Se souvenir de moi

[Participant OfflineAncien★★★★]

Lord Yupa le 10 avril 2024 à 11 h 21 min #542181

On en parle abondamment sur un autre forum beaucoup plus “franco-belge”, mais il me semble qu’à tout seigneur tout honneur, ici aussi Franquin mérite une présence, donc son topic. En effet ce début 2024 correspond au fait qu’il aurait 100 ans (né en 1924) s’il était encore là. Il est décédé en 1997, d’une maladie cardio-vasculaire, à 73 ans.

Tout le monde connaît les grandes lignes de sa carrière, et il s’agit simplement de lui rendre un petit hommage, de dire ce qu’on aime chez lui, chez ses personnages, chez son style dessiné ou narratif. Tout le monde là aussi reconnaît que c’était un dessinateur de très haut niveau, un excellent narrateur, un maître de l’humour. Pourtant beaucoup ont remarqué ses contradictions.

L’une de celles-ci est qu’à ses débuts, comme presque tous les hommes de sa génération, il adorait les grosses voitures performantes, ce que plus tard il a regretté, effaré par le macadam et la pollution couvrant peu à peu la planète. Et la guimbarde de Gaston n’est qu’une “expiation” partielle, il faut bien le dire… C’est à la fin de La Corne de Rhinocéros que Spirou et Fantasio se voient offrir en cadeau par la firme “Turbot” leur tout nouveau modèle très aérodynamique, la Turbotraction, qui peut atteindre les 250 km/h. La voiture (d’ailleurs superbe) accompagnera ensuite plusieurs aventures de nos héros. Plus tard, un second modèle la remplacera, hérissée de tubes et de chromes ; je ne l’aimais pas, et c’est une voiture de playboy urbain, encombrante et “m’as-tu-vu”, un vague idéal du jeune Franquin. Nettement plus jeune que lui, mon père était de ces générations “Trente glorieuses” où tout le monde voulait une voiture, passer le permis !

On n’a jamais vu Gaston passer le permis, mais évidemment ce roi de la gaffe l’a, contre toute attente, sinon Longtarin ne le raterait pas !! Franquin ne s’est même pas posé la question.

Pour

[Participant OfflineGrand maitre★★★★★]

Xanatos le 11 avril 2024 à 10 h 06 min #542184

Ah, l’immense, l’extraordinaire André Franquin… Un des plus grands auteurs et dessinateurs de bandes dessinées du XXe siècle ! 😀

Nous avons déjà eu l’occasion de nous extasier devant ce génie du 9e art, notamment dans le topic de la BD franco belge où nous chantions les louanges de son travail sur Spirou et Fantasio mais, tu as raison, il mérite amplement un topic attitré ! 😀

C’est pour ma part Spirou qui me fit découvrir ce fabuleux dessinateur, et, parmi tous les grands auteurs ayant travaillé sur cette série majeure, il demeure mon préféré parmi ceux ayant narré les aventures du petit groom.

Il a véritablement révolutionné Spirou en lui insufflant une vie, une fantaisie extraordinaire et ses aventures avec son ami Fantasio sont véritablement extraordinaires !

Tous deux sont de vrais globe trotters qui ont beaucoup voyagé de par le monde dans ses récits et ils ont voyagé en Afrique comme tu l’as évoqué tantôt, ainsi que dans des pays imaginaires comme la Palombie (où ils firent connaissance du fabuleux Marsupilami) ainsi qu’au Bretzelburg…

Comparativement à un autre pilier de la BD franco belge, j’ai constaté que Spirou, sous sa plume, était plus haut en couleurs que Tintin le héros mythique de Hergé.

Même si Spirou est sympathique et intelligent, il pouvait par exemple se montrer assez colérique et susceptible, tantôt face aux gaffes de son ami Fantasio, tantôt face à l’incompétence de certains incapables ou encore quand il est confronté à d’ignobles crapules (les braconniers de l’album Le Gorille à bonne Mine ).

C’est vrai que Franquin avait une grande passion pour les voitures et j’étais fasciné par le soin qu’il accordait à fignoler leurs carrosseries dans les moindres détails, à tel point, que même étant enfant, je rêvais étant petit de conduire une turbo traction à l’âge adulte comme celle de Fantasio ! 😀

Oui étant petit garçon, j’étais passionné de voitures.

