Tamala 2010

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Précédé d’une réputation plutôt flatteuse et d’une aura de mystère, Tamala 2010, A punk cat in space était projeté en clôture du 3e festival Nouvelles Images du Japon au Forum des Images en décembre dernier. Sorti au Japon en octobre 2002, ce long métrage (92 min.) y est passé largement inaperçu et pour cause : difficile de faire plus éloigné des canons du cinéma d’animation nippon. Produit avec un budget certainement modeste et en dehors des circuits traditionnels, Tamala 2010 est l’oeuvre de deux designers et musiciens, surnommés K. (SAITO Kazuhiro) et KUNO (KUNO Makiko), et regroupés au sein du collectif T.O.L. (TREES OF LIFE). Ensemble, ils ont écrit le scénario, conçu l’univers visuel et sonore, et animé le film en vectoriel grâce à des logiciels comme Illustrator et After Effect (Adobe), ne recourant à une assistance extérieure que pour les séquences en images de synthèse qui l’émaillent. Chose curieuse, ce home movie est produit par la société Kinetique Inc., habituellement cantonnée dans le cinéma en prise de vue réelle, notamment les derniers films de Claire DENIS (Trouble every day) ou Vincent GALLO (The Brown Bunny). D’emblée donc, Tamala 2010 s’inscrit dans le registre de production d’une internationale auteuriste branchée, la participation amicale de Béatrice DALLE à la voix de l’un des personnages parachevant cette dimension, inattendue pour un film d’animation.

A l’image d’un CD de musique

Il serait fastidieux de résumer en détails l’histoire du film. Disons simplement que Tamala 2010 s’attache au personnage d’une petite chatte kawai, dans un univers SF glauque, peuplé d’animaux et contrôlé par un mystérieux conglomérat : Catty and Co. Au fur et à mesure, on apprend que ce personnage a été conçu par Catty and Co. comme une icône consumériste, qui plus est réincarnation d’une déesse barbare, Tatla… Inutile de chercher un quelconque message dans tout cela : Tamala 2010 est un film d’essence avant tout visuelle et musicale, enfilade de séquences sans trop de lien entre elles, et de laquelle on peine à dégager un sens. Les auteurs avouent d’ailleurs : « Nous avons voulu nous détacher d’une forme de récit classique, pour concevoir une histoire un peu à l’image d’un CD de musique, avec des plages que l’on peut lire indépendamment les unes des autres ». D’où la sensation, parfois pénible, d’assister à un très long vidéo clip. Graphiquement, c’est sûr, le film est très abouti : design « tezukien » des personnages, conception minutieuse de tous les objets apparaissant à l’écran, accessoires et véhicules relevant d’une recherche visuelle extrêmement poussée. Foncièrement par contre, c’est le néant, l’humour immature et l’ambiance volontairement nihiliste ne faisant que rajouter à la vacuité de l’ensemble. Le personnage même de Tamala est sans consistance, minaudant dans un langage d’enfant, parfaitement indifférente au monde qui l’entoure.

Tamala 2010 oscille sans cesse entre génie et fumisterie, et suscitera probablement soit l’adhésion enthousiaste, soit le rejet. L’auteur de ces lignes préfèrera quant à lui une troisième voie : celle de l’indifférence. Il est douteux que le collectif T.O.L., malgré ses ambitions affichées (« Nous pensons que Tamala représente une sorte de renouveau au-delà de l’animation et du cinéma », et autres propos du même tonneau), révolutionne le cinéma d’animation. Il s’est par contre fabriqué là une jolie carte de visite pour naviguer vers d’autres horizons.

Les citations des auteurs de Tamala 2010 sont tirées de l’interview parue dans AL n° 91, p. 36/37.

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