Samouraï Seven VS Samouraï Champloo

Il ne peut en rester qu'un !

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Pour y répondre, il faut souvent attendre des mois avant de lire des articles plus complets sur l’oeuvre entière. Alors parfois, pourquoi ne pas se faire une première petite impression, certes temporaire, mais qui au moins donnera un avant goût de l’oeuvre choisie…

Aujourd’hui, nous allons découvrir deux oeuvres télévisuelles nippones, annoncées comme des blockbusters et basées sur le genre du Chambara (1) : Samuraï Champloo (1ère diffusion TV le 19 mai 2004, sur Fuji TV ; 17 épisodes) et Samuraï Seven (1ère diffusion TV le 12 juin 2004 sur SkyPerfect TV ; 26 épisodes). Chacun d’entre eux va réinterpréter à sa manière ce genre si codifié, afin d’en donner une version modernisée pour l’un, fantastique pour l’autre. Etude comparée, d’après les 10 premiers épisodes.

La production

Samuraï Champloo

Produit par le créateur de la série TV Gunslinger Girl, Samuraï Champloo s’offre un staff prestigieux. En tête, deux transfuges issus de la série TV de Cowboy Beebop : le réalisateur WATANABE Shin’Ichiro, et le scénariste SATO Dai (Casshern, le film live).

Samuraï Seven

Produit par le prolifique Studio Gonzo (Last Exile, Blue 6), Samuraï Seven est réalisé par TAKIZAWA Toshifumi (Big Wars le film). La direction artistique revient au célèbre OGURA Hiromasa (Ninja Scroll, Ghost in the shell). Samuraï Seven bénéficie du budget record de 300 000 dollars par épisode, soit le triple d’une série telle que Gunslinger Girl !

Le scénario

Samuraï Champloo

La série vise à moderniser le genre du chambara en mixant plusieurs genre hétéroclites : Hip-hop, street wear, grunge, etc… Japon, XIXe siècle : sauvés in extremis de la peine capitale grâce à une jeune fille nommée Fuu, les samouraïs Mugen et Jin se mettent en quête d’un mystérieux guerrier que pourchasse notre héroïne depuis des lustres. La traversée du Japon sera pour eux l’occasion de vivre de nombreuses aventures. À partir d’un tel point de départ – classique – que peut-il ressortir d’original ou de nouveau ? Samuraï Champloo ne parvient que très rarement à transcender son matériau d’origine, pour atteindre la fameuse fusion chambara/hip-hop attitude tant annoncée. La faute à une psychologie trop succincte des personnages mais aussi et surtout à des scénarios vus et revus mille fois dans des oeuvres bien antérieures…

Samuraï Seven

Nanti d’un double concept audacieux, Samuraï Seven est en un remake steampunk/héroïc fantasy du grand classique cinématographique de KUROSAWA Akira, Les Sept Samouraïs (1954). Dans la lignée d’anime tels Vision d’Escaflowne ou Last Exile, Samuraï Seven tente de ressusciter les grandes épopées filmiques du siècle dernier. Contrairement à Samuraï Champloo, Samuraï Seven s’apparente plus à un feuilleton (avec une trame unique) qu’à une succession de récits autonomes.

Dans une Asie héroïc fantasy, des bandits armés de robots géants pillent les réserves de riz des villages isolés. Pour se défendre, les villageois vont demander à la prêtresse Kirara d’user de ses dons de medium pour recruter des samouraïs. En effet, dans un monde où la technologie permet de faire voler des robots – voire des châteaux -, une denrée aussi basique que le riz peut parfois revêtir un intérêt stratégique et commercial… inattendu ! Samouraï Seven, c’est avant tout une galerie de personnages aux caractères bien trempés. Quant au scénario, s’il semble au départ assez linéaire, on découvre au fur et à mesure les enjeux politiques et commerciaux d’une société dirigée par des marchands considérant les samouraïs comme de vulgaires reliques… Tous les ingrédients semblent réunis pour faire de ce « remake » une bonne série d’aventures certes classique, mais efficace.

La mise en scène :

Samuraï Champloo

À force d’être trop timide dans ses prises de risques à moderniser un genre codifié, Samuraï Champloo se retrouve trop souvent pris entre deux feux ! La mise en scène manque ainsi de style. La seule idée originale consiste en des scratches musicaux parfois synchronisés avec le montage filmique. On passe ainsi d’une scène à une autre en « scratchant » littéralement la musique mais aussi l’image ! Original… mais pour le reste des « nouveautés », il faut plutôt voir du côté de la bande son et de l’animation. Cependant, ce manque d’audace est tempéré par le dynamisme de la mise en scène, surtout lors des nombreuses scènes d’action et de comédies. Les combats d’épée sont ainsi de véritables prouesses techniques, mises en valeur par un format 16/9e de bon aloi.

