Le pays Reagrove projette d’unifier le Monde sous sa coupe. Le petit pays de Symphonia entre alors en guerre pour sa survie, puis pour protéger le Monde. L’affrontement oppose la pierre maléfique Darkbring à la pierre sacrée Rave. Le conflit se solde par la destruction des 2 camps. Rave s’éparpille alors en 4 sphères et un item en forme d’épée. 50 ans plus tard, le jeune Haru Glory, qui vit avec sa soeur aînée sur la paisible île Garage island, repêche Plue, sympathique créature singulière, détentrice de la force Rave et rencontre SHIBA, ancien héros qui jadis sauva le Monde. Ce dernier, conscient que HARU est l’élu, 2nde génération, ayant la capacité de manier la fabuleuse épée TenCommandments et de contrôler la force Rave, le pousse à parcourir moult contrées : Haru doit réunir les 5 fragments de Rave, vaincre l’obscurité menaçante, incarnée par les Demons Cards, et accessoirement lever le mystère sur la disparition de son père.
MASHIMA Hiro, né le 3 mai 1977 dans la préfecture de Nagano. En 1998, il est sélectionné pour la 60e édition du Grand Prix des nouveaux mangaka et soumet son titre Magician. En août de la même année, le magazine Fresh publie Bad Boys Song et en novembre Magician paraît dans le Shônen Magazine. Auréolé de ce succès, il entame en juillet 99 la série Rave qui le consacre aussitôt. Plus jeune, MASHIMA-sensei aimait beaucoup Dragon ball et Kinnikuman ! Son manga favori actuel est Bakugyaku Kazoku et le Maître envers qui il a le plus de respect est TORIYAMA Akira ! L’auteur et le directeur de publication se sont sûrement dit que c’est encore dans les vieux pots que l’on faisait les meilleures soupes ! A l’heure où les ténors de l’édition font pression sur leurs artistes fétiches pour ressusciter d’anciennes séries, Rave s’inscrit naturellement dans un compromis entre nostalgie et narration contemporaine. L’oeuvre peut être qualifiée, selon l’expression populaire en vogue, de ” très tendance “.
Rave renoue donc avec les grandes sagas action / aventure / humour fortement teintées fantasy, genre très prisé dans l’univers du RPG et du jeu vidéo. D’ailleurs, plusieurs games sont sortis sur consoles (GBA, NGC, PS1) sous l’impulsion de Konami. Sur ce dernier point, le manga Rave ne déroge pas à son rang et conserve ce côté non négligeable pour les aficionados ! Quête à mener, items à chercher, groupe à constituer et amitiés à honorer. Rien de bien transcendant au 1er coup d’oeil mais il fallait se renouveler, le dessiner et surtout le publier ! Les personnages sont consistants (tout est relatif !), le mystère plane sur certains d’entre eux. Chacun a sa part de peine, de combats à gagner, de devoirs à accomplir, ce qui les rend attachants. A l’origine, la majorité sont des êtres normaux qui tirent leur force via pierres magiques ou armes conventionnelles. Le contenu des pages est distrayant et s’efforce de satisfaire un public friand d’histoires liées à l’évasion, caressant l’imaginaire. Le manga remet au goût du jour le désir de voyages, de rencontres, de justice démocratique, le tout servi par un style relâché. Contrairement aux productions similaires, les scènes d’affrontement ne dure pas une éternité (du moins pour l’instant !). En recourant aux 2 facteurs que sont le groupe et l’aventure, Rave attire un public en quête d’évasion et parvient à le mobiliser autour d’un objectif commun : la sauvegarde du Monde.
