Les enfants de la Pluie

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Tout commença il y a un peu plus de vingt ans lorsque parait aux éditions Gérard de Villiers A l’image du dragon, roman fantastique de Serge BRUSSOLO. Il y est question de l’affrontement de deux peuples manipulés par des dieux nains dégénérés. Le réalisateur René LALOUX, connu pour ses oeuvres La planète sauvage (1973), Les maîtres du temps (1982) et Gandahar (1988), lit alors le roman et annonce son souhait de l’adapter en long métrage d’animation. Mais plusieurs soucis d’ordre budgétaire compromettent le projet et use l’enthousiasme de LALOUX. Le projet reste alors dans les mains du producteur Léon ZURATAS, dont la société de production Belokan détient les droits.

Entre en piste le réalisateur Philippe LECLERC, assistant de LALOUX sur Gandahar, formé entre autres par Paul GRIMAULT sur Le Roi et l’oiseau. Léon ZURATAS lui donne les clés du projet en 1997, charge à lui de le reprendre et de lui offrir une seconde chance. LECLERC s’entoure de Philippe CAZA, illustrateur de Science-Fiction renommé, qui fut character designer sur Gandahar et du scénariste Laurent TURNER, issu de la fiction télé. Tous trois effectuent une refonte totale de l’adaptation du roman de BRUSSOLO, et s’éloigne alors du premier travail d’adaptation de LALOUX. « Que les choses soient vraiment claires, insiste Philippe LECLERC, nous n’avons pas repris l’adaptation de LALOUX. Il ne s’agit pas d’un film testament ou d’une oeuvre inachevée par lui et finie par nous. Nous sommes partis du matériau originel, le roman de BRUSSOLO, et nous sommes arrivés à une histoire, Les enfants de la Pluie, qui en définitive est assez éloignée de l’univers très noir du roman. ». CAZA enfile lui la double casquette de directeur artistique et de dialoguiste. Philippe LECLERC, plus graphiste qu’illustrateur, a eu la charge de la mise en scène et de la supervision du projet en Corée.

Il a fallu cinq ans de développement dont deux ans de production pour venir à bout du projet qui coûta « environ 5% du Roi Lion, précise avec ironie Philippe LECLERC. ». Pour des questions de budget, le film a été presque entièrement réalisé en Corée du Sud, avec un studio coréen comme co-producteur à hauteur de 30%. La Corée, LECLERC connaît : lors de la production de Gandahar au milieu des années 80, il a passé plusieurs mois en Corée du Nord. « Ce fut l’enfer, se souvient-il, ils n’avaient aucun matériel, rien, pas même une gomme. Nous avons dû tout faire venir. Nous leur avons aussi fourni des ouvrages américains sur leurs méthodes d’animation, c’était pour eux un trésor insoupçonné. Les photocopieuses étaient interdites, mais nous avons quand même réussi à en apporter une. » Dix ans plus tard, c’est vers le frère du Sud que se dirigea Philippe LECLERC. « Là, l’expérience était totalement différente. Le confort et le professionnalisme tout autres. J’ai adoré travaillé avec les Coréens du Sud. J’aimerai énormément collaborer à nouveau avec eux. »

Lorsqu’un dessin animé européen est développé en Asie, il faut quelqu’un pour superviser l’animation car les codes sociaux et les méthodes de travail sont totalement différents. « Les coréens sont très pros, mais viennent au studio comme à l’usine. Ils ne prennent aucune initiative créative, se limitent à suivre le cahier des charges. Nous avons voulu changer cela, les encourager à s’approprier leur travail pour lui offrir davantage de vie et de personnalité. Ce ne fut pas facile. Pour les codes comportementaux des personnages, il y a eu là aussi un gros dialogue. Les coréens ne sont pas tactiles, il fut donc difficile de leur faire comprendre les gestes d’amitié, tape sur l’épaule par exemple, entre les personnages. Au début, le héros Skän démontait l’épaule de son copain Tob ! ».

LECLERC et CAZA ne cachent pas que les moyens limités n’ont pas forcément permis de réaliser une animation parfaite. Cette situation fait écho aux difficultés inhérentes du monde de l’animation en France, qui prend de l’ampleur mais ne reçoit pas forcément les moyens à la hauteur de ses ambitions et de ses possibilités en matière d’impact. « Nous ne savons pas quoi penser quant à l’accueil du film, s’il sera ou non un succès, analyse Philippe CAZA. La seule chose que nous savons c’est que nous avons voulu réaliser le film le plus sincère possible, avec ses qualités comme ses défauts. Pour le reste, il serait présomptueux de se positionner. » Cinquième dessin animé à se présenter sur les écrans en juin, derrière Interstella 5555, Les Triplettes de Belleville, Kaena et Le Bosquet enchanté, Les enfants de la pluie est celui qui effectue le meilleur démarrage dans les nouveautés du 25 juin. Il profite sans doute des premiers jours de vacances. Avec la chaleur, on ne peut que souhaiter du beau temps aussi sur les dessins animés français…

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