C’est le sourire aux lèvres (et même un éclat de rire) que j’ai lu pour la première fois la fameuse expression “temps de cerveau disponible). Je n’ai jamais donné ma vraie impression là-dessus : la phrase est suffisemennt puissante et vérifique pour ne pas avoir grand chose à rajouter dessus… Si ce n’est des réactions “naturelles” comme le dégoût ou la résignation.
TF 1 n’est rien d’autre qu’un amas de matière fécale fossilisée. A partir de là, la réaction naturelle devrait être le dégoût (comme devant une crotte de chien ou de vache) et l’on éviterait de s’y approcher. Pourtant le Bigdil avait en moyenne 5 millions de téléspectateurs… C’est assez simple à expliquer…
Premièrement je vais être brusque mais honnête: je suis à peu près sûr que la majorité des pingouins sont des gens diplômés ou alors très coutumiers de pratiques culturelles en tous genres. Or selon l’étude d’ Olivier Donnat (je vous recrache ce que j’ai appris du livre, ça m’a tellement pris la tête à le résumer : 330 pages ^^) les jeunes diplômés, ayant des pratiques culturelles diverses sont les moins sensibles à la télévision : ils ne la regardent pas forcément moins, mais leurs choix, leur regard face à la télévision dépend fortement non seulement de la fréquence de leurs pratiques culturelles mais aussi de leur scolarité. Plus l’on est instruit; plus l’on intériorise de la connaissance et plus l’on est capable de se forger un esprit critique.
OR , cette fois-ci selon moi, si TF 1 et globalement les émissions au stade de la pourriture foetale (expression que je vais utiliser pendant quelques semaines ^^) rencontrent un tel “succès” (d’audience et pas forcément un succès mérité sur la qualité) car la vie que l’on mène en est en partie responsable : vous connaissez beaucoup de gens qui veulent lire un Camus, un Finkelkraut, un Bruckner après 8 heures de travail et le retour à la maison, avec généralement, une famille à laquelle il faut porter attention ? La réponse est non et sans appel. Pas la peine de prendre des exemple de votr entourage, ça sera très relatif. En moyenne les catégories socio-professionnelles supérieures (professions intellectuelles et jeunes diplômés par exemple) lisent trois à quatre fois plus de livres que les ouvriers ou employés. J’en reviens donc à ce que je disais : l’origine sociale et l’école conditionnent grandement votre façon d’appréhender les outils culturels (bibliothèques, cinémas etc etc)
Donc jusque là voilà comment résumer ce que je dis : le regard sur la télévision dépend de son niveau social, scolaire. Plus l’on a de “capital” culturel (idée de Pierre Bourdieu) plus l’on est favorisé sur des terrains comme la critique intellectuelle.
Maintenant, partie purement personnelle : si les gens regardent TF1 c’est tout simplement parce qu’ils y trouvent ce qu’ils ont dans leur vie. Je vais prendre des exemples très précis avant de donner l’idée générale :
Zone rouge –> test de connaissances sur des critères physiques (battements du coeur) avec une ambiance particulière. Valeurs en jeu : peur, stress, poids psychologique de l’enjeu etc etc
Ile de la tentation –> test du couple. De belles femmes et de beaux hommes sont mis sur une île pour tester leur fidélité. Valeurs en jeu : appréhension, désir (par la tentation) , amour, éthique de la fidélité.
Sans aucun doute –> émission où l’on exhibe les problèmes de tous les jours rencontrés par tous les français : domaines choisis : immobilier, voisinage, arnaques. Valeurs en jeu : morale du travail, honnêteté, éthique.
Fear factor –> émission où l’on est confronté à sa peur. Valeurs en jeu ; surmonter ses phobies, courage.
Voyez-vous où je veux en venir? Aujourd’hui si les émissions marchent ce n’est pas SIMPLEMENT parce que les gens sont passifs. Ce serait trop facile de dire cela. Si les émissions de télé marchent (aussi bien zone interdite, capital, ça se discute, jour après jour, y a que la vérité qui compte) c’est parce que elles sont des représentations IMAGEES et EN MOUVEMENT des MYTHES. Je m’explique : de tous temps, des histoires de monstres, d’infidélités, de sacrifices, de combats apparemment perdus d’avance, ont été racontées. Elles se transmettent de jour en jour, d’années en années, de siècles en siècles, de millénaires en millénaires. Là je pique l’idée à Carl Jung (disciple de Freud) qui explique que l’être humain naît et grandit inconsciemment avec la puissance des mythes. Et je pense, que c’est là les grands boulversements occasionnés par la télévision et le cinéma : la représentation des valeurs et sentiments relatifs aux mythes de jadis, est vraie, très accessible, elle nous parle.
En clair, si les émissions pourries marchent, c’est parce que justement, par leur forme (des personnes comme vous et moi) et par leur “fond” (mise en scène de sentiments et valeurs partagées par tous) elles se rapprochent considérablement de nous et notre vécu. Et croyez moi, quand on a huit heures de boulot dans les pattes et dans la tête, que l’on a un travail dur et harassant, il est difficile d’avoir un esprit critique sur ce que l’on regarde… Le mot partage (avec cet imbécile d’Arthur le répétant, sourire blanc et vicieux) me vient à la tête. La télé fait partager les émotions du téléspectateur. Mais en les galvanisant, les mettant en scène, elle leur donne une dimension supplémentaire, suffisemment attirante pour scotcher le télespectateur… qui est censé déjà vivre ces émotions dans sa propre vie…
Quitte à choquer je vais le faire : aujourd’hui et comme depuis toujours, on ne réclame qu’une chose : manger à sa faim, vivre en paix et avoir une vie familiale. Les modifications apaprues (divorces, retardement de l’âge du mariage etc etc) n’ont RIEN changé au fond, à cette aspiration commune à tous depuis des millénaires.
Le reste n’a que peu ou pas d’importance du moment que cela ne touche pas directements ces fondements.
Bref, même si tout cela n’est qu’un cycle, que dans 100 ans, les générations suivantes nous regarderont avec pitié et incompréhension (comme on le fait avec le nazisme, la guerre froide –> bien entendu, je ne place pas la médiocrité audiovisuelle sur la même échelle de valeur que ces faits historiques, mais plutôt par rapport aux regards qu’on lui portera dans plusieurs années) vous pouvez d’hors et déjà vous résigner à regarder des débilités. Où alors soulevez-vous et pour de bon.
Je parle de débilités mais je préfère le terme suivant : non acceptation de l’exhibition d’émotions jugées privées et intimes.
En clair, retournons la question ^^. Ne serions nous pas des imbéciles à critiquer la télévision? La vie est une question de point de vue…. Je ne fais que me m’imaginer un autre point de vue…
Je vais faire ça en écoutant Public Enemy, dont la rage et la violence n’ont malheureusement pas perdu une ride… Don’t believe the hype and Fight the Power
Edité par Owa le 20-01-2005 à 16:26