Citation (Lord Yupa)
Ben oui, il n’y a pas mal d’histoire de ce genre, en animés ou en manga-papier, non ?
J’y ai pensé parce que je voulais dire un mot sur “L’Odyssée de Kino”, que je viens de visionner. C’est d’ailleurs une occasion de plus de constater que ce genre narratif a le plus grand mal à ne pas décevoir un peu son public, forcément amateur de grandes quêtes interminables. Si le, la ou les héros se sédentarisent à la fin, c’est la négation même du tropisme d’aventure (“Quoi, tout ça pour en arriver simplement là ! à quoi bon partir, alors ?”). L’autre issue, également décevante, est une fin ouverte, où le, la, les héros disparaissent à l’horizon. C’est à dire qu’ils nous plantent là et que nous n’aurons pas droit à la suite de leurs aventures. SPOIL : c’est la solution bancale qu’adopte “L’Oyssée de Kino”. Enfin on peut tuer un des héros principaux ( Spike dans “Cow-Boy Be-Bop”), mais on est frustré là encore.
Très bonne idée de sujet ! ^^
Le thème du “voyage” décevra toujours le public amateur de “quêtes” tout simplement parce que ce sont deux genres différents : dans un genre le héros n’aura d’autre but que d’explorer de nouveaux horizons; dans l’autre il y a un objectif clairement affiché dès le départ et ce sera l’élément déclencheur du “départ” ( c’est-à-dire pratiquement tous les scénarios de shonen et de jeux vidéos type RPG que l’on connaît ).
Donc, en gros, les motivations qui pousse le héros au voyage sont complètement opposées : pas d’objectif / un objectif précis.
A partir de là, les auteurs qui choisissent l’option “voyage” peuvent se permettre énormément de libertés sur les pérégrinations de leur héros mais étant donné que dès le départ il n’y a pas eu de ligne d’arrivée tracée, rien d’étonnant à ce que toute fin laisse sur sa faim le lecteur : il n’y a pas d’achèvement possible à ce qui ne commence jamais réellement. Parvenir à construire une histoire réellement captivante sans scénario à grands rebondissements comme peuvent l’offrir des récits d’aventure à la One piece ( par exemple ) relève du tour de force que peu d’auteurs sont capables. La solution la plus simple étant d’exposer aux lecteurs un petit monde très souvent fermé sur lui-même ( comme sur une île, ou une ville, rarement un pays tout entier – trop complexe à mettre en scène ) et d’en présenter les bons et mauvais côtés. Reste ensuite à l’auteur à mettre en scène l’arrivée du héros dans cet univers fermé et à décider si cela apportera des changements ou pas : c’est généralement la seule intrigue possible qui puisse être développée si on veut introduire un peu d’action à une histoire qui se destine essentiellement à l’observation et à la contemplation.
Autre solution, comme le thème est le voyage, l’auteur peut manipuler à sa guise les dimensions de temps et d’espace dans son récit et offrir de jolies pirouettes scénaristiques comme par exemple dans l’épisode 3 de Kino ( le pays de la prophétie ) léger spoil inside : plusieurs histoires qui ne semblent rien avoir en commun jusqu’au final qui lie chaque ville en un tout cohérant. Mais le problème principal est cette fois le rôle du héros : est-il vraiment utile au récit vu qu’il ne peut intervenir sur le destin de plusieurs peuples à la fois et doit se contenter de rester un témoin silencieux de toute la tragédie humaine.
Bref, tout ça pour dire que le voyage en lui-même manquera toujours de souffle épique : comment justifier que le promeneur aille risquer sa vie quand il n’a d’autre but que d’aller droit devant lui ? Rahan a un but, Kenshiro a un but, c’est ce qui fait toute la force de leurs aventures et qui donne de l’intérêt aux personnages. Ils n’ont pas traversé de simples étapes mais bien des épreuves qui les ont rendus plus forts, plus sages (?). Le voyageur lui n’a que des histoires à raconter et se présente à ses hôtes plutôt comme un intrus, un homme de passage que comme un messie ou un sauveur. Comment quelqu’un qui symbolise l’évasion par excellence pourrait-il s’impliquer sérieusement dans les affaires des autres ?
C’est donc tout le problème du narrateur qui va galérer pour insuffler du rythme à son récit. Alors réussir ensuite à mettre un point final satisfaisant en guise de conclusion, c’est vraiment chaud.
Un auteur a pris le contrepied exact du genre, alors que rien ne l’y invitait à la base : Yukimura pour Planètes
D’aucuns y verront dans cette oeuvre beaucoup de questionnements métaphysiques, de réflexions contemplatives sur la nature de l’Univers, etc.
Mais en fait Planètes est un récit d’introduction au voyage. Dans ce manga d’exception on suit le long cheminement d’Hachimaki qui veut se dépasser pour pouvoir faire parti de l’équipage qui atteindra Jupiter. Le voyage, ici, c’est le but. L’auteur va développer TOUS les sujets liées aux motivations et questionnements qui précèdent le départ : suis-je capable de le faire ? n’est-ce pas purement égoïste ? en reviendrai-je sain et sauf ? etc.
Au lieu de nous présenter le déroulement du voyage ( sans intérêt aucun ) l’auteur va creuser tous les aspects fascinants et dérangeants qui motivent toute vélléité de départ. Et il n’élude aucun sujet. C’est ce qui rend ce titre si particulier et universel. On m’objectera qu’il y a un but : Jupiter. Oui, certes, mais le récit voit au-delà et si chacun se reconnait en hachi c’est parce que les questions qu’il se pose, tout le monde a eu à se les poser un jour où, au pied du mur, il a fallu donner un élan à sa vie. C’est là que demeure le coup de génie de Yukimura. Ce qui donne de l’énergie à son scénario, c’est la mise en place de cette impulsion qui propulsera le héros là où personne n’est jamais allé. Yukimura aime les symboles ( Planètes en est truffé, on pourrait faire un livre dessus ) et mettre en image des réacteurs aussi monumentaux que le Werner Von Braun ne sert pas seulement à rendre crédible son scénario de SF. Un monstre de puissance de cette envergure est là pour illustrer la volonté commune de tous les candidats au départ et par delà mettre en exergue la volonté de l’humanité de repousser sans cesse ses frontières. Toujours plus loin.
C’est ce qui fait ainsi défaut à Kino à mon avis : le voyage ne dégage pas d’énergie comme tu le déplores Yupa parce que le voyage en lui-même n’est qu’inertie, un mouvement perpétuel qui ne nécessite aucune impulsion, ni mise à feu.
Il est monotone et à la longue aurait certainement rapidement lassé. 13 épisodes me semblent largement suffisants, et perso j’aurais même raccourci la série à 6 OAV.