A l’aube des temps, la migration des planètes.
Aujourd’hui, intéressons-nous un peu à la naissance des planètes de notre système solaire.
Le scénario de cette genèse est encore pour le moins confus. Cependant, notre connaissance sur le sujet a fait un bond gigantesque à la faveur des découvertes des exoplanètes d’une part et des objets transneptuniens d’autre part (ces objets qui orbitent autour du soleil et qui se trouvent tous au-delà de Neptune, comme par exemple Pluton).
Toute la question était de comprendre comment un disque de gaz en rotation autour d’une jeune étoile nouvellement formée (je parlerai un autre jour de la naissance du Soleil, sujet trop long à développer ici) pouvait un jour donner naissance à un cortège de quelques planètes et de tout un tas d’autres choses diverses fort amusantes.
Car passer du nuage de gaz à une planète comme la Terre, c’est pas si évident que ça.
Donc à l’origine se trouve ce fameux disque gazeux en rotation autour du jeune Soleil, le nuage s’étant doucement mais inéluctablement aplati et mis en mouvement autour d’un plan perpendiculaire à l’axe de rotation de l’étoile grâce aux forces centrifuges et à certains principes de mécanique des fluides (en particulier la viscosité) que je serais bien incapable de vous expliquer davantage… ^^°
Bref.
Le Soleil des premiers millions d’années était bien plus chaud et brillant qu’aujourd’hui. En effet, en se contractant, il dégageait beaucoup plus d’énergie que maintenant. Ceci a pris fin lorsque les premières réactions nucléaires ont démarré en son cœur, et à partir de là, il est resté stable et a dégagé moins d’énergie, celle-ci restant confinée en son sein, sous une gravité terrible (pour info, il faut 20 millions d’années pour que l’énergie qui se créée au centre après une réaction nucléaire puisse « sortir » du Soleil, et seulement quelques minutes pour que vous choppiez un coup de soleil une fois qu’elle s’est échappée !).
En résumé, à partir du moment où le Soleil a cessé de se contracter et a démarré sa fusion nucléaire au cœur du noyau, la température aux alentours a ainsi commencé à baisser, pour se répartir de la sorte de part et d’autre du disque de gaz en rotation : grosso modo, 2000°C au plus près du Soleil, -260°C aux confins du disque.
Cette disparité de la température tout le long du disque entraine du coup des réactions chimiques qui seront différentes elles aussi suivant la distance au Soleil.
Le refroidissement rapide du Soleil a provoqué donc la solidification du disque de gaz en grain divers suivant la nature des gaz au moment où ils ont refroidis à leur tour.
Les éléments vont alors se répartir en fonction de cette distance, les minéraux supportant la chaleur près du Soleil, et les éléments les plus volatils (comme les glaces), ainsi que le reste des minéraux, loin de l’étoile, toujours sous formes de grains en rotation.
En somme, les planètes telluriques (Mercure, Vénus, Terre, Mars) sont apparues dans la zone « chaude » du disque, qui faisait environ 750 millions de kilomètres de large. Au-delà, la température tombait en-dessous des 0°C, et c’est à partir de cet endroit que se sont développées les géantes gazeuses.
Au départ, les grains qui forment le disque se rassemblent en certains points, sous des contraintes physiques liées à des zones d’instabilités gravitationnelles. Apparaissent ainsi des gros grumeaux de plusieurs centaines de mètres de diamètres, à quelques kilomètres. La plupart des astéroïdes se promenant dans notre système solaire à l’heure actuelle sont les derniers survivants de cette lointaine période chaotique.
A la longue, ces astéroïdes vont entrer en collision les uns les autres, et finalement finir par s’agglomérer les uns aux autres pour aboutir à des objets d’un millier de kilomètre de dimension.
Voilà pour la première étape.
C’est ensuite qu’on perd le fil.
Ces objets à peu près gros comme la France pourraient en rester là. Trop éloignés les uns des autres, ils ont peu de chance de s’agglutiner les uns aux autres assez rapidement pour donner très vite naissance aux 8 grosses planètes de notre système. Ils peuvent aussi tourner à des vitesses trop différentes les uns par rapports aux autres, et donc leurs collisions entrainer leurs destructions réciproques plutôt que leur fusion.
Du coup, on s’explique difficilement comment un système de centaines de corps d’un millier de kilomètre de diamètres est devenu un vaste système de moins d’une dizaine de grosses boules.
Mais ce problème a été surmonté par les simulations numériques.
Les embryons de planètes ont continué à ramasser la matière du disque sur leur passage, continuant à grossir, et ainsi à élargir leurs zones d’influence : soit en attirant la matière vers eux, soit en la repoussant vers un autre corps un peu plus loin, qui attirera à son tour la matière, etc.