Le « groupe » constituant l’élément essentiel de la société japonaise est organisé autour de l’amitié, du rapport au travail ou du voisinage. Le manga reflète souvent la société et incarne une sorte de guide pratique pour la conduite. La plupart des manga pousse à se lier d’amitié avec autrui et vante les mérites d’aller voir ce qui se passe à l’extérieur. Ce qui est paradoxal car, généralement, la majorité des loisirs s’exerce seul (lecture, jeux vidéo, jardinage !). Enfin bref, le groupe est une forme imposée par le système depuis l’école maternelle et façonne le regard sur le Monde et le respect de la hiérarchie. A l’instar de Saint Seiya, l’amitié, et par extension la confiance, occupe une large place dans Rave. Haru possède un fort sentiment de justice et hait tout ce qui n’est pas droit. S’il décèle un bon fond, Haru s’attache vite à la personne. C’est souvent cette pureté du coeur qui touche ses partenaires et ébranlent ses adversaires. Sa grande sensibilité le fait pleurer à chaudes larmes quand il entend une histoire triste ou est le témoin d’une scène touchante. Elle décuple ses forces lorsqu’il est face à l’injustice, à la méchanceté, au désarroi d’un ami. Cette sensibilité provient assurément de l’éducation dispensée par sa soeur. Il offre rapidement son amitié à Plue et Shiba. La charmante Elie a une forte personnalité, son signe est la Heart Kreuz, son vice le jeu, et ses armes de prédilection sont les gan’s tongfer M644 ! Elle devient la 1ère véritable amie du héros. Par la suite, ils rencontrent le voleur professionnel Musica qui tanne les fesses des sous-fifres de l’organisation Demons Cards à ses heures perdues. L’amitié virile qui unie Haru et Musica mêle entente et compétition. Musica puis Leg sont très protecteurs vis-à-vis d’Elie (un trait qui se retrouve chez les membres masculins du groupe, alors que c’est sans doute la jeune fille qui détient la puissance absolue, certes cachée !). La concurrence, les épreuves traversées, les réponses apportées stimulent la confiance entre les membres, empêchent de faire n’importe quoi et encouragent l’entraide, la solidarité chez ceux dont le sort dépend des autres. L’importance de l’amitié s’inscrit dans la longévité et le désir de la sauvegarder.
Haru et Musica sont certainement les 2 personnages entre lesquels la confiance est totale. En cas de difficulté, l’aide apportée est dénuée d’égoïsme. Ils se charrient mutuellement, juste pour la forme ! Les querelles se résolvent vites, les discussions sont franches, la confiance réciproque naît et la fidélité en découle logiquement. Rave, comme bon nombre de shônen, draine de saines valeurs. Le manga enseigne à travers l’image et le verbe les bases essentielles qui structurent la société japonaise. Certains manga remplacent les parents ! Le sacrifice de soi est chose honorable quand il s’agit de sa famille, de ses amis. Même si chacun se targue d’avoir un but personnel (sauf Haru), force est de constater que le temps passé ensemble et l’objectif commun permettent l’épanouissement des capacités et des vitalités au sein et pour le groupe.
Haru hérite de l’épée TenCommandments, arme évolutive aux 7 aspects différents et autant de caractéristiques, qui tire sa force de la pierre Rave. Sa forme de base est Eisenmeteor. Haru n’aime pas tuer, le combat face à Lance le prouve. Il préfère briser la lame créée par un vieux forgeron et responsable de la mort de sa famille, pour libérer l’artisan du poids de la culpabilité. L’auteur assure que Rusha et Haru ont un point de tangence imprévu et ne sont pas seulement les fils respectifs de King et Gale. Un implant le laisse présager : Haru fait un rêve où il assiste à la condamnation de Resha, 200 ans sans parole, à errer dans un lieu désertique, pour un crime odieux mais néanmoins mystérieux. Au même instant, Rusha fait un songe identique. Quant à Gale, le père de Haru, son histoire est rocambolesque et dramatique à la fois. Suite à l’anéantissement de son pays, le souverain de Symphonia, accablé par la solitude, se lie à une femme lors d’une