C’est sûr que le vieux tacot de Gaston est loin d’être un bolide de courses ! 😆

Mais il peut être pratique pour notre cher gaffeur… notamment pour cuire des oeufs au pique nique ! ^_^

Ensuite, je comprends les regrets de Franquin par la suite, mais il arrive que lorsqu’on vieillit certaines passions dans lesquels ont s’investissait tant étant plus jeunes nous passent quand on prend de l’âge… Tandis que d’autres demeurent heureusement intactes 🙂 .

Il y a une passion que Franquin a conservé jusqu’à la fin de sa vie : les animaux.

En effet, les bêtes à poil et à plumes présentes dans ses histoires suscitent souvent la sympathie que ce soit des chiens, des chats, des baleines ou encore des gorilles (même si il n’occultait pas la dangerosité de certains d’entre eux).

En revanche, il avait une sainte horreur des humains martyrisant les animaux.

On peut penser notamment à l’infâme Zabaglione patron d’un cirque :

L’homme est abject, tyrannique, odieux, égoïste et ne pense qu’à son propre profit. Il n’hésite pas par exemple à fouetter le Marsupilami pour l’obliger à accomplir ses tours. Mal lui en a pris, car ce dernier se vengera et utilisera sa queue pour frapper et punir ce malandrin ! ^_^

Et dans le même album, les retrouvailles de Spirou et Fantasio avec le Marsupilami sont particulièrement belles et émouvantes, tant la brave bête est heureuse de retrouver ses amis ! ^_^

Et toujours sur le même sujet, impossible d’oublier le chat fou et facétieux et l’irascible Mouette Rieuse, les deux animaux de compagnie haut en couleurs et hilarants de Gaston Lagaffe qui apporteront encore davantage d’animation au sein de la rédaction de Spirou ! 😀

On peut constater aussi que Franquin avait un caractère très engagé dans La Défense des animaux : ainsi dans un gag de Gaston Lagaffe, les membres de l’organisation Greenpeace lui avait proposé de venir à bord de leur zodiaque pour jouer de son inénarrable Gaffophone… Il joua ses mélopées sur l’océan qui firent fuir les baleiniers, et notre brave Gaston, sans s’en rendre compte, permis de protéger les braves cétacés des chasseurs de baleine !

D’ailleurs, j’ai constaté que les chasseurs, braconniers ou baleiniers étaient toujours dépeints comme de gros abrutis antipathiques que ce soit dans Gaston Lagaffe ou encore son oeuvre la plus sombre Les Idées Noires…

Ah, il y a tant à dire sur cet immense dessinateur : Franquin est un sujet de discussions passionnantes intarissable ! 😀

 

[Participant OfflineHabitué★★★]

Cyril le 12 avril 2024 à 8 h 01 min #542208

Les gags de Gaston avec les livres me faisaient rêver quand j’étais enfant :

[Participant OfflineAncien★★★★]

Lord Yupa le 16 avril 2024 à 21 h 55 min #542244

Ha ha ! Très belles pages de “Gaston”, cher Cyril !

