Le fussoir incontesté qui ne me quitte plus depuis des années est un film, Jin-Roh. C’est bien simple, j’ai beau le rererererevoir, la séquence de fin me fait toujours pleurer à gros bouillons. Lorsque Kei (la fille) récite à Fusé (le garçon) la fin du conte, on a tous les éléments, du plus formel au plus sensible, qui font sens en même temps: le travelling circulaire à 45° sur le visage de Fusé qui dévoile Kei au second plan, les mots du conte dont on sait la fin avant qu’il soient prononcés, anticipant chez le spectateur sur le tragique de la situation, et donc l’exacerbant, puisqu’ avant que la mort advienne, on sait qu’on ne pourra rien y faire, et on assiste, comme Fusé, à la lennnnte litanie des ” grand mère, comme vous avez…”, avant que Kei en larme n’hurle les dernières paroles et Fusé, ouvrant la bouche mais ne pouvant rien dire lui non plus (seuls les hommes désamorcent les crises par la parole), finit par serrer les dents, comme l’animal qu’il est, face à l’insuportable… et tire.
Il n’y a pas plus d’humanité dans ces personnages que dans des acteurs en chair et en os, mais à ce moment, dans ce film, on a la preuve incontestable (à mon sens) que l’animation a permis de créer une scène touchant à une humanité que de “vrais gens” auraient été incapables de retranscrire sans être ridicules. Parce que Fusé et Kei sont vrais comme le sont des héros tragiques (l’arme avec laquelle Fusé tue Kei, et qu’il emporte avec lui la nuit où il fait le mur pour aller la retrouver, est caché dans un livre: “Tristan et Iseult”…), et parce qu’ Okiura est un grand dont on ne parle pas assez.
Sinon, les autres fussoirs sont tous musicaux, entendez par là tous ceux qui me font chouiner: le passage entre “Quia respexit” et “Omnes Generationes” dans le Magnificat de Bach, le canon de Pachelbel, “Lisa” du dernier Souchon, “ma fille” des têtes raides, et puis la fin d’Eva, toujours. Et des trucs et des machins.
Et puis ce qui fussoye le plus, c’est toujours ce qu’on oublie, c’est certaines personnes qui nous entourent et qui sont de tels miracles quotidiens qu’on risque de ne même plus s’en rendre compte…