expédition à l’étranger : la mère de Gale. Il y a 25 ans, King et Gale créent les Demons Cards. Voyant que l’organisation recrute trop de guerriers, Gale la quitte pour s’établir à Garage island où il fonde une famille. Après 10 ans de bonheur, il apprend que les Demons Cards menent une politique de terreur sur le continent et décide d’arrêter King, se sentant coupable de l’avoir abandonné. L’ancien acolyte refuse de cesser sa marche, Gale le livre aux autorités dans un souci de justice mais celles-ci exterminent la famille de King. Fou de douleur, ce dernier tue la femme de Gale, lui faisant ressentir la douleur de perdre les siens, puis il place une Darkbring dans le visage de son ex-complice. La menace de causer à tous moments de graves dégâts autour de lui plane sur Gale, il s’isole donc pendant 10 ans, arpentant le désert pour éviter la destruction de Garage island. Lors de leur ultime duel, King se suicide après lui avoir ôté la pierre maléfique. Ayant depuis peu renoué avec Haru, Gale se sacrifie pour sauver sa progéniture. Si Gale signifie ” coup de vent “, en revanche Haru veut dire ” printemps “. et par extension rappelle la brise printanière apportant paix, réconfort et sentiment de bien être. Elle est assimilée au renouveau de la nature et c’est ainsi que la quête de Haru and Co apparaît au lecteur : une paix durable façonnée par de drôles d’artisans ! Ceux-ci ne font pas dans la dentelle…et heureusement !
Elie et Sieg Hart sont sans doute les plus intéressants (Rusha n’est pas mal non plus mais à l’heure actuelle son rôle est encore flou). Voilà 1 an, Elie perd la mémoire. A son réveil, elle remarque tatoué sur son bras une inscription qu’elle pense être son nom. Sieg Hart, Maître des éléments et Gardien du ” Temps “, est celui qui semble en connaître long sur la situation passée, présente et sur Elie en particulier. Il révèle qu’à l’origine seule Resha (créatrice de Rave) manipulait la terrible force Etherion. A la disparition de la ” prêtresse “, l’ami Sieg Hart devait éliminer tous ceux qui poursuivaient les recherches sur cette force. Le tact ne faisant pas parti de la panoplie du gentleman, il apprend froidement à Elie qu’elle est en réalité un numéro, un simple cobaye (Elie peut se lire 3173 à l’envers). Elle doit mourir par sa main afin de préserver le ” Temps ” déformé. Cependant elle échappe à la mort. Le pouvoir qui sommeille en elle est pernicieux. Etherion est aussi bien la Création que la Destruction. De plus, Resha est décédée en l’utilisant, est-ce le destin d’ Elie ? Sieg Hart s’aperçoit que la force se réveille au contact de Rave, donc Haru. Il décide de les évincer afin que le Temps ne soit plus affecté mais se ravise (un beau ténébreux au coeur tendre !). Le rassemblement des 5 Rave, cumulé avec Etherion est essentiel pour débloquer la ” Mémoire des étoiles ” et vaincre la Darkbring. L’emblème de Symphonia, l’inscription ” Elie -3173 “, et la pierre Rave renforcent l’idée de la rencontre préméditée entre Elie et Haru. La solitude de la jeune fille s’efface peu à peu et la gentillesse dont fait preuve ses amis à son égard la libère de l’angoisse du passé et de l’avenir. Dernier arrivé dans la bande, Let, affilié au peuple-dragon, veut tuer Jegan, Maître des dragons, car il croit qu’il est l’assassin de sa belle : Julia. Il apprend de la bouche de Jegan qu’elle n’est pas morte. Ce dernier a simplement mis en scène un fantôme afin de se l’accaparer. Perturbée, la belle s’est métamorphosée en dragon suite à un rituel mal célébré. Mashima-sensei voulait-il rendre hommage à Hokuto no Ken ? Enfin, la sculpturale Reina (influence graphique : la pin up de Tex AVERY), l’un des 6 Généraux Demons Cards ayant le label Darkbring, souhaite récupérer la dernière oeuvre de son père : une arme redoutable selon Musica. L’artiste est décédé suite à un interrogatoire musclé de son gouvernement. Reina accuse le parent adoptif de Musica d’avoir volé l’objet et d’être à l’origine de sa souffrance. Haineuse, rancunière et torturée, un savoureux cocktail dans un corps de rêve !