Samuraï Seven

À Hollywood, on distingue les réalisateurs auteurs (TARANTINO, Michael MANN…), et ceux que l’on appelle communément les « faiseurs », à la mise en scène académique (Ron HOWARD, Joe JOHNSTON…). Le réalisateur TAKIZAWA Toshifumi appartient donc à cette seconde catégorie. Sa mise en scène sur Samuraï Seven rend hommage aux séries TV nippones d’aventures des années 80-90, lui conférant un côté « nostalgique » (selon le studio, le public visé se situe entre 12… et 40 ans !). Efficaces et lisibles, les scènes d’action alternent grand spectacle et combats au corps à corps. On voit ainsi de « simples » hommes découpant des robots géants avec des sabres ; des cyborgs grincheux démolir des quartiers entiers ; des courses poursuites débouchant sur des chutes vertigineuses dans les tréfonds d’une ville mélangeant à elle seule 10 siècles d’Histoire ! Au moins, on ne s’ennuie pas.

Aux pseudo risques formels pris par Samuraï Champloo, Samuraï Seven préfère donc l’académisme du divertissement tout public. Prudence, suite à un investissement financier qui aurait pour but une rentabilisation à l’international ? Et donc devant viser un public le plus large possible ? Possible, oui…

Graphisme et animation :

Samuraï Champloo

Afin de sauver (inconsciemment ?) ses meubles, la série adopte un graphisme dynamique et détaillé, animé avec grand soin. Les décors affichent des ambiances colorées, raffinées, et un grand nombre de détails agrémentés – rarement – d’effets numériques réussis (filtres colorés, images de synthèses). Au niveau du chara design, les traits sont expressifs, et chaque personnage possède sa propre gestuelle. Pour exemple, la technique de combat de Mugen est une fusion parfaite entre escrime… et break dance ! Certains autres personnages semblent avoir des traits afro-américains. La série se permet également quelques anachronismes vestimentaires telles que des lunettes de soleil ultra design -, et autres accessoires de mode très street wear. Si ces éléments concourent à un certain modernisme de l’univers du Chambara, ils ne sont là qu’en quantité trop infimes. Formellement, Samuraï Champloo est un dessin animé certes luxueux et somptueux, mais finalement très académique dans son esthétisme…

Samuraï Seven

Où est passé l’argent ? Voilà la question que l’on pourrait se poser à la vision de cette série au budget colossal. En effet, le dessin des personnages est très simple (mais efficace) dans ses traits et sa mise en couleurs. Parfois, le chara design change du tout au tout pour nous offrir des dessins ressemblant à une oeuvre de… Bill PLYMTON (L’Impitoyable Lune de Miel) ! De facture honnête, l’animation s’offre quelques morceaux de bravoure, notamment lors de certaines scènes d’action plutôt spectaculaires. Mais on est loin de la virtuosité technique des scènes de chambara de Samuraï Champloo. Les décors sont en revanche parfois très détaillés, offrant des visions architecturales grandioses. Les images de synthèse du Studio Gonzo, se sont améliorées au niveau de la qualité et de l’intégration 2D / 3D, mais on est très loin du foisonnement gargantuesque d’une série TV comme Last Exile. Si cela reste sympathique, la technique ne dépasse que très rarement le cadre d’une bonne série TV de facture classique. L’argent ne fait pas tout…

Bande son et générique :

Samuraï Champloo

Si le générique, composé par Nujabes feat, Battlecry, consiste en une sorte de soupe hip hop/rap, avec un « chanteur » japonais imitant un accent américain de pacotille, les images l’illustrant sont magnifiques, très détaillées et animées avec virtuosité. La bande son du dessin animé même relève nettement le niveau : comme dans Cowboy Beebop, on retrouve de nombreux styles musicaux (hip hop, reggae, symphonique, jazzy, funky, etc…).

Samuraï Seven

Après un générique pop prévisible, la bande son de Samuraï Seven fait dans le classique (symphonique tonitruant la plupart du temps, mais sans réelles mélodies mémorisables), nanti parfois de rythmes ethniques nippons de fort bon aloi. Efficace mais sans grande originalité, la musique de cette série composée par HAYASHI Aitetsu (Dagger of Kamui) ne marquera pas particulièrement les fans, mais reste agréable à écouter.

Conclusion d’une première impression

Samuraï Champloo

Après 10 épisodes, on ne peut dire s’il s’agit d’un pétard mouillé. Somptueux d’un point de vue formel, la série oscille trop souvent entre modernité timide et chambara académique. Avec une telle idée de départ, la mise en scène aurait du s’orienter vers un trip scénique aussi barge qu’une OVA de Fuli Culi. Seulement, Samuraï Champloo parvient seulement à être un très beau dessin animé de samouraï… de plus.

Samuraï Seven

Dans le même registre héroïc fantasy / steampunk, Vision of Escaflowne ou encore Last Exile sont beaucoup mieux. Loin d’être le blockbuster tant annoncé, cette petite série reste malgré tout agréable grâce à son univers riche et original, propice à de nombreuses péripéties. Samuraï Seven se contente donc de nous offrir un spectacle honnête et distrayant, mais en dessous des possibilités qui lui étaient offertes au niveau financier…

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A propos de l'auteur

Kara