Concernant les animaux, cher Xanatos, sur un autre forum un participant a fait remarquer (ce qui ne m’était jamais venu à l’esprit !) que Franquin adorait tous les animaux et ridiculisait tous leurs ennemis mais ne semblait pas aimer les chiens. En effet, ils sont très rares dans ses oeuvres, ou mal vus. Le seul ou presque qu’on voie chez lui est à Champignac, un petit roquet noir et blanc extrêmement agressif et qui, une fois paralysé par la zorglonde (L’Ombre du Z), sert de jouet au marsupilami. Un autre apparaît dans QRN sur Bretzelburg, un berger allemand d’un garde-frontière qui tente en pure perte par deux fois d’attaquer le marsupilami : il se fait totalement ridiculiser. Jamais Gaston ne se préoccupe des chiens me semble t-il, mais je n’ai pas suivi toutes ses planches. Dans Le Nid des marsupilamis Seccotine découvre que cet animal est le prédateur des piranhas : c’est évidemment moins absurde que la thèse précédente, où il était censé se nourrir des puces d’autres animaux. Pourquoi des puces ou des piranhas ? Bien sûr parce que personne ne peut s’émouvoir pour ces parasites ou pour ces poissons, féroces carnassiers.  Si le jaguar, dangereux ennemi du marsu, est constamment vaincu par lui, il n’en reçoit pour blessure que sa queue, rognée à chaque fois. C’est pourquoi enfant j’avais été choqué dans Le Voyageur du MésozoÏque à voir le marsupilami furieux contre le paisible dinosaure s’en prendre à lui et lui frapper durement le crâne à coup de tronc d’arbre toute une journée et toute une nuit, réussissant à l’assommer au final. Certes, le dinosaure avait failli l’écraser, mais simplement parce qu’il ne l’avait pas vu. Pour une fois, le marsu était méchant sans raison et même acharné ! Sale bête ! (je rigole : en fait l’adulte comprend que Franquin n’avait pas trouvé d’autre moyen de boucler son récit).

[Participant OfflineAncien★★★★]

Lord Yupa le 20 avril 2024 à 21 h 04 min #542266

On a pu remarquer que Franquin dissimule à peine parfois une certaine dose de violence (comme contre ce pauvre dinosaure, dont j’adorais autrefois la bonne bouille naïve) ; mais cela reste débattable, car il fallait bien de l’action, du “spectaculaire” dans ses BD.
Evidemment qu’à première vue, personne ne meurt dans les aventures de Spirou et Fantasio, mais il y a deux exceptions.

La première, c’est lorsque le dinosaure, encore lui, et ne l’ayant pas vu, avale avec un bouquet d’arbres le savant atomiste Sprtschk, donc digéré ! Comme il venait juste de réussir à concevoir, avec joie, une effroyable super-bombe H à laquelle il ne faisait que réfléchir depuis le début, ses collègues scientifiques d’abord horrifiés (“C’est affreux !”) changent  brusquement leur discours, plus souriant, dès que Champignac leur révèle l’objet de ses recherches (“Ah, tiens, je ne savais pas…” “Hé oui, que voulez-vous, ce sont les meilleurs qui s’en vont”), excellent gag ! Bien sûr, Franquin le pacifiste haïssait les concepteurs de bombes atomiques…  mais il a liquidé aussi quelqu’un d’autre dans la saga Spirou. Saurez-vous trouver qui ??

[Participant OfflineAncien★★★★]

Lord Yupa le 23 avril 2024 à 9 h 30 min #542274

Eh ben, vous aurez zéro en Franquinologie ! Ou bien personne ne s’y intéresse, autre possibilité. L’autre assassinat dans les aventures de Spirou et Fantasio, c’est dans La Foire aux gangsters . Vous savez, un jour un Japonais du nom (totalement grotesque) de “Soto Kiki” vient chez Spirou et Fantasio et flanque une correction au judo à Spirou, puis à Fantasio… avant d’être durement “corrigé” lui-même par le marsupilami. Puis il révèle le projet de kidnapping d’un bébé de milliardaire par un chef de la mafia,  et propose leur intervention aux deux amis, en leur enseignant ses techniques de combat pendant quelques semaines. Mais au moment où Soto Kiki en voiture annonce à Spirou le kidnapping effectif, sa voiture est percutée et s’écrase. Après que Spirou ait réussi à sauver le bébé d’un gang de boxeurs payé par le chef de la mafia, Lucky Caspiano, on voit celui-ci sortir de chez lui, puis dans sa voiture mettre le contact… terrible explosion qui le pulvérise à coup sûr ! A quelque distance Soto Kiki avec bandages et béquilles dit alors “Nous sommes quittes !” Mais la police est là aussi et l’arrête. En effet, le Japonais travaillait pour son propre compte. Ce double jeu n’est pas très clair, mais le récit est mouvementé à souhait, et Gaston y a son rôle !