Le trait de Rave est simple, parfois rond, a toujours le mérite d’offrir un visuel direct. Des similitudes sont notables avec le design de One Piece. Certains affirment que Rave est graphiquement moins abouti… N’oublions pas que MASHIMA-sensei s’inspire de TORIYAMA-sensei, par conséquent il bannit les coups de crayons superflus, c’est un parti pris. L’auteur préfère se rabattre sur l’habit, les ornements corporels, les accessoires. En effet, les années 90 ont engendré un intérêt croissant pour la mode au Japon. Les mangaka se devaient de coller au mieux à la réalité, de répondre à la demande, lançant même leur propre collection via le support papier. Notons que l’auteur marque la distinction entre la 1ère (Shiba, Gale, King, Clea Maltese) et la 2nde génération (Haru, Elie, Musica). Si les anciens endossent les tenues issues de l’heroïc-fantasy, la nouvelle vague a un accoutrement plus décontracté, proche du lectorat visé. Un cri du coeur de MASHIMA-sensei ” les vieux au placard ! A présent, place aux jeunes ! “, sans pour autant renier les actions des illustres prédécesseurs. Le contraste vestimentaire souligne indirectement le passage du 20e au 21e siècle. De plus, l’atout mode attire les jeunes adultes. Ainsi, MASHIMA-sensei suit sa logique et retranscrit les vêtements, les usages, propres à différents types de musique et y apporte sa touche personnelle. Les lieux sont imprégnés de cet univers (South of Song continent, Hip-hop town, Punk Street). L’auteur a aussi choisi des noms aux consonances hispaniques et italiennes : Reina, Oracion Seis, (le nom des 6 généraux Darkbring vient d’Espagne), Cattleya (la soeur de HARU) est le nom d’une espèce d’orchidée occidentale, Clea Maltese… En ce qui concerne Musica (origine italienne), l’auteur avait dès le début envie de créer un nom évoquant la résonance mais n’avait pas encore d’image en tête ! Finalement, il l’attribuera à 2 personnages. L’adorable Plue a failli s’appeler ” Tarô le suceur ” (clin d’oeil à son habitude de tout mettre à sa bouche) ou ” Kompo ” !
La structuration des planches est sans surprise. L’auteur trace juste quelques prises de vues originales notamment pour montrer Reina ou Elie sous toutes les coutures. Quant aux mecs, ils posent. Toutefois, la bonne humeur se dégage des cases. Détail amusant, le nom de la pierre sacrée (et du manga) Rave est composé des 2 lettres occupant les extrémités du nom et du prénom de sa créatrice alias RESHA VALENTINE. MASHIMA-sensei invente et dessine des symboles via tatouage, marque de naissance, logo, emblème de clan (kamon). Il y a environ 12.000 sortes de kamon au Japon, représentant une plante stylisée ou un signe de bon augure. Dans le domaine de l’art traditionnel (Kabuki, Nô, Bunraku, etc.) le kamon est visible sur le kimono des artistes. Les familles ordinaires ont presque toutes leur kamon. Il apparaît lors des cérémonies comme le mariage ou les funérailles.
Le mangaka affectionne les tatouages ou marques de naissance et en décorent ses persos (Elie, Musica, Sieg Hart). Le tatouage corporel (bunshin), rituel (horimono) ou discriminatoire (irezumi), tire son origine du Japon ancien, terrain favorable à la magie et au chamanisme. A la Restauration de Meiji, ils furent interdits. Pourtant, le Roi George VI et le Tsar Nicolas II se firent tatouer à Yokohama ! Aujourd’hui, le tatouage est assimilé aux yakuza.
Rave continue de charmer le lectorat japonais car le titre est commercial mais apporte une nouvelle vision du monde dit fantasy. Une bonne Rave party sans les effets secondaires !
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