Citation (Shinji-kun @ 18/09/2011 22:02)
On dirait que vous avez tous une mauvaise expérience du travail. Personne ne se sent vraiment heureux dans son travail parmi vous ?
Ta question me semble bien naïve… Mais puisqu'il te faut des exemples concrets, je vais y répondre, ça me fait plaisir, et ça fait longtemps que j'ai plus raconté ma vie.
Dans mon ancien boulot, je faisais plus de 40 heures par semaine, sans oser protester parce que je ne connaissais pas mes droits (lorsque tu pars le matin à 7h30 pour revenir à la même heure le soir, tu n'as pas trop l'énergie de te demander si c'est bien légal tout ça), sans compter l'aspect “je suis bien contente d'avoir un boulot, c'est tellement dur d'en avoir”, le tout assaisonné de violence sur le terrain, de mépris, de stupidité de la part de mes employeurs, avec à la fin du mois un salaire bien inférieur à mon nombre d'heures.
Dans mon prochain boulot, certains de mes futurs employeurs ne se gêneront pas pour me sous-payer, me soumettre à des délais impossibles, ce qui me forcera à bâcler un travail qui me tient pourtant à coeur, mais je n'aurai pas le choix si je ne veux pas perdre trop de temps et d'argent. Ils me proposeront même des salaires qui m'ôteront mes droits à la retraite, au chômage, et à la Sécu, juste parce que ça leur fera des économies. Oui, ça a l'air dingue et impossible, ça l'est pourtant, je ne donnerai pas plus de précisions, mais cela existe. D'autres me donneront du boulot que je ferai, que je rendrai, qu'ils ne me paieront pas et qu'ils vendront, sans que je puisse réclamer quoi que ce soit.
Dans un de mes anciens boulots d'été, je devais étiqueter et changer les enveloppes de dossier, toute la journée. Certes, c'était nul, mais je m'en fichais, apparemment ça rendait service, j'étais là pour ça. En revanche, il fallait que je le fasse debout dans un couloir. Il ne fallait pas que je sois assise. S'il y en a ici qui ont fait ces boulots à la Chaplin, ils doivent savoir ce que ça fait, sept heures sur ses jambes sans bouger 😂 J'ai fini par demander à petit chef si je pouvais m'installer au bureau d'une femme en vacances. “Oui, pas de problème.” Le lendemain, ledit bureau était devenu encombré de piles de classeurs et de dossiers.
“Euuuh… j'vais où maintenant?
-Bah dans le couloir”
Evidemment… “Alors Sharbett, ça fait quoi de faire le larbin?” me dit petit chef. Le larbin a pris une pause égale à un épisode de Daria, en a profité pour appeler le service de recrutement pour demander si ce genre de pratique était normal, et a déménagé dans le service d'à côté qui a bien voulu lui prêter une petite table.
J'ai fait des ménages, aussi. C'est gentil de la part des gens de cracher ou de jeter leurs chewing-gums par terre, ou de ne pas ramasser ce qui tombe de leurs poubelles, sinon, tu n'aurais pas de boulot! 🙄
J'ai une pote dont la direction a changé, son nouveau boss n'hésite pas à recourir aux classiques techniques de harcèlement moral et de mise au placard pour faire le ménage. Du coup, la pote en question ne fera plus que de la paperasse au lieu de l'accompagnement psychologique, le bien-être ou la détresse des gens, hein, on s'en branle, c'est pas rentable.
Ma mère, qui est pourtant une grosse bosseuse, est harcelée par sa chef parce qu'elle ne se laisse pas faire, elle ne se laisse pas exploiter ni culpabiliser, et elle refuse de se charger ce qui sort de ses compétences. Bilan: “Mme Sharbett mère, c'est une grosse paresseuse méchante, en plus d'être syndiquée.” Le boulot qu'elle abat sans aide, on s'en fiche, c'est pas le propos…
Une copine passe un entretien: “Je vois sur votre CV que vous êtes en couple…
-Oui.
-Vous allez bientôt avoir des enfants, alors?
-Non, je ne veux pas d'enfants.
-Boah, je ne suis pas obligé de vous croire…”
Au moins, elle était sûre de ne jamais être rappelée après! 🙄
Toutes ces personnes, moi comprise, aiment ou ont aimé leur taff, y allaient avec motivation et bonne volonté. Cependant, les conditions sont telles qu'elles ne peuvent plus se sentir satisfaites de leur activité, avec l'angoisse du chômage si elles se barrent, celle des représailles si elles se plaignent.
J'ai eu une bonne expérience, tout n'est pas noir. Un boulot pas super intéressant en lui-même, mais payé convenablement. C'était un poste modeste, que je n'étais pas censée quitter pendant le service. Mes employeurs étaient cependant assez humains pour me laisser prendre des pauses ou manger sur place pendant ledit service, sinon, ce n'est plus tenable. Et, s'il m'arrivait une tuile, j'étais soutenue.
Il faut quand même reconnaître que ce n'est pas ce genre d'anecdotes qui fleurit. Ca me rappelle la pub pour les prud'hommes, l'entreprise où tout est beau et rose, tout le monde chante et danse “Oui, quel bonheur, du matin jusqu'à seize heures, quelle énergie, du lundi au vendredi!!!” “Parce que le monde du travail ne ressemblera jamais à ça, nous aurons toujours besoin de prud'hommes” 😂