[Participant OfflineGrand maitre★★★★★]

Xanatos le 23 avril 2024 à 11 h 18 min #542284

Lord Yupa wrote:

On a pu remarquer que Franquin dissimule à peine parfois une certaine dose de violence (comme contre ce pauvre dinosaure, dont j’adorais autrefois la bonne bouille naïve) ; mais cela reste débattable, car il fallait bien de l’action, du “spectaculaire” dans ses BD. Evidemment qu’à première vue, personne ne meurt dans les aventures de Spirou et Fantasio, mais il y a deux exceptions. La première, c’est lorsque le dinosaure, encore lui, et ne l’ayant pas vu, avale avec un bouquet d’arbres le savant atomiste Sprtschk, donc digéré ! Comme il venait juste de réussir à concevoir, avec joie, une effroyable super-bombe H à laquelle il ne faisait que réfléchir depuis le début, ses collègues scientifiques d’abord horrifiés (“C’est affreux !”) changent brusquement leur discours, plus souriant, dès que Champignac leur révèle l’objet de ses recherches (“Ah, tiens, je ne savais pas…” “Hé oui, que voulez-vous, ce sont les meilleurs qui s’en vont”), excellent gag ! Bien sûr, Franquin le pacifiste haïssait les concepteurs de bombes atomiques… mais il a liquidé aussi quelqu’un d’autre dans la saga Spirou. Saurez-vous trouver qui ??

Aaaaah oui, oui évidemment, je me souviens très bien de ce passage cher Yupa qui m’a beaucoup marqué étant enfant ! Le savant Sprtschk qui était perdu dans ses pensées à confectionner la création de cette bombe H dévastatrice et qui a arboré ce sourire démoniaque… avant comme tu dis de se faire manger malencontreusement par le dinosaure ! Oui, la réaction épouvantée de ses collègues puis leurs mines autrement plus réjouies et plus du tout dépitées quand le comte de Champignac leur a annoncé le projet machiavélique de Sprtschk, m’avait bien amusé !

En revanche tu as remarqué Yupa au sujet de ce cher Pacôme de Champignac ? Autant il a été très sympathique avec la plupart de ses collègues, autant il l’était nettement moins avec Sprtschk où il arborait un sourire de façade dissimulant son mépris envers ce savant machiavélique. Je me rappelle encore de ce passage où il déclara faussement enthousiaste “Aaaah, ce cher Sprtschk, comment allez vous ?” quand celui-ci était perdu dans ses calculs… et il lui donna une violente tape dans le dos qui le fit tomber sur de nombreuses chaises !

Après, au sujet du ressentiment qu’éprouvait le Marsupilami envers le Dinosaure, je me rappelle que c’était dû au fait qu’il avait sans le faire exprès marché sur sa queue, suscitant la fureur du marsupial avide de revanche !

Ceci dit, je comprends pourquoi tu éprouvais de la compassion envers le dinosaure aussi placide que sympathique qui n’était aucunement belliqueux !

Il est vrai qu’il y a eu d’autres aventures de Spirou et Fantasio où le comportement brutal du Marsupilami était justifié. Je me souviens du récit Le Gorille a bonne mine où le chef d’un clan de gorilles, beaucoup plus puissant et résistant que ses congénères voulait en découdre avec notre ami marsu. Celui-ci lui asséna des coups de queue qui s’avérèrent pour une fois totalement inefficaces. Alors il décida de s’agripper à la branche d’un arbre, il attacha sa queue, tournoya sur lui même et employa ses poings et ses pieds pour infliger un coup déterminant qui mit le Gorille KO pour le compte quand il reçut en pleine machoire !

Cela démontre une fois de plus non seulement l’instinct de survie du Marsupilami, mais aussi sa grande intelligence et sa faculté d’adaptation face à une situation inattendue et inhabituelle.

Pour être franc avec toi Yupa, j’avais quasiment oublié l’intrigue de La Foire aux Gangsters mais maintenant que tu l’évoques, des bribes de souvenirs me reviennent…

N’est-elle pas incluse dans l’album Le Nid des Marsupilamis ?

Si je n’avais pas répondu à ta question sur le deuxième personnage à avoir connu un destin tragique dans les aventures de Spirou et Fantasio, c’est tout simplement parce qu’une fois n’est pas coutume, la mémoire me faisait défaut ! ^^