A Tokyo, un jeune homme du nom de Shiro Kamui revient sur les lieux de son enfance à la demande de sa mère. Cette dernière, après lui avoir appris à maîtriser des pouvoirs mystiques et magiques, s’est immolée par le feu. Kamui est alors convoité par deux clans dont les combattants sont prêts à sacrifier leur vie pour leur idéal : Les Dragons du Ciel veulent préserver le monde de l’apocalypse qui est proche alors que les Dragons de la Terre veulent détruire la planête pour mieux la voir renaître. Lui, il est celui qui détient le destin de la terre entre ses mains : le clan dont il choisira la cause triomphera de son rival. Mais Kamui n’est plus que colère et plutôt que de choisir, il préfère encore tuer tous ceux qui chercheront à le convaincre… .
Ceux qui connaissent déjà sa version papier ne devraient pas nous contredire sur un point : X est un manga à l’ambiance lourde dont le déroulement des évènements semble implacable. Le sous-titre choisit pour cet article n’est autre que celui du manga et pourrait se traduire par ” Leurs destinées étaient déjà tracées “. Ainsi, quoi que fassent les personnages, leur destin finit toujours par les rattraper comme pour les héros des tragédies grecques. Le seul dont le destin est encore imprécis est Kamui. La Princesse Hinoto, la voyante qui dirige les Dragons du Ciel, pense l’avoir vu dans le futur du monde dévasté, ce qui laisserait à penser qu’il sera le fossoyeur de l’humanité. Pourtant, elle espère malgré tout lui faire épouser sa cause. Peut-on encore résonner Kamui, ou bien la violence qui l’anime causera t’elle la fin de la terre ?
Les premiers volumes du manga, comme les premiers épisodes télé, baignent dans cette atmosphère menaçante et remplit de mystère à la X-Files. ÔKAWA Nanase, la scénariste, excelle dans l’art de créer des ambiances occultes et de fasciner le spectateur avec de nombreux mystères et des révélations qui arrivent au compte goûte. Une fois que Kamui aura choisit son camp, cette ambiance mystique va basculer dans une histoire beaucoup plus violente avec la destinée tragiques de Kotori et de Fuma, les amis d’enfance de Kamui. X ne tarde pas alors à devenir un beat’em all, une sorte de jeu vidéo ” karmique ” dont le but est d’éliminer celui par qui la destruction arrivera. D’ailleurs, le manga épouse par sa construction celle d’un vidéo game avec son histoire en pallier. Pour en franchir un nouveau, il faut avoir parlé aux bonnes personnes et acquis de l’expérience. Chaque nouveau niveau apporte son lot de mystères et de combats et voit la puissance des protagonistes augmenter.
Mais, ce n’est certainement pas cette analogie qui captive les fans de l’histoire. En fait, X est avant tout un manga typiquement adolescent, somme des névroses qu’on connaît tous à dix-huit ans. On y trouve pêle-mêle une fascination pour la violence et la mort, des corps débordant d’énergie magique et des épées qui s’extraient des corps en les déchiquetant. Cette envie de destruction, l’importance que revêt l’idée de groupe/clan/amis et l’ambiguïté sexuelle de certains personnages masculins ne sont sans doute pas étranger au succès que peut connaître ce manga auprès du public adolescent. Les personnages de X sont les seuls à voir la réalité, à savoir ce qui va se produire. Il se noue entre eux des relations dangereuses et malsaines. Chacun a vécu et va vivre des traumatismes psychologiques terribles.
Pour retranscrire l’atmosphère “fin de siècle” d’un animé qui sait autant être contemplatif que bourrin, il fallait un metteur en scène qui ait en lui ces mêmes caractéristiques et qui soit capable de donner aux obsessions Clampiennes un visuel qui sied à leur démesure. Le choix de KAWAJIRI Yoshiaki n’est donc pas fortuit. Avec le studio Madhouse derrière lui, il a tout ce qu’il faut pour rendre justice au formidable travail visuel de APAPA Mokona. KAWAJIRI a en effet su montrer à travers ses grand succès, La Cité Interdite–Ninja Scroll–Cyber City, qu’il était attiré par les ambiances sombres et violentes et les personnages manipulés. Les héros de KAWAJIRI, comme le samouraï Jubeï de Ninja Scroll, sont souvent des pions sur un échiquier, contraints d’exécuter un plan décidé par d’autres. Ils se meuvent dans un monde de décadence où les repères s’effondrent et dans lequel seuls leur force fait la différence. Qui plus est, KAWAJIRI avait déjà travaillé sur l’adaptation d’un Shojo, le Zetsusaï 1989 de OZAKI Minami décliné en 1992 sous formes d’OAV . Et dans le genre vénéneux et sombre, Zetsusaï n’a pas à rougir de la comparaison avec X. Quant enfin, on connaît la qualité du travail du studio Madhouse (qui avait déjà travaillé sur Card Captor Sakura, autre oeuvre de Clamp), on ne pouvait que s’attendre à une réussite.
