Citation (Shinji-kun @ 30/09/2011 17:36)
Je suis 100% d'accord avec Saffran. On l'a d'ailleurs vu ces derniers jours avec la taxe sur les transactions financières et le contrôle des budgets nationaux. L'Europe se donne enfin les moyens de son existence. Et heureusement les marchés poussent dans ce sens.
Depuis 1992 il y avait un traité mais il était très peu appliqué car l'UE ne voulait pas s'en donner les moyens. Enfin, il y a du mouvement. Les Français avaient fait l'erreur de rejeter la Constitution Européenne (et je suis sûr que plus de 50% des électeurs ne l'avait pas lu). Elle était très imparfaite mais avait le mérite d'être un premier pas vers l'Europe fédérale.
Plus l'UE tendra rapidement vers un fédéralisme complet, plus la pilule passera facilement. En effet, à terme l'Union prendra en charge les recettes mais aussi les dépenses donc il n'y aura pas plus d'impôts.
Ceux qui croient encore que la France peut s'en sortir seule dans le monde sont utopistes. La France n'a presque plus aucun poids car elle est bien trop peu peuplée. Regardons les choses en face à 65 Millions in ne peut rien face aux USA où à la Chine. Le souverainisme, le protectionnisme à outrance sont des idées totalement dépassées.
La contrainte concurrentielle, lorsqu'elle est appliquée uniquement au monde de l'entreprise, est une bonne chose. Elle amène les idées et oblige à se dépasser. Elle évite le plus souvent la stagnation. On peut d'ailleurs observer que ce sont les secteurs dans lesquelles la concurrence est la plus faible et l'entente entre opérateurs la plus facile qui sont plus cher pour le consommateur. De plus, la concurrence n'implique pas forcément de réduire ses coûts. Certains s'en sont sortis en montant en gamme, en réduisant les délais…
L'Europe doit maintenant faire réellement appliquer ses traitées fondateurs, prendre ses responsabilités et tendre à devenir enfin un véritable gouvernement.
Alors tu peux d' hors et déjà y voir le meilleur moyen de réactiver tous les affects nationalistes que nous avons écarté depuis plusieurs décennies. A te lire j'ai l'impression de revoir toute la prose de démocratie d'expertise qu'on nous déverse dessus depuis si longtemps. Les français n'ont pas lu le TCE, ils ne l'ont pas compris….Petit rappel, Maastricht n'est passé qu'avec 51% des voix avec un parti pris médiatique tout à fait minable et anti-démocratique. Pire pour le TCE rejeté à 55% par les électeurs, approuvé à 80-90% par les “élites”. Depuis les élections des députés européens, le taux d'abstention ne fait que chercher à tutoyer le ciel, et il y arrive bientôt parce qu'en 2009 on était à 60%. Et donc pour toi, autant de disqualification, c'est un manque de compréhension ? Comme le disent nos chers dirigeants tout cela manque de “pédagogie” ?
L'Union européenne n'a aucune légitimité et c'est tant mieux. Saffran, cette UE là, n'a rien de social. Et si tu relis tous les traités économiques, toute ta phrase “donnez vos sous aux actionnaires et bossez pour une misère” elle y est, inscrite noir sur blanc mais dans le langage du droit constitutionnel, c'est à dire toute la neutralité possible. Plusieurs dirigeants du patronat français ont explicitement reconnu que l'europe leur permettait de s'affranchir du cadre national, en clair de se débarrasser du cadre contraignant du code du travail, de la rémunération etc etc. Il faut remonter aux origines du marché commun pour comprendre que le ver était déjà dans le fruit. Voici trois textes pour l'illustrer.
le refus de l'allemagne sur l'harmonisation sociale
un texte diplomatique français
petit panorama des réactions allemandes
Or que s'est-il passé en 1958 ? Pour rentrer dans les critères du marché commun, la France met en place le plan Pinay-Rueff (qui est l'austérité d'aujourd'hui) et abandonne une bonne part des mesures protectionnistes dont parle le deuxième texte ci-dessus. C'est la première victoire de l'Allemagne et on voit d' hors et déjà l'écart énorme qu'il y a sur la perception des concessions….et ce n'est que le début. Que ce soit l'acte unique ou les négociations pour l'euro, c'est le libre échange et les mouvements de capitaux qui sont les deux piliers. Preuve en est, cette déclaration de Hans Tietmeyer ” A l'été 1988, nous avons clairement fait savoir à la commission et aux autres pays européens que l'Allemagne n'accepterait pas une union monétaire sans une totale mobilité des capitaux à l'intérieur comme à l'extérieur”.
