Sport-Chanbara

0

AnimeLand : Pouvez-vous vous présenter ?

Sur le salon ” Japan-Expo “,nous représentons la Fédération Française de Judo, Kendo et Disciplines Assimilées (F.F.J.K.D.A.) et plus précisément, le Comité National de Kendo (C.N.K.).

Celui-ci, organe de la F.F.J.K.D.A., fédère toutes les activités d’escrimes japonaises qui sont au nombre de cinq :

le Kendo (l’activité la plus connue, pratiquée avec un sabre de bambou (shinaï) et

protégé par une armure)

le Iaïdo (l’art de rendre le sabre efficace en le sortant du foureau)

le Naginata (similaire à la pratique du Kendo mais pratiqué avec une lance de 2m40)

le Jodo (utilisation d’un bâton (Jo) contre un sabre (Boken) (technique née de la défaite du célèbre samouraï GONNOSUKE Muso contre le ” plus célèbre des samouraïs ” MUSASHI Miyamoto)

le Sport-Chanbara. (pratiqué avec différentes armes (sabre court, sabre long, halebarde, poignard…) de fabrication moderne autorisant des assauts vifs et sans retenue)

Le C.N.K. est organisé en Commissions (une par discipline) ayant pour mission la promotion et le développement des disciplines représentées. En ce qui nous concerne, nous représentons la Commission Sport-Chanbara (S.C.).

Mais le S.C. n’est pas, pour certain d’entre nous, notre seule pratique et les organisateurs du salon étant intéressant et intéressés pour leur public nous avons choisi de représenter d’autres disciplines, à savoir le Kendo et le Iaïdo.

AL : Dans les disciplines telles que vous les pratiquez, quelle est la part de l’ancien et du moderne ?

Par rapport aux activités promotionnelles que nous présentons ici, le plus ancien est le Iaïdo et le plus moderne est le Sport-Chanbara.

Du plus ancien au plus moderne : on rencontre en premier lieu le Iaïdo, pratique issue de plusieurs écoles aussi vielles les unes que les autres qui ont développé des situations où l’on rencontre toutes (ou presque) les situations de combat au sabre “les Katas”. La pratique s’articule autour d’une répétition de ces Katas, inlassablement, avec le côté rigoureux qui mène à la recherche de la perfection. On imagine bien ce que ce travail pouvait représenter en matière de concentration et de recherche d’efficacité chez les samouraïs lorsqu’ils travaillaient avec leurs sabres. Et, le Jodo qui est une école en elle-même.

Ensuite viennent le Kendo et le Naginata. Le Kendo pratiqué depuis très longtemps au Japon a permi à un grand nombre de japonais de pratiquer le sabre. On l’appelait alors le Shinaï-do.C’était une façon pour les samouraïs de dévaloriser l’activité car eux seuls avaient le droit de porter un sabre. A l’arrivée de l’ère Edo (époque de l’interdiction du port du sabre) c’est devenu la dernière pratique du sabre qui restait aux samouraïs. Il est devenu le Kendo : la voie du sabre. Cette pratique s’est ensuite modernisée, les techniques ont légèrement évolué et l’approche sportive à vu le jour, pour en arriver aujourd’hui à une double pratique, l’une plus martiale, l’autre plus sportive avec des compétitions nationales et internationales. Le Naginata a du suivre à proximativement le même parcours.

Puis enfin le Sport-Chanbara : qui est d’abord l’honomatopée désignant le bruit des sabres qui s’entrechoquent sur les champs de batailles, puis les films de samouraïs et les jeux des enfants jouant aux Bushis (samouraïs). C’est le nom qui a été donné à cette pratique car elle représente d’abord une évolution moderne des escrimes japonaises (grace à l’utilisation de matériaux actuels) offrant une plus grande liberté d’action dans les mouvements, plus de ludisme et pouvant s’approcher d’une certaine réalité en ce qui concerne les combats aux sabres.

AL : L’accès à ces savoirs est-il complexe, pour des raisons d’aboutissement personnel, d’appartenance à une culture ou de réflexe protectionniste ?

Je pense que le protectionnisme est un problème prioritaire à ce niveau, où chacun se garde sa vieille école. Il y a 3 ans, j’ai fait un stage avec des Japonais, accessible uniquement au pratiquants de haut niveau et où il était question de travailler les vieilles écoles. Et ces maîtres japonais qui venaient avaient pour mission de nous amener au moins une école traditionnelle, soient donc 5 écoles en l’occurrence. Le hasard a voulu que le Senseï qui devait s’occuper de nous ne voulait pas nous instruire, on a dû en référer à sa hiérarchie, et malgré cela il nous a dit “je ne peux pas, c’est un secret”. Après discussion, il nous a fait aborder quelques katas, mais nous a expliqué, plus tard, que ce secret n’était pas un secret par rapport à la manipulation de l’arme, mais au niveau de l’interprétation de la manipulation de l’arme. Et c’est vrai que dans la forme du kata qu’il nous amenait, si, au stade où il pensait que nous étions, on l’utilisait véritablement, on déformait tout ce qui avait été construit jusqu’à présent parce que la position du corps était trop ambiguë par rapport à la compréhension. Mais c’était à un niveau vraiment supérieur. (Une attitude que l’on retrouve parfois dans le cadre de négociations éditoriales avec les interlocuteurs japonais. NDLR).