Et pourtant, il faut bien reconnaître qu’on se sent quelque peu déçu. Le travail visuel n’en n’est pas la cause : le character design est superbe, les décors magnifiques et l’animation des personnages parfaite. La série n’a pas à rougir de la comparaison avec le film, c’est dire si elle est réussie. Non, la déception vient de celui même dont on attendait tant : KAWAJIRI. Le réalisateur semble en effet s’être laissé emprisonné par l’oeuvre de CLAMP. L’introduction du premier épisode est en ce sens assez révélatrice de sa difficulté à adapter et faire sien cette oeuvre. KAWAJIRI nous y présente les différents dragons qui sentent les prémisses de l’apocalypse. Cela nous donne une première moitié d’épisode soporifique et écrite sans grande imagination. Par la suite, les choses vont s’arranger, mais on sent que le réalisateur surdoué n’est pas très à l’aise et qu’il préfèrerait travailler avec ses propres personnages. Ici, pas de sexualité morbide comme il aimait tant en injecter, aucune scène éclairée par ces fameuses lumières bleu nuit ou rouge sang, une de ses marques de fabrique. Non, chez CLAMP, le jour est toujours lumineux et magnifique et la nuit angoissante et lourde. Mais, les choses changent du tout au tout dès que les scènes de combat commencent. C’est comme si KAWAJIRI était sous pression, tissant un peu péniblement la trame d’une gigantesque conspiration et puis soudain, laissait sa colère et sa rancoeur éclater. Les duels sont toujours très courts, mais leur intensité n’en n’est que plus grande : l’énergie crépite, les corps sont balayés, les personnages révèlent leur violence contenue. Et on en redemande. La scène du temple où Kamui, Sorata et Arashi sont attaqués par les hommes de main/esprits (à qui appartiennent-ils ?) évoque directement Matrix à cause de la ressemblance des ennemis avec les agents Smith du film . C’est comme si KAWAJIRI répétait les futurs animés d’Animatrix. Là, le spectateur reste clouer à son fauteuil et ne peut qu’admirer l’incroyable savoir-faire du maître et de l’équipe technique.
Que penser de cette adaptation ? Difficile de juger sur un si petit nombre d’épisodes, d’autant plus que des évènements particulièrement violents sont à prévoir, comme des combats et autres scènes de destructions dignes des plus grands blockbusters. Selon nous, le fan du manga ne devrait pas être déçu, même s’il risque de ne rien trouver de très original par rapport à une histoire qu’il connaît déjà par coeur. Le néophyte, lui, découvrira fasciné un animé intriguant et résolument différent de ce qu’il a l’habitude de voir : un peu comme si le Saint Seiya de KURUMADA croisait le Authority de Warren ELLIS . Maintenant, il n’en reste pas mois que l’animé présente un sacré avantage : lui au mois a déjà une fin alors que le manga se traîne depuis de longues années (il devait à l’origine se terminer au mois de décembre 1999 !). Les passionnés pourront donc voir une conclusion qui sera, qui-sait ?, peut-être différente de celle du film. Malheureusement, si la série est sortie en DVD japonais zone 2, elle ne comporte aucun sous titre et se révèle onéreuse. Alors, à moins d’espérer une hypothétique sortie française, il ne vous reste plus qu’à faire savoir aux éditeurs que vous voulez voir cette belle chose débarquer dans une version bilingue.
En tout les cas, et malgré nos critiques, XTV s’annonce comme un animé des plus excitant charriant nos obsessions, fascination pour les destructions de masse et rien que pour voir KAWAJIRI se déchaîner, nous on est pour !
Un grand merci à Kara pour sa disponibilité et ses précieux conseils
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