Le disque de matière a donc été soumis des courants variés et divers de transports de matière.
A partir de là, planètes telluriques et gazeuses ont évolué différemment.
Les planètes gazeuses ont profité du gaz présent dans le disque pour se développer, à la différence des planètes telluriques, car la proximité avec le Soleil a chassé le gaz dans cette zone.
Du coup, la croissance des géantes gazeuses fut très rapide. En capturant les gaz autour d’elles, elles chauffèrent pendant un laps de temps, et la matière qui tournoyait autour d’elles était à son tour influencée par ces changements de température. C’est ce qui explique que les gros satellites actuels en rotation autour de Jupiter, Saturne et Uranus ont des densités qui décroissent en fonction de leur éloignement à leur planète. Exactement comme les planètes qui se trouvent plus ou moins loin du Soleil.
Les géantes ont très vite grossies donc, et leur influence sur l’environnement plus ou moins proche s’est très vite fait ressentir.
Jupiter est apparue la première, car elle se trouvait au plus près de la zone de basculement chaud/froid du disque (c'est-à-dire juste de l'autre côté de la ligne des 0°C, côté froid donc) . Elle n’avait plus qu’à tout ramasser ce qui se trouvait là. D’après les simulations, en mille ans elle aurait atteint la moitié de sa masse actuelle ! C’est colossal.
Sa naissance a conditionné toute la suite de la genèse de notre système.
En effet, ayant rapidement nettoyé sa zone d’attraction, Jupiter a ensuite repoussé les gaz alentours soit vers le Soleil, où ils disparaissaient, soit vers l’extérieur du disque, contribuant ainsi à l’alimenter en matière première. En effet, cette partie du disque était trop ténue pour donner naissance aussi vite à d’autres planètes. Jupiter a donc contribué à apporter des matériaux supplémentaires : gaz, astéroïdes, petits corps glacés et pourquoi pas planétésimaux de plusieurs centaines de kilomètres de diamètres.
Il faut bien comprendre qu’en se condensant, le disque de gaz ne cesse de perdre de la matière, et donc les chances de voir un jour naître une nouvelle planète s’amenuisent au fur et à mesure. Saturne a pu ainsi apparaître plus rapidement, et Neptune et Uranus ont pu ainsi voir le jour, sans quoi elles n’avaient aucune chance.
Saturne est donc ainsi apparue à son tour, puis Uranus et Neptune. Mais à cette époque, elles étaient alors bien plus proches les unes des autres qu’aujourd’hui.
Voilà donc où nous en sommes à cette période agitée de la prime jeunesse de notre système solaire, âgé alors d’environ 500 millions d’années : les géantes gazeuses ont pris forme, les planètes telluriques aussi : il aurait fallu entre 1 à 10 millions d’années pour que les géantes se forment, et 10 à 100 millions pour que les telluriques atteignent leurs tailles finales. Elles ne se sont pas toutes formées en même temps, mais c'est à ce moment-là que le portrait de famille est enfin au complet !
Mais l’histoire ne s’arrête pas là !
Jusqu’à il n’y a pas si longtemps, on ne comprenait pas du tout la répartition de la matière dans le système solaire. Par exemple, les objets se trouvant au-delà de l’orbite de Neptune, aux confins de notre système, semblent peu nombreux, et on estime leur masse totale à seulement un dixième de celle de la Terre. C’est bien trop peu pour expliquer comment ont pu se former des astres comme Pluton ou Eris dans une zone aussi peu dense en matière. Il aurait fallu 1000 fois plus de matière qu’aujourd’hui pour permettre la formation de ces corps !
Mais alors, où serait passée toute cette matière disparue ?
Une clef de l’énigme est venue de l’observation des planètes extrasolaires. Celles-ci se trouvent parfois si proches de leurs étoiles, qu’il est impossible qu’elles se soient formées à cette distance. Une seule explication : elles ont donc migré.
Les planètes migrent.
Retour à notre système âgé de 500 millions d’années.
Les modèles ont montré que les géantes gazeuses étaient deux fois plus rapprochées entre elles qu’aujourd’hui.
A cette époque, les géantes interagissaient avec les petits corps qui les entouraient. Par un principe de conservation de mouvement angulaire (ou tout simplement, par « réaction »), les planètes géantes qui déviaient la course d’objets plus petits perdaient un peu de vitesse par effet de recul.
Conséquence inéluctable : Jupiter perdait un peu de vitesse, et donc se rapprochait un peu plus du Soleil, balayant tout sur son passage en éjectant les corps à sa portée vers le centre du système solaire, c’est-à-dire les planètes telluriques qui subissaient alors un bombardement terrible dont la Lune, Mercure et Mars portent encore les traces à ce jour (et que jusqu’à présent on était incapable d’expliquer). Parfois ces corps sont éjectés loin du Soleil, et finissent alors dans le fameux nuage de Oort dont je vous ai déjà parlé un jour. Ils reviendront tôt ou tard nous rendre une nouvelle visite sous forme de comètes, en subissant des perturbations gravitationnelles d’autres étoiles proches. Mais c’est une autre histoire.