AL : Quel est le niveau de la France dans la discipline du Kendo ?

Au niveau européen, depuis plus d’une décennie, la France tient le meilleur niveau aussi bien en équipe qu’en individuel masculine et féminine puisqu’elle détient 14 titres sur 18 participations.

D’un point de vue européen, la France a certainement l’un des meilleurs niveaux, ce que les Japonais reconnaissent aussi. Au niveau mondial la France se place à la 5e place, derrière le Japon, la Corée, le Canada et le Brésil (ces deux derniers pays comportent une forte communauté japonaise).

AL : Vous pensez que la France est un bon terrain pour le développement de cet art auprès d’un public peut être plus réceptif que dans d’autres pays ?

J’observe, que parmi les pratiquants débutants adultes (jusqu’au premier DAN) il y a une partie des pratiquants qui conçoit que les arts martiaux sont aussi une pratique physique, avec ce que cela implique (apprentissages moteurs et affectifs… qui mènent à la compréhension et à la maîtrise de l’activité) et une autre partie qui est plus orientée vers l’approche “mystique” des arts martiaux. Donc nous, enseignants, sommes amenés à rencontrer ces deux publics et en fonction de nos connaissances, de nos convictions et de nos qualités pédagogiques, à les orienter vers la voie qu’ils ont choisie avec un maximum d’intégrité et l’objectif de leur faire partager nos passions. Et je pense que pour cette raison, la pratique des arts martiaux des adultes n’est pas aussi bien développée que celle des enfants.

A mon sens, la pratique se fait à partir de l’étude et de la réalisation d’une gestuelle, pour arriver au combat et enfin à la compréhension du combat. Ce qui est le pas vers une meilleure compréhension de ce qu’est l’adversité dans une optique plus générale afin de mettre en place les gestes et attitudes les plus appropriés à la situation. C’est aussi une progression personnelle.

Dans la pratique des différents arts martiaux, on retrouve cette bi-polarité. Si on compare le Kendo, avec le Sport-Chanbara, dans le Kendo il y a une rigidité formelle, un respect de la forme qui est très important. La découverte et l’apprentissage des règles sociales s’effectue dans la rigueur (rigueur nécessaire à la pratique et à l’étude du Kendo) . Et, on s’aperçoit que dans le Sport-Chanbara, là, une complicité reste possible de part la nature même de l’activité et de son enseignement. On apprend les règles sociales comme celles du jeu, qui peuvent évoluer, on les découvre en les pratiquant. C’est une caractéristique du Sport-Chanbara au même titre que le Judo a apporté un côté ludique au niveau de l’apprentissage pour les enfants.

On utilise donc une mise en opposition mais on la fait évoluer au niveau du jeu. Cela annihile les tabous, les doutes… et on amène ainsi le pratiquant à une amélioration de la gestuelle, puis, à une meilleure compréhension de l’opposition avec manipulation d’armes, pour arriver enfin vers la voie martiale. Ce chemin se faisant dans, peut-on dire, le sens occidental.

AL : Dans le cadre même de la manifestation de Japan Expo, que désirez vous apporter aux jeunes qui sont venus s’essayer au Sport-Chanbara ?

Dans un premier temps, nous essayons de permettre aux gens de comprendre que la pratique du sabre est accessible à tous. Ensuite, faire connaître par des démonstrations, par une accessibilité rapide (jeux, initiations, découvertes…), ces pratiques du sabre, et en permettre l’approche des pratiquants et professeurs, avec pour objectif s’en faire plus qu’une idée…. Nous savons que dans le cadre volatile d’un salon les initiations au Kendo et autres Disciplines Assimilées est plus difficile et là nous n’avons que les démonstrations. Mais des projets sont à l’étude.

AL : Vous pensez donc que ce genre de manifestation est un bon lieu de médiation pour vous ?

Oui. La finalité ici, c’est de jouer à combattre. Et cela marche très bien auprès des jeunes. D’ailleurs, je suis très surpris par le nombre de personnes (jeunes et moins jeunes) qui viennent se renseigner auprès de nous sur les disciplines du Kendo ou du Iaïdo après avoir participé à une initiation.

AL : Vous, de par votre pratique des arts du sabre, comme les jeunes, de part leur passion pour le manga ou l’animation japonaise, vous recherchez d’une certaines manière la même chose : un rapprochement vers une autre culture et ses valeurs ?

La culture japonaise de façon générale a toujours fasciné. Ne serait-ce que par ce qu’elle a pu générer de Bien ou de Mal.

Nous avons effectivement ce point commun, nous, pratiquants d’arts martiaux et ces jeunes qui sont passionnés par le manga. Celui de la fascination pour cette culture.