Pourquoi l'Allemagne tient tant à la libre circulation des capitaux, c'est à dire à l'autonomie des marchés financiers? C'est tout simplement la meilleure épée de Damoclès sur les états européens. Si vous voulez nos prêts tenez vous bien. petite synthèse ici Hors, laisser les capitaux libres, sans harmonisation fiscale, on voit ce que ça a donné. L'Irlande est devenue un paradis avec un taux d'imposition sur les sociétés ridicule. S'instaure une compétition fiscale entre les Etats qui immobilise leurs manœuvres budgétaires et menace à terme la sécu et autres protections sociales. La garantie de l'indépendance de la BCE, le financement obligataire auprès des marchés, sont autant de mesures clairement voulues par l'Allemagne pour domestiquer tout débordement.
Voilà ce qu'est l'UE. Il faut arrêter de croire aux balivernes de l'Europe pour la paix, ce n'est que le dixième de l'aspect visible de l'iceberg. Il suffit de lire les réactions de Lamy, Parisot, Sarkozy, Junker et autres. Ils ne veulent absolument pas du protectionnisme, c'est impensable pour eux ! Que toute l'élite fasse bloc contre cela, ça ne vous met pas la puce à l'oreille ?
Pour en revenir à la souveraineté, le saut fédéraliste est la pire des solutions car nous n'avons pas de socles politiques suffisamment convergents, il n'y a pas de peuple européen. Il n'y a pas de peuple a priori, tout ceci résulte de contingences historiques complexes et souvent violentes. La constitution d'empires, d'états n'est que la longue collection d'annexions de terres, d'être humains, de langues, de traditions etc. Ce n'est pas un jugement de valeur, c'est un fait. Il suffit de dénombrer le nombre de guerres civiles ou inter-étatiques dues à des problèmes économiques, des conflits religieux et bien sûr des vues impérialistes [ Une chose aussi banale que la monnaie ou la langue unifiée n'a pu se faire que par une opération de dépossession/annexion] pour le voir. A un niveau de synthèse tout à fait raisonnable, on sait que la constitution de collectivités humaines institutionnalisés et structurées provoque des crises d'intégration/désintégration qui peuvent être extrêmement brutales, surtout si l'on force les individus. Encore une fois, l'évolution ayant été ce qu'elle a été, tant pis c'est comme ça, mais le constat est là.
Objectivement il n'y a pas d'a priori pour que ne se constitue pas une communauté politique européenne. L'histoire n'est pas écrite. Cependant, chaque pays a ses sédiments historiques. La tradition syndicale allemande n'a rien à voir avec la nôtre, et de fait, la négociation politique et institutionnelle de nos économies est divergente. Les antagonismes internes à l'Italie nous sont parfaitement étrangers or ils sont la lame de fond de leur politique. Nous avons des fins communes mais certainement pas les mêmes moyens, les memes ressorts d'action. L'erreur aura été de vouloir homogénéiser à vitesse grand V, ce qui mériterait des décennies de patiente construction.
Donc non le fédéralisme n'est pas la solution, on se dirige vers un autoritarisme plus que dangereux. Je ne connais pas mr Van Rumpye, Mme Ashton ou Mr Barroso et encore Mr Bolkenstein. Mais par une formidable usurpation de légitimité, ces gens là sont à même de décider pour nous et ils se trouve qu'il existe des petits paltoquets prêts à réciter leur louanges sans voir ce que cela occasionne déjà (une désapprobation massive de l'UE) et plus tard. Et bien sûr que oui il y aura besoin de ressources nécessaires pour le budget fédéral et son amortissement ce n'est pas avant une dizaine d'années. Or de question de payer tout cela, ça ne mènera à rien. On nous a promis le plein emploi avec l'euro, la prospérité, la stabilité des prix, l'euro était un bouclier bla bla bla. Voilà que notre crise “effraie le monde”. Tu parles d'une réussite.
Il est temps de passer à autre chose. Shinji tu ne sembles avoir aucune idée de l'exaspération énorme des français comme des européens vis-à-vis de leur situation. Le mot clé est quand. Quand va-t-on arrêter la saignée de la Grèce ? Jusqu'à quand les peuples européens resteront pacifiques ? Jusqu'à quand l'euro tiendra ? Quand y aura-t-il une harmonisation sociale et fiscale des pays membres de la zone euro ?
Le réalisme consisterait à abandonner la chimère et rebâtir autre chose. Mais ça c'est une autre histoire.