Saturne, Neptune et Uranus, elles, réagissent de leur côté à ces éjections en s’éloignant du Soleil. Le bel équilibre qui régissait alors le système est rompu.
Les choses vont dégénérer quand Jupiter et Saturne vont entrer en résonance. A un moment donné, quand Jupiter fait 2 tours autour du Soleil, Saturne en fait 1, ce qui entraine une grande amplification de l’influence qu’exerce Jupiter sur Saturne, la plus petite étant carrément repoussée plus vite vers l’extérieur. Cette migration a des conséquences ensuite sur les orbites de Neptune d’abord puis d’Uranus. Car le truc de fou, c’est qu’à l’époque on suppose que Neptune était plus proche du Soleil qu’Uranus, avant de se faire éjecter par Saturne, de doubler Uranus et de prendre la place de bonne dernière parmi les planètes de notre système !
Vous imaginez un peu le chamboulement ? Neptune est venue jouer les boules de bowling parmi la multitude de corps qui gravitaient en périphérie du système, propulsant tout ce monde dans tous les sens ! Les choses ne se sont calmées que lorsque les géantes se sont à nouveau calées sur des orbites en résonnance les unes par rapport aux autres, établissant un nouvel équilibre entre les planètes.
Résultat des courses, les distances dans notre système solaire se sont considérablement rallongées, et la plupart des petits corps qui se trouvaient au bord du disque, expulsés purement et simplement du système, vers le reste de la galaxie. Seuls quelques corps entrés en résonnance avec Neptune ou Uranus ont subsisté (comme Pluton par exemple), d’autres sont restés sous l’influence du Soleil (comme certains objets comme quelques comètes et autres).
Ce fut donc le grand nettoyage, pendant 200 à 300 millions d’années, avant que le calme ne revienne dans le système.
sur ce modèle on voit Neptune représentée d'un cercle bleu, et Uranus d'un cercle violet. Ce scénario rend bien compte que ces deux planètes se sont croisées à un moment donné, Neptune dégageant au-delà de l'orbite d'Uranus et effectuant un grand nettoyage parmi tous les astéroïdes alentours
Ce scénario complexe explique quasiment tous les grands mystères qui demeuraient non résolus jusqu’à il y a peu : naissance des corps comme Neptune impossible dans un environnement pauvre en matière, origine des cratères du « grand bombardement » survenu il y a 3,8 milliards d’années, explication de l’origine de la ceinture d’astéroïdes, des centaures, des troyens de Jupiter, tout autant de corps célestes sur lesquels je reviendrai plus tard.
Pour l’heure, cette hypothèse reste à confirmer (vous avez plus de détails ici et là). Elle date de seulement 2006, et a été proposée par un groupe de chercheurs lors d’un programme de recherche à l’observatoire de Nice, mais cette proposition si géniale a très vite été adoptée par la communauté internationale, et depuis, différentes observations tendent à crédibiliser toujours un peu plus ce scénario.
Rendez-vous compte : cela fait seulement moins de 5 ans que l’on commence à comprendre la naissance du système solaire. Jusque-là, on était tellement dans le flou, que l’on doutait jusqu’à la possible existence de planètes en dehors du système solaire. Mais à force d’observations, de progrès et de volonté politique (ben oui), l’histoire de nos origines progresse plus vite en moins d’une décennie qu’en plusieurs siècles depuis Galilée !
J’ose à peine imaginer quelles seront les prochaines révélations qui nous attendent en provenance du cosmos !
Edit : nous sommes le 10/06/2011 et la théorie de la migration des planètes se précise :
D'après la même équipe de l'observatoire de Nice, Jupiter aurait dans un premier temps migré vers le Soleil, ce qui aurait eu pour effet de "tasser" tout le disque de matière interne entre l'étoile et la géante gazeuse, ce qui a favorisé le développement des planètes telluriques. Jupiter se serait beaucoup rapprochée, jusqu'à faire demi-tour attirée par Saturne qui migrait elle aussi vers le Soleil. Le rapprochement des deux géantes aurait donc contraint Jupiter à repartir dans l'autre sens, et à pousser Saturne dans l'autre sens aussi. Une vraie partie de billard !
Tout ceci se serait passé en 500000 ans. Et cela expliquerait pourquoi mars est si petite, car elle se serait retrouvée en bordure de ce disque ratatiné par Jupiter, Venus et la Terre prenant la plus grosse part pour elles.
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