Je pense que c’est cela qui est intéressant. Nous avons lu nombre de livres, nous nous sommes confronté à l’enseignement des Maîtres japonais, nous sommes allé pratiquer au Japon… Nous nous sommes donc forgé notre culture japonisante autour de celle du sabre japonais. Mais, nous avons fonctionné avec ce qui nous était accessible.

Maintenant nous avons changé d’ère, et nous ne sommes pas dans la même accessibilité à la culture. Il y a Internet et les autres médias. La littérature, les loisirs, et toute forme de culture est importée et consomée plus facilement. Donc les jeunes peuvent faire ce choix sans trop d’investissement (ce qui répond à un besoin pour eux) mais pas forcément sans finalité ou sans intérêt .

A travers le manga, il y a, dans une certaine mesure, toute une partie culturelle qui est accessible et qui facilite les choses. Pratiquer le Chanbara ou lire des manga incite à la découverte de l’autre, et de sa culture, à travers déjà la découverte de la culture de sa propre passion, que ce soit le manga, l’origami, la calligraphie, les arts martiaux… L’origami, c’est un peu le prémisse de la compréhension des mathématiques et de la géométrie. Les arts martiaux sont ainsi les prémisses de l’apprentissage du corps, le sien et celui de l’autre, et permet de passer de l’opposition à la relation.

AL : C’est donc dépasser le stade “animal”pour accéder à un stade “humain”?

Oui, les gens qui viennent pratiquer les arts martiaux sont généralement, soit en recherche, soit en fuite. Ils viennent avec de la crainte ou de l’agressivité. La pratique transforme l’un comme l’autre et rééquilibre les choses. Ainsi, lorsque l’on considère deux pratiquants de même niveau en arts martiaux, il n’y en a pas vraiment un plus fort que l’autre. C’est un échange, un partage qui dure quelques fractions de secondes, c’est la prise de l’un sur l’autre, l’acceptation de l’autre sur l’un, c’est ce qui fait le combat. Si l’on n’est pas en état d’accepter que l’autre peut avoir prise sur soi, alors on n’est pas en état de faire un combat, car on sera toujours sur la défensive.

Il y a un mot en japonais qui est très difficile à comprendre, c’est “mahé”. Car le mahé est plus une notion de distance qu’un mot. Pour nous, occidentaux, nous concevons cette notion de distance notament dans nos pratiques, dans une acceptation géométrique puisque le mahé est la distance de séparation entre deux combattants et le Kamahé la prise de garde. Or, le mahé se comprend autour de notions géométriques mais aussi temporelles, individuelles, sociales… c’est une notion beaucoup plus générale.

Mais petit à petit, avec le temps, l’expérience, le combattant acquiert les autres acceptations de cette notion. Y compris en matière de “distance” sociale.

AL : Vous avez également proposé des démonstrations sur scène avec beaucoup d’invités prestigieux. Pouvez-vous nous en dire un mot ?

Nous avons eu l’aimable présence de quatre membres de l’équipe de France de Kendo Messieurs HEURTEVIN Jean-Nicolas, SALSON Fabien, SABOURET Alexandre et de Monsieur Alain SOULAS, Champion d’Europe en titre. Ceci, malgré un mois de Juin très chargé dans leur calendrier.

Pour le Sport-Chanbara, les participants sont tous finalistes des derniers championnats de France, en sabre court, sabre long, et utilisation des deux sabres, en catégorie masculine et féminine Mademoiselle GIROT Céline, Messieurs GIROT Alain, DESENCLOS Benjamin, BESSELIEVRE Christophe, DANNEMART Jean-Christophe…

Afin de donner la meilleure image de nos pratiques et d’offrir aux visiteurs du salon la plus grande qualité d’encadrement, nous n’avons sollicité que des enseignants et instructeurs diplômés :

– Monsieur CHERRUAULT Jocelyn 3ème Dan Iaïdo, 4ème DAN Kendo, 6ème DAN F.I.S.C. Sport-Chanbara, Diplômé d’état de l’enseignement du Kendo et D.A. Instructeur 2ème degré Sport-Chanbara, D.T.R. 92, Membre de la Commission National de S.C.

– Monsieur GIROT Jean-Claude 2ème Dan Iaïdo, 6ème DAN Kendo, 6ème DAN F.I.S.C. Sport-Chanbara, Diplômé d’état de l’enseignement du Kendo et D.A. . Instructeur 2ème degré Sport-Chanbara, Membre de la Commission National de S.C.

– Monsieur CHERRUAULT Gilles 1er Dan Iaïdo, 2ème DAN Kendo, 4ème DAN F.I.S.C. Sport-Chanbara, Diplômé Fédéral de l’enseignement du Kendo et D.A. Instructeur 2ème degré Sport-Chanbara, D.T.R. 93

– Messieur MILIERE Arnaud, PEREZ Guy, MANDALON Eric, Instructeurs 1er degré et compétiteurs de niveau National.

Nous tenons à remercier toutes les personnes non citées ici pour leur concours à la réalisation de cette manifestation.

Parlez-en à vos amis !

A propos de l'auteur