Le Kwaidan Eiga

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A partir de cette date, pas moins d’une dizaine de films de fantômes sont produits chaque année. Parmi eux, en 1964, Onibaba de SHINDO Kaneto met en place un labyrinthe de tensions sexuelles et de terreur primale qui va durablement marquer le public japonais. Presque au même moment sort Kwaidan, le monument de KOBAYASHI Masaki. Remportant le prix spécial du Jury à Cannes, cette histoire de spectres basée sur les récits de Lafcadio HEARN est merveilleusement bien servie par des décors surréalistes et une musique enivrante qui ne cessera par la suite d’être copiée.Dans les années 70, les “pink” et “blue” movies trustent tous les financements de l’industrie du cinéma nippon. Les films de fantômes tombent donc en désuétude, comme un bon nombre d’autres genres. Il faut alors attendre le milieu des années 80 pour que des productions horrifiques d’envergure voient à nouveau le jour, d’abord sur support vidéo puis massivement à la télévision dans des programmes spéciaux diffusés aux alentours de minuit.
C’est Toshiharu IKEDA qui, avec Death Spirit Trap, redonne des frissons au public grâce à une production cinématographique d’envergure. Ensuite, c’est au tour du réalisateur TSUKAMOTO Shinya d’épouvanter ses contemporains avec Tetsuo (1989). Mais ce sont ITAMI Juzo, qui réalise en 1995 Une existence tranquille, et KUROSAWA Kyoshi, qui met en scène Cure en 1997, qui annoncent l’avènement des “Ring-like”.

Jusqu’au milieu des années 80 les films de fantômes étaient majoritairement des adaptations de contes fantastiques chinois. Les spectres apparaissant sur ces bandes étaient majoritairement des femmes, quelquefois défigurées, arborant de longs cheveux noirs, portant une robe blanche et tenant leurs paumes en dedans (le dessus de la main étant symbole du Yin, énergie négative). Ring est l’héritier de cette tradition, qu’il modernisa en lui adjoignant un pan de critique sociale et des effets de style occidentaux.
Si le film de NAKATA est responsable du big-bang de l’horreur au Japon à la fin des années 90, cette explosion n’est pas sans similitude avec la vague des Kwaidan eiga des années 50. On retrouve en effet la même frénésie des producteurs pour promouvoir tout “objet” contenant frissons et mystères. On réadapte des classiques, comme Inugami de HARADA Masato. On invoque des faits divers récents. On fait même “vivre” les fantômes dans des objets contemporains tel que l’ordinateur (Kaïro de KUROSAWA Kiyoshi ). Se côtoient donc grosses productions, auteurs underground et cinéastes reconnus.
La Kadokawa Shoten fut la grande bénéficiaire de ce maelström artistique en produisant la plupart des films cherchant à exploiter le filon de l’épouvante. S’il faut citer quelques-unes seulement des soixante bandes vouées à l’effroi produites entre 1997 et 2002 ce sont, en vrac : Frame, The Mass Murders, Audition, Memento Mori, Cure, Ko-Rei, Kairo, Gemini et Black House qui retiendraient notre attention. De la très prolifique production underground émerge Crazy Lips, réalisé par Hirohisa SASAKI sur un scénario TAKAHASHI Hiroshi (scénariste des trois Ring). Mais c’est surtout Tomie qui parvient à fasciner. Doté d’une genèse aussi complexe que celle de Ring, Tomie est à l’origine un kowai manga très corsé où sexe, frustration, violence et isolement se mélangent dans un crescendo terrifiant. Toujours du même auteur, ITO Junji, le manga Uzumaki (1998) est adapté au cinéma par le “clipper” HIGUCHINSKI en février 2000.

Tous nos remerciements à Jean-Pierre DIONNET pour nous avoir autorisé à inscrire cet article dans notre dossier.

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