouvelle technique secrète. Le canon à deux têtes, ou comment utiliser un Magnum.44 trafiqué au recul surpuissant…

Ces deux exemples montrent la difficulté qu’il existe à transposer fidèlement à l’écran avec de véritables acteurs un univers graphique sans limites techniques quand le vecteur animé s’y est déjà si bien prêté. On constate surtout le conflit qui peut exister quand la démarche est purement commerciale en voulant profiter d’un succès en l’adaptant à un autre univers se contaminant et en se dénaturant mutuellement au final.
«Que diable Jackie CHAN allait-il faire dans cette galère ?» (pardon Monsieur Poquelin…)

Mr Mumble, est disponible en français et en DVD chez AK vidéo

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